Egypte
Référendum sous tension
Des conditions draconiennes ont été posées aux éventuels candidats à la présidence.
(Photo : AFP)
(Photo : AFP)
L’opposition appelle au boycottage du scrutin constitutionnel tandis que les arrestations se multiplient parmi les Frères musulmans. Le pouvoir et ses alliés battent le rappel des électeurs.
De notre correspondant au Caire
«Aujourd’hui journée de deuil ! Boycottez le référendum !». Ce titre s’étend sur toute la Une noire du quotidien d’opposition Al Wafd de mercredi 25 mai. Un référendum qui aurait pourtant dû enthousiasmer l’opposition avant le parti au pouvoir, puisqu’il vise à introduire le suffrage universel pour les élections présidentielles en lieu et place de la désignation par le parlement confirmée par plébiscite. Pourtant, l’amendement de l’article 76 de la constitution égyptienne a galvanisé l’opposition égyptienne comme elle ne l’avait jamais été depuis la signature du traité de paix avec Israël il y a plus d’un quart de siècle.
Principale objection: les conditions draconiennes posées aux éventuels candidats à la présidence. Si pour les élections de septembre 2005 tous les partis politiques légaux pourront présenter un candidat, ils devront en 2011 disposer de l’appui d’au moins 5% des députés sans parler des assemblées régionales (au moins dix élus pour chacune des 14 régions). Or, le Parti national démocrate (PND) du président Moubarak dispose de plus de 90% des députés et de la quasi-totalité des sièges des assemblées régionales.
L’opposition est d’autant plus en colère qu’elle a l’impression d’avoir été victime d’un marché de dupes, elle qui avait applaudi l’annonce de l’amendement par le raïs. Les plus remontés sont les Frères musulmans qui se voient pratiquement exclus de toute élection présidentielle. La confrérie décrétée illégale depuis 1954 avait régulièrement recours à l’artifice des «candidatures indépendantes» pour contourner l’interdit. C’est ainsi qu’elle était parvenue à remporter 17 sièges (sur 444) aux législatives de 1999 malgré tous les obstacles dressés par le gouvernement. Pour exprimer son mécontentement et sa présence sur le terrain, la confrérie a multiplié les manifestations dans les villes les plus importantes de la Vallée du Nil. La répression ne s’est pas fait attendre et plusieurs centaines de Frères, dont plusieurs dirigeants, ont été arrêtés en vertu de la loi de l’état d’urgence.
«Fraude à la démocratie»
À défaut de disposer de l’infrastructure et de l’assise populaire de la confrérie, les grands partis d’opposition légale ont donné de la voix via leurs organes de presse (un quotidien et plusieurs hebdomadaires). Ils ont de plus formé une alliance des partisans du boycott du référendum regroupant les partis Wafd (libéral), Nassérien (nationaliste) et Tagamou (post-marxiste), les Frères musulmans et le mouvement Kéfaya (comprenant des opposants de droite comme de gauche ne faisant pas partie des formations politiques). Le parti libéral Al Ghad vient de se joindre à eux. Devant leur incapacité à organiser des manifestations de rue sans être confrontés à la répression policière, l’alliance du boycott a mobilisé les syndicats professionnels (avocats, journalistes, enseignants d’université et même juges) qui ont tenu des colloques pour dénoncer «la fraude à la démocratie».
La machine du pouvoir, peu habituée à telle opposition ouverte, après avoir donné les brigades anti-émeutes, s’est graduellement adaptée au changement. Le PND a commencé à organiser des contre-manifestations comprenant des partisans du PND mais aussi des gros bras prompts à la bagarre avec l’opposition. Des slogans accusant l’opposition d’être «vendue aux Américains» ont fleuri, profitant de l’appui et même des pressions de Washington pour la réforme. Banderoles et calicots ont strié les rues égyptiennes. De quoi faire le bonheur des artisans puisque l’équivalent de cent mille mètres de tissu sont passés en banderoles rien qu’au Caire. Les bâtiments publics ont été couverts par des affiches gigantesques appelant les citoyens à «participer à l’élaboration de l’avenir» en votant. Les six quotidiens officieux et les dizaines de publications liées au pouvoir ont expliqué que le référendum augurait «d’un avenir meilleur» et que l’opposition ne cherchait «qu’à semer la division et le chaos».
L’enjeu de la participation
Mais c’est surtout la radiotélévision qui, avec ses dizaines de stations et de chaînes, a été mise à contribution. Les «hôtes» expliquant en long et en large les bénéfices de la participation au référendum, les hommes d’affaires mettant en garde contre la fuite des investisseurs en cas de réussite de l’opposition, le tout entrecoupé de spots permanents appelant à voter. Même les hommes de religion ont été mis à contribution. Le cheikh d’Al Azhar, l’imam Mohamed Sayd Tantaoui, a expliqué que le boycott du référendum équivalait «à la rétention de témoignage» interdite par l’islam. Même les examinateurs se sont mis de la partie puisque les élèves de quatrième de Louxor ont dû répondre, lors du concours d’arabe, à la question : «Quand le multipartisme est-il bénéfique et quand est-il nocif ?». Le taux de participation au référendum sera donc crucial pour les deux parties. Mais il sera difficile de départager les abstentionnistes traditionnels de ceux qui auront répondu aux appels de l’opposition. D’ailleurs, dans une Égypte où les instituts de sondage n’existent pas, la presse officieuse estime déjà que le taux de participation sera supérieur à 80% !
«Aujourd’hui journée de deuil ! Boycottez le référendum !». Ce titre s’étend sur toute la Une noire du quotidien d’opposition Al Wafd de mercredi 25 mai. Un référendum qui aurait pourtant dû enthousiasmer l’opposition avant le parti au pouvoir, puisqu’il vise à introduire le suffrage universel pour les élections présidentielles en lieu et place de la désignation par le parlement confirmée par plébiscite. Pourtant, l’amendement de l’article 76 de la constitution égyptienne a galvanisé l’opposition égyptienne comme elle ne l’avait jamais été depuis la signature du traité de paix avec Israël il y a plus d’un quart de siècle.
Principale objection: les conditions draconiennes posées aux éventuels candidats à la présidence. Si pour les élections de septembre 2005 tous les partis politiques légaux pourront présenter un candidat, ils devront en 2011 disposer de l’appui d’au moins 5% des députés sans parler des assemblées régionales (au moins dix élus pour chacune des 14 régions). Or, le Parti national démocrate (PND) du président Moubarak dispose de plus de 90% des députés et de la quasi-totalité des sièges des assemblées régionales.
L’opposition est d’autant plus en colère qu’elle a l’impression d’avoir été victime d’un marché de dupes, elle qui avait applaudi l’annonce de l’amendement par le raïs. Les plus remontés sont les Frères musulmans qui se voient pratiquement exclus de toute élection présidentielle. La confrérie décrétée illégale depuis 1954 avait régulièrement recours à l’artifice des «candidatures indépendantes» pour contourner l’interdit. C’est ainsi qu’elle était parvenue à remporter 17 sièges (sur 444) aux législatives de 1999 malgré tous les obstacles dressés par le gouvernement. Pour exprimer son mécontentement et sa présence sur le terrain, la confrérie a multiplié les manifestations dans les villes les plus importantes de la Vallée du Nil. La répression ne s’est pas fait attendre et plusieurs centaines de Frères, dont plusieurs dirigeants, ont été arrêtés en vertu de la loi de l’état d’urgence.
«Fraude à la démocratie»
À défaut de disposer de l’infrastructure et de l’assise populaire de la confrérie, les grands partis d’opposition légale ont donné de la voix via leurs organes de presse (un quotidien et plusieurs hebdomadaires). Ils ont de plus formé une alliance des partisans du boycott du référendum regroupant les partis Wafd (libéral), Nassérien (nationaliste) et Tagamou (post-marxiste), les Frères musulmans et le mouvement Kéfaya (comprenant des opposants de droite comme de gauche ne faisant pas partie des formations politiques). Le parti libéral Al Ghad vient de se joindre à eux. Devant leur incapacité à organiser des manifestations de rue sans être confrontés à la répression policière, l’alliance du boycott a mobilisé les syndicats professionnels (avocats, journalistes, enseignants d’université et même juges) qui ont tenu des colloques pour dénoncer «la fraude à la démocratie».
La machine du pouvoir, peu habituée à telle opposition ouverte, après avoir donné les brigades anti-émeutes, s’est graduellement adaptée au changement. Le PND a commencé à organiser des contre-manifestations comprenant des partisans du PND mais aussi des gros bras prompts à la bagarre avec l’opposition. Des slogans accusant l’opposition d’être «vendue aux Américains» ont fleuri, profitant de l’appui et même des pressions de Washington pour la réforme. Banderoles et calicots ont strié les rues égyptiennes. De quoi faire le bonheur des artisans puisque l’équivalent de cent mille mètres de tissu sont passés en banderoles rien qu’au Caire. Les bâtiments publics ont été couverts par des affiches gigantesques appelant les citoyens à «participer à l’élaboration de l’avenir» en votant. Les six quotidiens officieux et les dizaines de publications liées au pouvoir ont expliqué que le référendum augurait «d’un avenir meilleur» et que l’opposition ne cherchait «qu’à semer la division et le chaos».
L’enjeu de la participation
Mais c’est surtout la radiotélévision qui, avec ses dizaines de stations et de chaînes, a été mise à contribution. Les «hôtes» expliquant en long et en large les bénéfices de la participation au référendum, les hommes d’affaires mettant en garde contre la fuite des investisseurs en cas de réussite de l’opposition, le tout entrecoupé de spots permanents appelant à voter. Même les hommes de religion ont été mis à contribution. Le cheikh d’Al Azhar, l’imam Mohamed Sayd Tantaoui, a expliqué que le boycott du référendum équivalait «à la rétention de témoignage» interdite par l’islam. Même les examinateurs se sont mis de la partie puisque les élèves de quatrième de Louxor ont dû répondre, lors du concours d’arabe, à la question : «Quand le multipartisme est-il bénéfique et quand est-il nocif ?». Le taux de participation au référendum sera donc crucial pour les deux parties. Mais il sera difficile de départager les abstentionnistes traditionnels de ceux qui auront répondu aux appels de l’opposition. D’ailleurs, dans une Égypte où les instituts de sondage n’existent pas, la presse officieuse estime déjà que le taux de participation sera supérieur à 80% !
par Alexandre Buccianti
Article publié le 25/05/2005 Dernière mise à jour le 25/05/2005 à 18:25 TU