Proche-Orient
Sharon en homme de paix ?
(Photo : AFP)
«La domination d’un peuple par un autre est une catastrophe». Ces paroles sont d’Ariel Sharon, le chef du Likoud, qui des années durant a été le champion de la colonisation dans les Territoires palestiniens. Lors d’un colloque organisé à Herzliya, au nord de Tel Aviv, le Premier ministre israélien a même affirmé être «prêt à des concessions très très douloureuses», à condition toutefois que cela ne mette pas en péril la sécurité de l’Etat hébreu. «L’année 2005 offre une chance historique de percée avec les Palestiniens que nous attendons depuis des années», a-t-il également affirmé estimant que la «pierre angulaire de cette percée» était son plan de retrait de la bande de Gaza qu’il a bien l’intention d’appliquer comme prévu d’ici la fin de l’année prochaine. Il est clair, a ajouté à ce sujet Ariel Sharon, que «dans le cadre d’un arrangement permanent avec les Palestiniens, Israël ne se trouvera plus dans bande de Gaza où nous n’avons plus rien à faire».
Alors qu’il y a quelques mois encore le Premier ministre insistait sur le caractère unilatéral de son plan, aujourd’hui il se déclare au contraire favorable à une coordination avec la nouvelle direction palestinienne. «J’attends aussi une coopération sécuritaire effective avec l’Egypte après notre retrait de la bande de Gaza. Le rôle que ce pays est appelé à assumer est important», a-t-il également fait valoir. Les relations entre Israël et l’Egypte ont, il est vrai, connu ces derniers temps une brusque embellie, le président Hosni Moubarak qualifiant notamment Ariel Sharon d’homme de paix et ce dernier n’hésitant pas à rendre hommage au rôle de leader dans le monde arabe du chef de l’Etat égyptien.
Le Premier ministre israélien a par ailleurs insisté, tout au long de son discours, sur le caractère unique de l’occasion qui se présentait pour trouver enfin une solution au conflit israélo-palestinien. «Il y a une opportunité unique de modifier les données stratégiques à l’avantage d’Israël», a-t-il souligné, n’hésitant pas à rappeler les difficultés engendrées par quatre ans d’Intifada que la société israélienne a dû affronter. «Au cours de ces dernières années, nous avons été confrontés à la récession, au terrorisme et à une vague internationale d’antisémitisme et d’antisionisme, mais nous avons surmonté tout cela et nous pouvons aussi compter sur la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme car les Européens ont compris ce à quoi nous sommes confrontés», a-t-il notamment fait valoir.
Scepticisme des PalestiniensCes déclarations de bonnes intentions venant d’un homme qui toute sa vie durant les a combattus ont laissé les Palestiniens sceptiques. Interrogé sur les nouvelles dispositions dont semble désormais faire preuve Ariel Sharon, le porte-parole de l’Autorité palestinienne a tenu à insister sur l’attachement de la nouvelle direction à la Feuille de route. «Nous réclamons toujours l’application de ce plan international ainsi que le retrait israélien des Territoires occupés pour pouvoir créer notre Etat», a ainsi affirmé Nabil Abou Roudeina. «Nous voulons retourner à la table des négociations pour parvenir à la paix», a-t-il ajouté. Plus dur, le ministre palestinien en charge des Négociations a pour sa part estimé que le discours du Premier ministre israélien ne comportait «rien de nouveau». «Si Ariel Sharon veut se retirer de Gaza ou d’ailleurs, personne ne l’en empêchera. Mais tant qu’une solution ne sera pas trouvée au problème des colonies, il s’agira d’une mesure imposée. Et ce que nous réclamons ce sont des négociations pas des mesures unilatérales», a insisté Saëb Erakat.
Cette méfiance des Palestiniens est d’ailleurs largement partagée par le député arabe israélien Ahmed Tibi pour qui Ariel Sharon «n’ira apparemment pas plus loin que son plan de retrait de Gaza». Il a notamment souligné que le Premier ministre refusait non seulement qu’Israël accepte de se replier à l’intérieur de ses frontières d’avant la guerre de 1967 mais entendait également maintenir sous le contrôle de l’Etat hébreu les principaux blocs de colonies en Cisjordanie. «Cela interdit de songer à un règlement permanent car les Palestiniens ne seront pas des partenaires pour un tel diktat», a notamment affirmé Ahmed Tibi. «Il se peut que 2005 soit l’occasion d’une relance du processus de règlement politique, mais sur la base de ce que Sharon a déclaré, ce ne sera pas l’année de la percée», a-t-il conclu.
Le Premier ministre israélien a toutefois accepté une invitation pour participer en février prochain à une conférence sur le Proche-Orient organisée à Londres. «Cette réunion constitue sans doute le développement le plus significatif à court terme», a ainsi affirmé Dov Weisglass, l’un des plus proches conseillers d’Ariel Sharon, insistant cependant sur le fait que cette rencontre porterait entièrement «sur les moyens d'aider les Palestiniens au moment où ils entament une nouvelle ère». Aux yeux des autorités israéliennes en effet, cette conférence ne doit en aucun cas imposer quoique ce soit à l’Etat hébreu.par Mounia Daoudi
Article publié le 17/12/2004 Dernière mise à jour le 17/12/2004 à 16:55 TU