France-Etats-Unis
La main tendue de Condoleezza Rice
(Photo : AFP)
Elle a ensuite été reçue à l'Élysée par le président Chirac, avant de terminer cette journée par une conférence de presse au Quai d'Orsay. Quai d'Orsay, où le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier s'est montré très chaleureux envers cette homologue américaine qu'il avait déjà rencontrée récemment à Washington et qu'il traite ostensiblement avec beaucoup d'amitié, en lui donnant très souvent du «chère Condi», mais elle n'est pas en reste. Les chefs des deux diplomaties avaient certainement de toutes façons beaucoup de choses à se dire en effet, ne serait-ce que parce que tous deux revenaient d'une visite au Proche-Orient, presque dans les pas l'un de l'autre, visite effectuée juste avant le sommet de Charm el Cheikh...
Changement de tonC'était le moment de sceller des retrouvailles avec un pays qui n'avait pas ménagé ses critiques, mais aussi son action diplomatique hostile du temps où se jouait la guerre en Irak. Côté français aussi le ton a changé puisqu'on se veut aujourd'hui réaliste. La donne actuelle, c'est-à-dire un George Bush à la Maison-Blanche pour encore quatre ans, des élections qui se sont déroulées beaucoup mieux que prévu en Irak et une conseillère à la Sécurité qui voulait naguère encore « punir la France » désormais au Département d'Etat, les dirigeants français ont pris le parti de s'en accommoder, d'autant plus que depuis le début de son second mandat, Washington a adopté un ton nettement plus conciliant pour ses alliés européens récalcitrants.
Il était bien sûr symboliquement très important et en même temps assez audacieux que Condoleezza Rice vienne tendre la main à l'Europe, avec un discours, justement dans cette capitale qui avait en 2003 joué le rôle de meneuse contre l'intervention américaine en Irak. Et il est vrai que le ton a été différent. D'abord, l'accent a été mis par la nouvelle secrétaire d'Etat sur cette communauté de valeurs, cet attachement à la démocratie et à la liberté qui caractérisent à la fois le Vieux Continent et les États-Unis. Dans ce contexte, elle a argumenté ses propos par de nombreux rappels du passé; la meilleure démonstration aux yeux des Américains que la fermeté et le volontarisme paient. Avec leur gestion notamment de la guerre froide qui a abouti à la chute du mur; elle a rappelé qu'elle avait vécu cette période en qualité de spécialiste de l'Union soviétique à la Maison-Blanche du temps de George Bush père. Et puis, ce ton différent était surtout sensible dans la façon dont Condoleezza Rice a parlé de l'Europe; cette Europe que les Américains veulent aujourd'hui forte et unie après avoir tant cherché à la diviser il y a peu lorsque Donald Rumsfeld opposait la vieille Europe à la nouvelle Europe. Et cette Europe, la secrétaire d'Etat assure vouloir lui voir jouer aussi un rôle diplomatique puisqu'elle a même plaidé pour une réactivation du Quartette dans le dossier israélo-palestinien.
Comme l'ont commenté de nombreuses personnalités présentes au discours de Sciences Po, l'Europe attend maintenant les actes. Car sur le fond, les approches des uns et des autres restent les mêmes, c'est-à-dire différentes. Sur l'Iran et ses velléités nucléaires, la secrétaire d'État a à peine caché le scepticisme que lui inspire la médiation des Européens. Sur l'ONU, elle a dit tout le respect que lui inspire l'organisation internationale, mais elle a dit aussi tout le bien qu'elle pense de ces coalitions de volontaires que les États-Unis ont mises à l'ordre du jour. On connaît les autres sujets de friction, le réchauffement climatique, la question de l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine. Mais en même temps, c'est le résultat d'un contexte devenu plus favorable, les Américains et les Européens pourront peut-être se retrouver plus actifs, de concert, sur le conflit israélo-palestinien. C'est en tout cas le « test » qu'a fixé Michel Barnier à l'amélioration des relations transatlantiques.
par Michèle Gayral
Article publié le 09/02/2005 Dernière mise à jour le 09/02/2005 à 14:30 TU