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La réforme du renseignement adoptée in&nbspextremis

C'est la réforme la plus significative de notre secteur du renseignement depuis plus de 50 ans, selon Susan Collins, sénatrice républicaine. 

		©CIA
C'est la réforme la plus significative de notre secteur du renseignement depuis plus de 50 ans, selon Susan Collins, sénatrice républicaine.
©CIA
La Chambre des représentants a entériné mardi une réorganisation en profondeur des différentes agences de renseignement américain considérée comme la plus importante réforme dans ce domaine depuis un demi-siècle. Après des semaines d’atermoiements, l’adoption de ce texte par les députés américains par 336 voix contre 75 -les démocrates ont majoritairement voté en sa faveur- ouvre la voie à son approbation par le Sénat. Recommandée l’été dernier par la commission d’enquête indépendante sur les attentats du 11 septembre, cette réforme, largement soutenue par le président Bush, est censée mettre un terme au dysfonctionnement du renseignement américain mis notamment en cause pour n’avoir pas su empêcher les attaques terroristes sur le sol américain et pour avoir fourni des informations erronées sur le prétendu arsenal d’armes de destruction massive de Saddam Hussein.

Débattue depuis le mois de juillet au Congrès, la réforme des services secrets américains a failli ne pas être adoptée tant les résistances au changement sont grandes dans la communauté du renseignement. Le président Bush s’était pourtant personnellement impliqué en sa faveur appelant encore une fois samedi, lors de son discours radio-diffusé hebdomadaire, les élus à voter cette loi pour qu’il puisse enfin «promulguer les réformes nécessaires» à la sécurité nationale. Les oppositions au vote de ce texte, préparé par des républicains modérés et des démocrates, sont en effet venues de l’aile la plus conservatrice du parti du président qui craignait que le Pentagone –qui contrôle actuellement 80% du budget du renseignement estimé à quelque 40 milliards de dollars– ne soit dépouillé de son autorité. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsefeld, avait d’ailleurs été ouvertement accusé de tout faire pour empêcher l’adoption de cette réforme. Car en dehors de la CIA –l’Agence centrale de renseignement–, les plus importants services secrets américains dépendent en effet de son administration et leur regroupement sous une autorité unique extérieure au Pentagone n’a pas été très apprécié.

Il aura donc fallu l’insertion dans le projet de loi d’une phrase indiquant que la réforme du renseignement «n’affectera en rien la chaîne du commandement militaire» pour que le texte soit finalement adopté par la Chambre des représentants. «C’est la réforme la plus significative de notre secteur du renseignement depuis plus de 50 ans», s’est félicité l’une des initiatrices de ce projet, la sénatrice républicaine Susan Collins. La principale disposition de cette loi réside dans la création d’un poste de super-patron de l’anti-terrorisme. Ce «Directeur du renseignement national» (NID) aura pour principale mission de chapeauter une quinzaine d’organisations travaillant à la collecte et à l’analyse du renseignement, depuis la CIA jusqu’à certains services de la police fédérale (FBI) en passant par plusieurs organismes du Pentagone. Il aura notamment autorité sur les budgets et les personnels nécessaires pour «coordonner tous les efforts» de ces différentes agences de renseignement qui emploient aujourd’hui quelque 100 000 civils et militaires.

Une loi liberticide

La réforme prévoit également la création d’un Centre national du contre-terrorisme (NCTC) dont la fonction sera de coordonner les missions de tous les services secrets. Mais cet organisme ne pourra toutefois pas ordonner la façon dont seront conduites les opérations d’espionnage ou de contre-espionnage. Sur le plan national, le projet de loi prévoit par ailleurs des mesures liées à l’immigration et au maintien de l’ordre en instaurant notamment des normes au niveau de chaque Etat pour l’obtention du permis de conduire qui est aux Etats-Unis la pièce d’identité la plus fréquemment utilisée. Il appelle également le département de la Sécurité intérieure à mettre en œuvre une stratégie nationale de sécurisation des transports aériens, terrestres et maritimes et de renforcer la surveillance des frontières. Des effectifs supplémentaires pour la police des frontières et les douanes sont d’ailleurs prévus ainsi que l’accroissement des capacités d’hébergement pour les centres de détention de clandestins et de terroristes présumés.

Ardemment défendue par les familles des victimes des attentats du 11 septembre, la réforme du renseignement américain qui s’accompagne également d’un renforcement de l’arsenal répressif de l’Etat fédéral a été vivement dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme. L’ACLU, la plus grande des organisations de défense des libertés individuelles a notamment regretté que cette loi «centralise les pouvoirs de surveillance des organismes de renseignement, rendant plus probables les abus gouvernementaux, sans instituer de garde-fous suffisants». La réforme adoptée par le Congrès prévoit pourtant la création d’un Conseil indépendant sur le respect de la vie privée et des libertés civiles. Il a officiellement accès à tous les organismes gouvernementaux et doit à ce titre empêcher toute forme d’abus. 



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/12/2004 Dernière mise à jour le 08/12/2004 à 16:39 TU