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Ouzbékistan

Le président Karimov sur la sellette

Le président ouzbek Islam Karimov devant la presse, le 17 mai 2005.(Photo: AFP)
Le président ouzbek Islam Karimov devant la presse, le 17 mai 2005.
(Photo: AFP)
Depuis la répression de la révolte d’Andijan, le pouvoir ouzbek fait l’objet de critiques très vives. Malgré les affirmations des dirigeants selon lesquelles les forces de l’ordre n’ont tué aucun civil, les méthodes employées pour mettre un terme aux manifestations des habitants de cette ville ont été mises en cause. A l’intérieur du pays, des mouvements d’opposition dénoncent la politique du président Islam Karimov au pouvoir depuis 1989 et réclament son départ. Et dans la communauté internationale, la demande d’une enquête indépendante commence à émerger.

Une visite guidée ne suffira pas à rassurer la communauté internationale sur les conditions de la répression des manifestations d’Andijan. En proposant à une trentaine de diplomates occidentaux et de journalistes de se rendre dans la ville où ont eu lieu des émeutes le 13 mai, les autorités escomptaient bien calmer les critiques dont elles font l’objet depuis plusieurs jours et montrer que leur version des faits était exacte. L’objectif n’a pas été véritablement atteint. L’ambassadeur britannique, David Moran, a mis en valeur les limites de ce type de visite guidée en déclarant : «Il faut être réaliste sur les possibilités d’un tel tour rapide pour une délégation importante». Il a néanmoins admis que cela avait permis aux membres du groupe d’observateurs de se rendre dans «quelques uns des endroits» qu’ils souhaitaient voir. Ils ont ainsi été emmenés dans un commissariat de police, une prison, une base de l’armée et sur la place principale d’Andijan. Mais aucun écart n’a été permis et la délégation a été strictement encadrée par les forces de l’ordre. Les rues où le convoi est passé ont même été fermées à la circulation. Et la visite semble avoir pris fin de manière «inattendue», selon l’ambassadeur britannique, bien avant l’heure prévue.

Cette visite a été organisée pour répondre à une demande exprimée avec insistance par la Grande-Bretagne qui s’est alarmée du blocus de l’information organisé très rapidement par le pouvoir autour des évènements. Depuis la fin de semaine dernière, les journalistes ne peuvent en effet pas travailler dans des conditions normales dans la ville et apporter une information indépendante sur la situation de la population. Des contrôles très stricts sont organisés par les forces de l’ordre qui bloquent l’accès d’Andijan, au prétexte que la situation y est dangereuse et que la sécurité des représentants de la presse ne peut y être assurée.

Une enquête internationale

Dans ce contexte, plusieurs voix se sont élevées pour demander l’ouverture d’une enquête internationale indépendante afin d’établir les faits. La commissaire européenne aux Affaires extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a estimé que cette solution était la seule qui permettrait à l’Europe d’avoir une réaction «objective». Le ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, Jack Straw, dont les positions ont été marquées depuis le début des évènements à Andijan par une grande fermeté vis-à-vis du pouvoir ouzbek, a aussi réclamé l’ouverture d’une enquête «indépendante» en expliquant : «Le gouvernement a une version, l’opposition en a une autre. Il est d’une importance cruciale pour la stabilité de la société en Ouzbékistan, de même que pour la crédibilité du gouvernement ouzbek, que nous allions au fin fond de ce qui s’est passé».

Il est vrai que les écarts très importants entre le bilan des victimes des affrontements avancé par l’opposition et les associations de défense des droits de l’homme et celui fourni par les autorités entretiennent la confusion. Le Parti des paysans libres affirme que 745 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre. Alors que les chiffres officiels fournis par le procureur général Rashid Kadyrov font état de 169 morts, parmi lesquels figurent seulement 3 femmes et deux enfants qui n’auraient pas été victimes des tirs de forces gouvernementales.

Le président Karimov qui a dirigé la reprise en main de la ville dément formellement les accusations portées contre lui selon lesquelles il aurait ordonné de tirer sur la foule. Il a même affirmé : «Pas un seul gouvernement du monde n’aurait fait tirer sur des manifestants pacifiques». Mais ces justifications n’ont pas convaincu les opposants et les membres des associations de défense des droits de l’homme qui dénoncent depuis des années les dérives autoritaires du régime et affirment que la répression des émeutes d’Andijan place aujourd’hui le président Karimov dans une position intenable. Un membre du Parti des paysans libres, Akhtam Shaimadanov, a ainsi déclaré : «Tirer sur de paisibles habitants était une action cruelle et barbare. Karimov a signé lui-même sa condamnation et il devrait être jugé par un tribunal militaire». Et la dirigeante du parti, Nigara Hidoyatova, a même été jusqu’à réclamer «la démission immédiate du gouvernement actuel» et une nouvelle élection dans les trois mois. Elle a aussi appelé la communauté internationale à fournir son aide «pour un transfert pacifique du pouvoir».

L’exemple du Kirghizstan voisin, de l’Ukraine ou de la Géorgie, où des transitions démocratiques ont eu lieu sans effusion de sang, fait certainement son chemin dans l’esprit des opposants. Reste à savoir si une révolution de velours est possible en Ouzbékistan.

par Valérie  Gas

Article publié le 18/05/2005 Dernière mise à jour le 18/05/2005 à 18:35 TU