Union européenne
Blair veut moderniser la «Vieille Europe»
(Photo: Parlement européen)
Tony Blair croit à l’Europe, c’est pour cela qu’il veut la réformer. La preuve, il s’est défini dans son discours aux eurodéputés comme un «Européen passionné». Avec cette formule emphatique, le premier ministre britannique a donc essayé de convaincre tous ceux qui accusent la Grande-Bretagne de frilosité face à l’Union européenne qu’ils se trompent car, lui, Tony, y croit vraiment. A une semaine de son entrée en fonction en tant que président tournant de l’Union, les députés auront vraisemblablement apprécié l’effort réalisé par le Premier ministre britannique pour les assurer de l’intérêt qu’il porte à l’Europe.
S’il est «passionné», Tony Blair n’en est pas moins lucide. Et ça aussi, il l’a rappelé devant l’assemblée des parlementaires européens. Il a donc décidé de convaincre les Vingt-Cinq que si le monde change, l’Europe doit changer elle aussi. Il a ainsi expliqué : «Aujourd’hui presque 50 ans après [la création], il nous faut nous renouveler, ce qui n’a rien de honteux». Et en affirmant cela, le Premier ministre britannique n’a pas l’impression de trahir «l’idéal européen», ni de couper le cou à «l’Europe sociale». Et en guise de réponse aux accusations de ses adversaires sur ce thème, il a affirmé : «Je crois en l’Europe en tant que projet politique. Je crois en une Europe avec une dimension sociale forte. Je n’accepterai jamais de réduire l’Europe à un simple marché économique».
La mélodie de la conviction et de la conciliationDans l’exercice périlleux du discours aux eurodéputés, qui s’apparente à un discours de politique générale, il s’agit d’être persuasif. Pour y parvenir Tony Blair ne pouvait pas prendre les parlementaires, dont la plupart étaient très méfiants à son égard, totalement à rebrousse-poil. Il a donc choisi de décliner ses arguments en jouant la mélodie de la conviction et de la conciliation, un exercice dans lequel il peut être très performant. Il a ainsi essayer de montrer qu’il n’entrait pas dans l’habit de président de l’Europe animé d’intentions belliqueuses, même vis-à-vis de son meilleur ennemi français, Jacques Chirac. Il a donc d’emblée assoupli son discours sur le sujet sensible du budget.
Lui qui la semaine dernière, lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles, avait bloqué les discussions budgétaires en refusant tout net de négocier sur la ristourne dont bénéficie son pays depuis 1984 sans refonte immédiate de la politique agricole commune (PAC), a présenté les choses un peu différemment dans son discours devant les parlementaires. Il leur a démontré qu’il était plein de bonne volonté en affirmant qu’il était «le premier dirigeant britannique à accepter de mettre sur la table le rabais de son pays». Il a aussi démenti avoir eu l’intention «de changer la PAC maintenant ou de la renégocier en une nuit». Il s’est même engagé à «faire progresser» les discussions sur le budget communautaires pendant sa présidence.
Cela ne signifie pas pour autant que Tony Blair renonce à changer les orientations budgétaires car «un budget moderne pour l’Europe n’est pas un budget qui dans 10 ans consacrera encore 40 % de ses montants à la PAC». De ce point de vue, le chef du gouvernement britannique justifie a posteriori son inflexibilité lors du sommet de Bruxelles en montrant qu’elle visait avant tout à préserver les intérêts de l’Union. Mais il laisse aussi une porte ouverte à la négociation avec les Européens, Français et Allemands en tête, qui ont critiqué sa position.
«Améliorer la vie des gens»
Tony Blair prend, le 1er juillet, les rênes d’une Europe en crise mais veut saisir cette «opportunité» pour relancer la machine et lui rendre «sa force». L’objectif du Premier ministre britannique est de mener le débat sur une question vitale : «Comment faire faire [à l’Europe] ce pour quoi elle a été mise sur pied : améliorer la vie des gens». Et dans ce domaine, il estime pouvoir apporter des solutions, lui a qui a réussi à rétablir la situation économique de son pays et à diminuer le chômage. Sur la question de la nécessité d’améliorer le sort des Européens, personne ne pourra lui donner tort. Et à défaut d’être d’accord sur les moyens à mettre en œuvre pour la réaliser, les Vingt-Cinq ne pourront pas être opposés à l’ambition définie par Tony Blair.
Les réactions à son discours n’ont d’ailleurs pas été aussi virulentes que les prises de position qui l’avaient précédé, notamment celle du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Celui-ci avait attaqué Tony Blair en lui reprochant de manquer de «solidarité» et d’avoir empêché la conclusion d’un compromis sur le budget. Le ministre des Affaires étrangères polonais, Adam Rotfeld, a quant à lui accordé le bénéfice du doute à Tony Blair et a déclaré, après l’intervention du Premier ministre britannique, qu’il «aimait bien cette vision car l’Europe a besoin d’un regard frais (sur elle-même) et d’une meilleure adaptation aux défis du monde». Même du côté français, le nouveau chef de la diplomatie, Philippe Douste-Blazy, a fait part de sa satisfaction concernant les propos de Tony Blair sur la PAC. Et s’est empressé ensuite de manifester la bonne volonté de son gouvernement en déclarant que «jamais la France ne jouera négatif vis-à-vis de l’Union, sous présidence britannique ou sous une autre présidence».par Valérie Gas
Article publié le 23/06/2005 Dernière mise à jour le 23/06/2005 à 16:58 TU