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Proche-Orient

Retrait de Gaza : Chtcharansky démissionne

Nathan Chtcharansky, ministre des Relations avec la diaspora, démissionne. (Photo: AFP)
Nathan Chtcharansky, ministre des Relations avec la diaspora, démissionne.
(Photo: AFP)
La démission de Nathan Chtcharansky est une nouvelle épreuve pour le chef du gouvernement Ariel Sharon qui perd ainsi une figure reconnue sur la scène internationale. Parmi les plus farouches opposants à l’évacuation des colonies de la bande de Gaza et des quatre petites implantations du nord de la Cisjordanie, le ministre des Relations avec la diaspora était en effet très apprécié par l’administration américaine, le président Bush ayant notamment fait une vibrante apologie de son dernier ouvrage La cause de la démocratie.

Le départ du ministre des Relations avec la diaspora était inévitable. Nathan Chtcharansky pouvait en effet difficilement continuer à concilier ses actions contre le plan de désengagement de la bande de Gaza et rester dans le cabinet d’Ariel Sharon qui a fait de ce retrait son cheval de bataille. Le ministre, qui vient de passer trois jours pour Pessah –la Pâque juive– dans la colonie de Atzmona dans la bande de Gaza, s’en est d’ailleurs longuement expliqué dans sa lettre de démission. «Allons-nous, en quittant Gaza, encourager la liberté d’expression et la mise en place d’un système judiciaire de protection des droits de l’Homme ? Les groupes terroristes palestiniens vont-ils être démantelés ? La réponse à toutes ces questions est bien sûr non», écrit-il. Nathan Chtcharansky estime également que le retrait des colonies de la bande de Gaza et des quatre petites implantations du nord de la Cisjordanie «va provoquer une terrible cassure dans la société israélienne et que le gouvernement ne fait rien pour l’éviter». 

Dans une interview à la radio militaire israélienne, le ministre démissionnaire est allé encore plus loin en affirmant que le plan de désengagement d’Ariel Sharon était «un prix bien trop élevé à payer qui encourage le terrorisme». Selon lui en effet, l’application de ce projet devait être conditionnée à des réformes du côté palestinien, or ce n’est pas le cas. «Un siège au gouvernement n’est pas un job mais une mission, a-t-il ajouté. Et je sens que je ne peux plus servir fidèlement dans un gouvernement dans le principal axe politique, que dis-je la raison d’être, est devenu quelque chose à laquelle je suis si fermement opposé». Nathan Chtcharansky, qui affirme n’avoir aucune objection en ce qui concerne la rétrocession de terres aux Palestiniens, estime par ailleurs que «ces douloureuses concessions ne peuvent se faire que dans le cadre d’une paix véritable». Or, souligne-t-il, le plan de désengagement d’Ariel Sharon s’inscrit dans une logique contraire.

Conscient d’avoir perdu un homme de poids même si le départ de Nathan Chtcharansky n’était pas vraiment une surprise, Ariel Sharon s’est appliqué à rendre hommage à son ancien ministre. Il a notamment salué son «remarquable travail» contre l’antisémitisme dans le monde et regretté sa démission. Le vice-Premier ministre Ehoud Olmert a pour sa part estimé que le départ de Nathan Chtcharansky était conforme à ses engagements. «Cette démission est caractéristique de l’intégrité qui l’a défini tout au long de sa vie politique et du courage dont il a su faire preuve pour défendre ses idéaux», a-t-il déclaré tout en affirmant ne pas être d’accord avec sa décision.

«La faillite d’un combattant de la liberté» 

La démission de Nathan Chtcharansky représente du pain bénit pour les détracteurs du Premier ministre qui espèrent secrètement qu’elle fera tache d’huile. Depuis le départ, l’année dernière, du ministre sans portefeuille Uzi Landau, considéré comme le chef de file des durs du Likoud, et celui des représentants de deux formations d’extrême droite –l’Union nationale et le Parti national religieux– le ministre chargé des Relations avec la diaspora était en effet  considéré au sein du gouvernement comme l’opposant le plus virulent au retrait même si d’autres membres du cabinet, également membres du parti d’Ariel Sharon n’avaient pas, eux non plus, caché leur désaccord. «C’est une grande victoire du camp opposé au retrait qui devrait constituer un exemple pour les ministres du Likoud qui sont contre ce projet mais qui refusent de renoncer à leur portefeuille», s’est ainsi félicité le député d’extrême droite Effi Eytan.

Pour ce farouche opposant au projet de désengagement d’Ariel Sharon, «la démission d’un homme qui était devenu le symbole international de la lutte en faveur des droits de l’Homme et de la démocratie est une grande victoire morale». Effi Eytan faisait allusion au passé d'Anatoly Chtcharansky –il n'a pris le prénom de Nathan qu'à son arrivée en Israël– qui fut l’un des plus célèbres refuzniks, ces juifs soviétiques auxquels Moscou refusait l’autorisation d’émigrer en Israël. Son engagement politique en faveur de la liberté lui avait valu de passer neuf ans dans les geôles du Kremlin sous l’accusation d’espionnage au profit des Etats-Unis. Et il n’avait pu quitter l’URSS qu’à la faveur d’un échange d’espions avec l’Occident en 1986. Accueilli en héros en Israël, Nathan Chtcharansky s’est très vite lancé en politique en fondant notamment le parti russophone «Israel Be Aliya», formation qui a, par la suite fusionné, avec le Likoud d’Ariel Sharon. Il a été successivement ministre du Logement, de l'Intérieur et du Commerce et de l'Industrie tout devenant de plus en plus «faucon».

Cet ancrage de plus en plus à droite a d’ailleurs déçu bon nombre de ses anciens alliés politiques, dont le député du parti de gauche Yahad, Roman Bronfman. Ce dernier a ainsi assimilé son départ du gouvernement «une faillite d'un combattant de la liberté devenu un homme de guerre et un partisan de l'occupation» israélienne des Territoires palestiniens. Selon lui, Chtcharansky «a été élu grâce aux votes des immigrants mais ne les a jamais vraiment représentés. Il n’a fait que défendre les intérêts des colons et sa démission ne fait que démasquer ses véritables priorités». 

Même s’il jouissait d’une bonne presse auprès de l’administration américaine –le président George Bush a, à de nombreuses reprises, vanté son dernier ouvrage qui prône notamment «une démocratisation du monde arabe» en affirmant : «si vous voulez avoir une idée de ce que je pense à propos de la politique étrangère, lisez Nathan Chtcharansky !»– la démission du ministre chargé des Relations avec la diaspora ne devrait pas avoir de conséquences sur le plan de désengagement de la bande de Gaza dont l’application est toujours prévue pour cet été.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 02/05/2005 Dernière mise à jour le 10/08/2005 à 13:29 TU