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Iran : présidentielle

Sept candidats en course

(Carte : DK/RFI)
(Carte : DK/RFI)
Quelque quarante-huit millions d’Iraniens sont appelés, vendredi 17 juin, à élire leur président pour la neuvième fois depuis la révolution islamique. Huit candidats sont en lice, dont l’ancien président Hachémi Rafsanjani, donné favori par les sondages. Les réformateurs ont placé leur espoir en la personne de Mostapha Moïn, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur. Si les points de désaccords sont multiples entre les prétendants à la présidentielle, ils sont unanimes sur deux sujets : le maintien des valeurs islamiques et la poursuite du programme nucléaire iranien. Mais l’enjeu le plus important de cette élection est le taux de participation. Tandis que la République islamique mise sur une forte participation pour se légitimer sur le plan international, les différents groupes d’opposition, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ont appelé au boycott du scrutin.

Mahmoud Ahmadinedjad
(Photo : www.mardomyar.ir)
Mahmoud Ahmadi Nedjad

Maire de Téhéran depuis plus de deux ans, il appartient à la faction dure des conservateurs.Cet ingénieur de 49 ans, fils d’un forgeron originaire de Garmsar (nord de l’Iran), participe, après la proclamation de la République islamique à la fondation de l’Association islamique des étudiants de Téhéran. Lorsqu’en septembre 1980 la guerre éclate entre l’Iran et l’Irak, il se porte volontaire pour aller au front. A la fin de la guerre (1988), il devient fonctionnaire de l’Etat avant d’être nommé préfet d’Ardébil, région nouvellement créée. Pendant plusieurs années il dirige la brigade al-Qods, une branche des Gardiens de la révolution réputée pour organiser l’assassinat des opposants à l’étranger. Quand, à la faveur d’un abstentionnisme record aux élections municipales de 2003 (seulement 12% de participation), il devient maire de Téhéran, son premier projet est d’enterrer sur chaque place de la ville un «martyr» de la guerre. Cette proposition est fortement contestée même dans son propre camp, ce qui l’oblige à l’abandonner. Les Téhéranais lui reprochent de restreindre les activités des centres culturels et de «vêtir la ville en noir» pour célébrer, à grands frais, le deuil des imams chiites. Il estime que la République islamique est «la société la plus parfaite, la plus juste, la plus démocratique, la plus moderne et la plus scientifique qui puisse garantir le bonheur de l’homme dans le monde». Critiquant les précédents gouvernements pour leur éloignement des «valeurs de l’islam», il promet en cas de victoire à la présidentielle d’œuvrer à la création d’un vrai «Etat islamique».

Ali Akbar Hachémi Rafsanjani
(Photo : hrafsanjani.ir)
Ali Akbar Hachémi Rafsanjani

L’ancien président de la République islamique (1989-1997), il dirige actuellement le Conseil de discernement. Né à Bahraman (province de Kerman), en 1934, dans une famille paysanne, il quitte son village à 14 ans pour s’installer comme pensionnaire dans une école coranique à Qom où il devient plus tard l’élève de Khomeyni, le futur fondateur de la République islamique. Ainsi au lendemain de la révolution il devient l’un des collaborateurs les plus proches de Khomeyni. Il est nommé membre des instances les plus importantes de l’Iran islamique comme le Conseil de la révolution qui dirigea le pays avant la création des institutions politiques. Il s’installe alors dans le fauteuil de la présidence du Parlement et assume le commandement suprême des forces armées après la destitution du premier président, Abolhassan Banisadr. Durant toutes ces années, de rivalités, parfois cruelles, entre les radicaux et les conservateurs qui constituaient les forces politiques du pays, Rafsanjani n’a jamais choisi définitivement son camp et, par des alliances opportunes, s’est donné une image pragmatique, ce qui explique sa continuelle présence sur la scène politique. Mais il est également un homme d’affaires. Pour le magazine Forbes, Rafsanjani est la 46e fortune du monde. Ses adversaires dans la course présidentielle n’hésitent pas à critiquer son «affairisme» et la manière dont il s’est enrichit. Répondant aux attaques sur sa richesse il assure : «avoir dépensé sa fortune pour sa famille et la révolution» et qu’il ne possède qu’«un bout de terrain» à Qom. Pourtant, selon les sondages, Hachémi Rafsanjani est le candidat favori de cette élection. Les principaux axes de son programme sont : «la justice sociale, la sécurité individuelle et sociale, la poursuite du développement du pays et la réconciliation de l’Iran avec le monde». Sur le plan économique il préconise «la libéralisation du marché» et «le développement du secteur privé». Il estime que «la situation des droits de l’Homme en Iran est nettement meilleure qu’en Occident ou aux Etats-Unis». Pour sa campagne électorale, il a engagé des publicitaires, des comédiens, des cinéastes et, surtout, un groupe de journalistes.

Mehdi Karoubi
(Photo : karroubi.ir)
Mehdi Karoubi

Religieux de rang intermédiaire, hojatoleslem Karoubi fut président du Parlement à deux reprise (1990-1992 et 2000-2004). Il est actuellement membre du Conseil de discernement. Né à Aligoudarz (ouest de l’Iran), il a fait ses études, comme la plupart des religieux iraniens, dans une école coranique à Qom avant de les poursuivre à la faculté de théologie de l’université de Téhéran. Ses relations avec le fondateur de la République islamique remontent à ses premières années d’études. Durant les émeutes qui ont abouti à l’établissement de la République islamique, il recueillait les aides matérielles et pécuniaires du Bazar pour les distribuer parmi les révolutionnaires. Ce qui lui a valu d’être nommé, après la révolution, à la tête du Comité de secours Imam Khomeyni. Il devient plus tard président de la Fondation des martyrs, chargé d’aider les survivants et les familles des victimes de la guerre. Proche collaborateur du président Khatami, il se définit comme un «réformateur dogmatique» c’est-à-dire partisan des réformes dans le cadre autorisé par «l’islam, la constitution de la République islamique et les valeurs décrites par l’Imam». Ses priorités sont : «l’amélioration des conditions de la vie quotidienne de la population ainsi que l’instauration de la tranquillité, la sécurité et les libertés individuelles et collectives». Dans toutes ses interventions, le candidat Karoubi, «jure de tenir ses promesses». La seule dont tous les Iraniens en parlent c’est «l’établissement d’une allocation de 500 000 rials (environ 45 euros) mensuelle pour chaque citoyen de plus de 18 ans». Il a aussi espéré d’«apprendre la langue kurde» une fois élu.

Ali Larijani
(Photo : larijani.ir)
Ali Larijani

Conseiller du guide suprême et son représentant au Conseil suprême de la sécurité nationale, Larijani, 48 ans, est également membre du Conseil de discernement. Ancien membre des Gardiens de la révolution, il entre à la radio-télévision iranienne au début de la Révolution pour devenir son directeur quelques années plus tard (1984-1994). Durant ces années à la tête de la radio-télévision d’Etat, il transforme cette organisme en porte-voix des milieux les plus conservateurs du régime. Sa couverture de l’actualité, notamment lors des crises internes (mouvements des étudiants, les différentes élections…) a été fortement dénoncée même par le gouvernement. Fils d’un religieux et gendre d’un ayatollah assassiné au début de la révolution, il a été pendant deux ans ministre de la Culture et de l’Orientation islamique dans le gouvernement de Hachémi Rafsanjani. Sa candidature est soutenue par une partie des conservateurs pour, dit-on, faire barrage à l’ancien président Rafsanjani. Le point essentiel de son programme est la lutte contre le chômage et la baisse de l’inflation.

Mohsen Mehralizadeh
(Photo : mehralizadeh.com)
Mohsen Mehralizadeh

Vice-président de la République chargé du sport et de l’éducation physique, cet ingénieur de 49 ans est un farouche partisan de la privatisation, même dans les secteurs de la santé et du sport. Le maître mot de son programme est «la prospérité et le bien être» pour tous par le développement du secteur privé, notamment par le rapatriement des capitaux des Iraniens de l’étranger qu’il évalue à 600 milliards de dollars. D’origine azérie, il entend promouvoir «le respect de toutes les cultures et ethnies» du pays et «l’égalité des chances dans tous les domaines». Il se désole que «60 à 70% des meilleurs étudiants iraniens et les spécialistes soient obligés de s’exiler à l’étranger». Il estime que l’Iran «a assez perdu de temps et maintenant il faut construire». Il promet un gouvernement qui assure «la sécurité et les libertés individuelles, sociale et politique». A part l’Azerbaïdjan, sa région natale, M. Meheralizadeh est très peu connu des Iraniens, ce qui réduit ses chances d’être élu président.

Mostapha Moïn
(Photo : drmoeen.ir)
Mostapha Moïn

Pédiatre de formation, ancien ministre de l’Enseignement supérieur du gouvernement Rafsandjani puis Khatami, il a démissionné de ses fonctions en août 2003 en condamnant l’intervention brutale des forces de l’ordre contre les étudiants et les enseignants. Conseiller du président Khatami depuis sa démission, il a été pendant vingt ans membre du Conseil suprême de la révolution culturelle (chargé de la «purification» des universités). D’abord rejetée par le Conseil des Gardiens, la candidature de M. Moïn, a été validée après l’intervention du guide suprême de la révolution en faveur d’un réexamen de son dossier. Né à Najafabad (région d’Ispahan), d’une famille paysanne, ce réformateur de 54 ans est partisan d’une «économie civique et concurrentielle», c’est-à-dire la gestion par l’Etat «des produits de souveraineté» et son intervention comme «régulateur sur le marché des produits de premières nécessités». Son projet est de poursuivre les réformes pour «démocratiser la structure du pouvoir» et supprimer «les inégalités et discriminations légalisées». La candidature de M. Moïn est soutenue par le principal parti réformateur, le Front de la participation et son allié politique l’Organisation des moudjahidine de la Révolution islamique. Mostapha Moïn regrette que le Conseil des Gardiens ne valide pas la candidature des Iraniennes à l’élection présidentielle. Dans les relations internationales, il préconise «la détente et la normalisation». Il est partisan du dialogue avec les Etats-Unis pour mettre fin à la crise entre les deux pays mais considère que les relations avec Israël sont «la ligne rouge» pour la République islamique. Le candidat Moïn réclame aussi la libération des prisonniers politiques qui, officiellement, n’existent pas en Iran.

Mohammad Baqer Qalibaf
(Photo : ghalibaf.ir)
Mohammad Baqer Qalibaf

Ancien chef des forces aériennes des Gardiens de la révolution, il vient de quitter son poste à la tête de la police nationale qu’il occupait depuis 1999 pour se présenter à l’élection présidentielle. Ce pilote d’Airbus de 44 ans est aussi directeur de l’organisme de la lutte contre le trafic illégal de produits et de devises. Sa tentative d’améliorer l’image de la police nationale est souvent anéantie par les témoignages de prisonniers politique sur le traitement qu’ils déclarent avoir subi lors de leur incarcération. Lors du mouvement des étudiants en 2003, il était l’un des 24 signataires, tous militaires, d’une lettre menaçant de «prendre le contrôle du pays en main si le président Khatami n’arrivait pas à mettre fin aux manifestations». Il préconise la poursuite du programme nucléaire iranien dans le cadre des accords de TNP. Considérant Hachémi Rafsanjani comme son seul vrai rival il attaque dans presque toutes ses interventions «ceux qui vivent uniquement de leurs rentes» et insiste sur l’échec des responsables du pays dans les seize dernières années, ce qui vise notamment les deux mandats de son adversaire. Pour Qalibaf  «les conditions de vie de la population ne sont plus acceptables. Il faut que la page se tourne». Issu d’une famille très modeste, il promet de s’occuper spécialement «des 20 millions d’Iraniens qui vivent sous le seuil de la pauvreté». Qalibaf considère que vingt-cinq ans après la révolution, «le pays n’a toujours pas confié la gestion des affaires à ses élites». Il entend donc «transférer le pouvoir d’une génération à une autre». Ce candidat indépendant, proche des milieux conservateurs, compte sur «l’intelligence du peuple» pour être élu président.

Mohsen Rezaï
(Photo : farzandemellat.com)
Mohsen Rezaï (s'est retiré de la course le 15 juin)

Commandant en chef des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime, pendant seize ans (1981-1997) il est actuellement secrétaire général du Conseil de discernement, organisme chargé d’arbitrer les contentieux entre le Parlement et le Conseil de Gardiens de la Constitution. Contraint d’aider son père berger dans les plaines de Masjed Soleiman (sud) -sa ville natale- il finit ses études en économie et en stratégie très tardivement. Partisan de la poursuite du programme nucléaire iranien, il insiste pourtant sur la coopération avec l’Europe dans ce domaine. A 51 ans, ce candidat indépendant risque néanmoins de diviser les votes des conservateurs. Rezaï estime que : «les anciens ont déjà fait leur preuve» et préconise l’arrivée de la jeunesse pour prendre les rênes du pouvoir. Son propre fils, ancien inspecteur général des Gardiens de la révolution, a fui l’Iran pour s’installer aux Etats-Unis où il a dénoncé à plusieurs reprises la répression et la dictature du régime iranien. Rezaï entend lutter contre le chômage, distribuer plus équitablement la richesse et «couper les mains corrompues». Mohsen Rezaï s'est retiré de la course le mercredi 15 juin afin d'éviter l'éparpillement des voix conservatrices.


par Darya  Kianpour

Article publié le 15/06/2005 Dernière mise à jour le 16/06/2005 à 15:39 TU