Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Kirghizistan

Kourmanbek Bakiev très largement élu

Kourmanbek Bakiev aura fort à faire pour tenir ses promesses de campagne.(Photo : AFP)
Kourmanbek Bakiev aura fort à faire pour tenir ses promesses de campagne.
(Photo : AFP)
Kourmanbek Bakiev a été élu président du Kirghizstan ce dimanche. Il a recueilli les trois quarts des suffrages exprimés. Voilà qui lui donne une solide légitimité pour relever les défis intérieurs et extérieurs d’un pays ébranlé par sa «révolution des tulipes», en mars dernier.

De notre envoyé spécial au Kirghizstan

Kourmanbek Bakiev ne pouvait pas rêver plus belle élection. Le scrutin s’est passé dans le calme et apparemment sans fraudes. C’est presque une première au Kirghizstan et en Asie centrale post-soviétique où la dictature est la règle. De quoi savourer les 89% des voix que les trios-quarts des Kirghizstanais, selon des résultats quasi définitifs, lui ont accordés ce dimanche, lors d’une présidentielle anticipée après la révolution de mars dernier, par laquelle Askar Akaev, qui dirigeait le pays depuis 1990, a été chassé du pouvoir.

Mais le second Président de l’ancienne république soviétique, peuplée de 5 millions d’habitants, ne verse pas dans le triomphalisme. Il ne se montre pas et fait savoir, par son directeur de Q.G. de campagne, qu’il a accueilli la nouvelle en prenant toute la mesure «des responsabilités qui l’attendent».

Son leitmotiv : relancer l’industrie

Côté questions intérieures, l’ampleur de sa victoire donne une idée des très hautes attentes des Kirghizstanais. Dimanche, invariablement, à la sortie des bureaux de vote, les électeurs disaient espérer que l’élection de M. Bakiev, 56 ans, Premier ministre du pays de décembre 2000 à mai 2002, permettra le retour rapide de la stabilité. Les trois derniers mois ont été marqués par des pillages, au lendemain de la révolution, et des tensions, parfois violentes, dans plusieurs régions du pays.

Une fois le calme revenu, Kourmanbek Bakiev aura fort à faire pour tenir ses promesses de campagne. Relancer l’industrie est un de ses leitmotivs en bon Kirghiz sédentaire du Sud,. Mais aura-t-il les moyens de le faire ? Qui voudra investir dans le pays ? «Au-delà de l’instabilité qui règne dans le pays depuis mars dernier, pour comprendre pourquoi les sociétés étrangères ne sont pas enclines à investir au Kirghizstan, explique David Grant, qui dirige l’International Business Council, à Bichkek, il faut prendre en compte que depuis des années le climat des affaires est incertain. Les lois ne sont pas toujours respectées. Les juges ne les interprètent pas nécessairement de façon indépendante etc.».

Un climat d’investissement dont l’amélioration dépendra en partie de l’efficacité de la lutte contre la corruption promise par M. Bakiev. Là encore, aura-t-il les moyens de ses ambitions affichées ? La politique et l’économie du pays, qui vont généralement de paire dans les républiques issues de l’ancienne Union Soviétique, sont au main des tribus du pays. Lui-même, fait partie des chefs de celle de Djalalabat. Dans quelle mesure pourra-t-il, et voudra-t-il, affronter une corruption qui fait partie intégrante du système économique kirghize ? Une tâche d’autant plus difficile que la révolution n’a été possible probablement qu’avec le soutien d’un certain nombre de groupes puissants du pays, notamment au Sud.

Seuls les Etats-Unis encouragent la poursuite des réformes démocratiques

Voilà qui ne manquera pas de peser sur sa capacité à entreprendre les réformes démocratiques qu’il a aussi promises. Une question qui se trouve à la confluence des politiques intérieure et extérieure. En effet, des trois grandes puissances qui ont des intérêts au Kirghizstan, seuls les Etats-Unis vont visiblement encourager la poursuite des réformes démocratiques. Les deux autres, la Russie et la Chine, voisines, y voient plutôt un danger pour elles.

«La Chine désapprouve la vague de révolutions multicolores qui secoue l'espace ex-soviétique, explique Thierry Kellner, spécialiste des relations de la Chine avec l'Asie centrale post-soviétique. Elle craint la démocratisation de l'Asie centrale, il s'agit d'un risque idéologique et stratégique pour elle car ces républiques se rapprocheraient d'autant des Occidentaux». Analyse identique du côté de Moscou. Sans parler des dictatures voisines, notamment l’Ouzbékistan, qui craignent d’être détrônées par cette vague de révolutions non violentes.


par Régis  Genté

Article publié le 11/07/2005 Dernière mise à jour le 11/07/2005 à 14:31 TU