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Décès de Jean-Paul II

Raz-de-marée d’émotion en Pologne

Les habitants de Cracovie se sont retrouvés sur la place centrale.(Photo : AFP)
Les habitants de Cracovie se sont retrouvés sur la place centrale.
(Photo : AFP)
L’annonce de la mort du pape Jean-Paul II a provoqué samedi soir un véritable raz-de-marée d’émotion et de larmes en Pologne, son pays d’origine. Nombreux ont été les présentateurs télé ou radio qui n’ont pas pu retenir un sanglot. Après deux jours de prières ardentes, d’attente et d’espoir, puisque jusqu’au bout beaucoup de Polonais attendaient un miracle, l’émotion contenue a explosé.

De notre correspondante à Varsovie

L’Eglise Sainte-Anne de Varsovie est l’église des étudiants et, samedi soir, les jeunes y sont venus nombreux, les larmes aux yeux, une bougie à la main pour une veillée funèbre. Les sirènes se sont mises en marche, les cloches ont sonné durant une demi-heure sans discontinuer dans toutes les grandes mégapoles polonaises. A Wadowice, la ville natale de Karol Wojtyla, les gens se sont agenouillés sur la place devant la basilique Notre-Dame, où le pape a été baptisé et où il a reçu la première communion. A Cracovie, la ville où Karol Wojtyla fut étudiant puis évêque, le glas du Saint-Sigismond, un glas qui ne sonne qu’aux occasions exceptionnelles, a annoncé son décès de sa voix lugubre. Les habitants de Cracovie se sont retrouvés sur la place centrale et devant l’archevêché, en bas de la célèbre fenêtre à laquelle Jean-Paul II aimait se montrer, le soir, à ses fidèles lors des huit voyages effectués en Pologne durant son pontificat. Des millions de Polonais sont descendus dans les rues et ont rempli les églises pour dire au revoir au plus illustre de leurs compatriotes.

Les hommes politiques ont aussi rendu un hommage unanime à ce grand homme. « Sans lui, la Pologne ne serait pas un pays libre aujourd’hui », a dit le président Aleksander Kwasniewski, pourtant un ex-communiste, dans un discours prononcé samedi soir. Le gouvernement polonais, réuni durant la nuit de samedi à dimanche, a décrété le deuil national jusqu’au jour de l’enterrement de Jean-Paul II. Dimanche, les drapeaux étaient en berne dans tout le pays, les spectacles annulés, les magasins et les cinémas fermés. Les programmes télévisés et radiophoniques ont été interrompus. On n’entend que de la musique classique, des requiems, des chants d’églises, des messes et des documentaires sur le long pontificat de Jean-Paul II.

 «Il a allumé alors le flambeau de la liberté»

La journée du dimanche a été placée, en Pologne, sous le signe des grandes messes populaires. A Varsovie, à 15 heures, 100 000 personnes sont venues place Pilsudski pour un rendez-vous posthume avec celui qu’ils considéraient comme « leur » pape. Les visages étaient apaisés, les fidèles sont venus en famille, les jonquilles à la main, des écharpes jaunes autour du cou aux couleurs de la papauté. C’était le jour de la Miséricorde divine, une fête religieuse instaurée par Jean-Paul II en hommage à la Sainte Faustyne qui appartenait à l’ordre de la Miséricorde et que le pape a béatifié en l’an 2000.

Cette rencontre sur la place Pilsudski avait une valeur de symbole. C’est ici que Karol Wojtyla, fraîchement élu pape, est venu parler en 1979 à une foule en liesse. « Il a allumé alors le flambeau de la liberté », a dit l’évêque Piotr Jarocki au tout début de la messe dominicale. En effet, Jean-Paul II avait lancé cette phrase : « Que l’esprit saint descende et transforme cette terre », phrase considérée par l’opposition de l’époque comme un encouragement à lutter contre le régime totalitaire. Et pour la génération qui a aujourd’hui plus de trente ans et qui se souvient de la Pologne d’avant la chute du Mur, Jean-Paul II demeure le chantre de la liberté. Pour eux, il reste celui qui s’est entretenu en 1987, malgré l’interdiction des autorités communistes de l’époque, avec un jeune leader du syndicat Solidarnosc – Lech Walesa. Celui qui est allé se recueillir sur la tombe d’un prêtre tué par la police communiste, celui qui a pris dans ses bras la mère d’un jeune garçon torturé et assassiné par des miliciens. La foi des Polonais est toujours teintée de patriotisme. Les jeunes, en revanche, voyaient en Jean-Paul II la dernière autorité morale non souillée par de nombreux scandales qui ont terni le blason de tous les partis politiques confus, y compris de ceux issus de Solidarnosc.

Certes, l’attachement des Polonais à leur pape frise quelquefois l’idolâtrie. Aucune critique officielle n’a jamais été permise. Son effigie a remplacé dans beaucoup de maisons le crucifix, son portrait est dans toutes les églises, sa statue dans chaque ville. Le pape polonais avait cependant le don d’unir l’église de son pays, de lui donner un second souffle après la chute du régime communiste. Mais nombreux sont les ecclésiastiques qui se demandent, tremblants, ce que deviendra cette église une fois la période du deuil terminée.

par Maya  Szymanowska

Article publié le 03/04/2005 Dernière mise à jour le 03/04/2005 à 22:08 TU