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Ouzbékistan

Le pouvoir poursuit sa reprise en main

Les forces gouvernementales ouzbèkes ont repris position à Kara-Suu et ont ouvert pour la première fois depuis le début de l'insurrection la frontière avec le Kirghizstan.(Photo: AFP)
Les forces gouvernementales ouzbèkes ont repris position à Kara-Suu et ont ouvert pour la première fois depuis le début de l'insurrection la frontière avec le Kirghizstan.
(Photo: AFP)
Les forces gouvernementales ouzbèkes ont repris le contrôle de la ville de Kara-Suu où des émeutes avaient eu lieu à la suite des manifestations d’Andijan. Il semble qu’il n’y ait pas eu d’affrontements lors du retour des militaires dans cette cité frontalière avec le Kirghizstan, où les insurgés avaient chassé les représentants du pouvoir depuis plusieurs jours. Les protestations internationales n’empêchent pas le président Karimov de reprendre la situation en main, peu à peu, mais avec détermination.

Sur le pont qui relie Ouzbékistan et Kirghizstan à Kara-Suu, on peut de nouveau voir des gardes-frontière ouzbek depuis jeudi matin. Cette présence des forces de l’ordre n’empêche pas, pour le moment, les habitants de la ville de passer sur l’autre rive, même si des contrôles et des fouilles sont effectués sur chaque personne qui se présente. Les journalistes sont, quant à eux, toujours refoulés. Il s’agit d’un changement notable car depuis six ans, la circulation était interdite par les autorités ouzbèkes et le pont avait même été détruit pour mieux limiter les échanges traditionnels entre les populations des deux pays. Reste à savoir si cela va continuer une fois que le pouvoir se sera totalement réinstallé dans la ville.

Le retour de plusieurs centaines de membres des forces gouvernementales dans Kara-Suu, qui a eu lieu au cours de la nuit et durant le début de la matinée, fait suite à l’insurrection des habitants de la ville dans la foulée de celle de la population d’Andijan, le 13 mai. Des manifestants avaient alors mis le feu aux bâtiments officiels et tous les représentants du pouvoir avaient été chassés faisant de la ville une espèce de no man’s land hors du contrôle de Tachkent pendant plusieurs jours. Une situation qui a permis à de nombreux Ouzbeks de franchir la frontière pour se réfugier au Kirghizstan. Des tirs ont été entendus mais il ne semble pas qu’il y ait eu d’effusion de sang lors de cette opération. Des opposants politiques ont, en revanche, été immédiatement arrêtés. Parmi eux figure Bakthiar Rakhimov qui avait mené le mouvement de protestation à Kara-Suu et s’était présenté comme le chef des radicaux islamistes, allant même jusqu’à réclamer l’instauration d’un califat en Ouzbékistan.

Un nouveau bilan encore plus lourd

Après avoir repris en main Andijan où l’armée et la police se sont positionnées depuis plusieurs jours pour bloquer l’accès à la ville et empêcher tout nouveau débordement, Kara-Suu est donc aujourd’hui elle aussi remise au pas. Les tentatives du pouvoir pour convaincre la communauté internationale qu’il n’y a pas eu d’exactions contre des civils lors de la répression des émeutes -et notamment la visite guidée organisée pour les diplomates et les journalistes à Andijan-, ne l’empêchent pas de poursuivre sans état d’âme le rétablissement de son autorité sur les zones insurrectionnelles. Les arrestations de leaders islamistes s’intègrent parfaitement dans ce processus puisqu’elles correspondent à la version des événements avancée par le gouvernement de Tachkent. Depuis le départ, les autorités affirment, en effet, que les émeutes d’Andijan et de Kara-Suu ont été menées par des intégristes islamistes désireux de renverser le régime et ont nié le fait que le soutien apporté par la population à ces insurgés ait été motivé par la très grande pauvreté et l’oppression dont sont victimes les habitants.

La détermination du régime ouzbek à poursuivre sa reprise en main et à bloquer l’accès à l’information sur les évènements qui se sont déroulés il y a bientôt une semaine contribue à entretenir les protestations de la communauté internationale. D’autant qu’un nouveau bilan encore plus lourd a été évoqué. La Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme, qui regroupe une quarantaine d’ONG, a affirmé qu’il pourrait y avoir eu jusqu’à 1 000 civils tués par les forces de l’ordre ouzbèkes. Après la Grande-Bretagne, la Commission européenne, l’ONU ou l’Otan, les Etats-Unis ont, eux aussi, demandé «une enquête crédible et transparente» pour établir la vérité sur la répression des manifestations et le nombre de victimes parmi les civils. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, a lui aussi appuyé une telle demande et a insisté sur un autre point : la nécessité d’obtenir pour les associations humanitaires un accès libre à Andijan pour porter secours aux populations dont on ignore dans quelle situation elles se trouvent.


par Valérie  Gas

Article publié le 19/05/2005 Dernière mise à jour le 19/05/2005 à 18:51 TU