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Soudan

Le difficile retour des Sudistes dans leur pays

Un jeune réfugié soudanais dans le camp de Palorinya, près de la ville de Moyo dans le nord de l'Ouganda. Nombre de Soudanais préfèrent encore la relative sécurité d’un camp de réfugiés, ses infrastructures de santé et d’éducation à l’incertitude de la reconstruction.(photo : AFP)
Un jeune réfugié soudanais dans le camp de Palorinya, près de la ville de Moyo dans le nord de l'Ouganda. Nombre de Soudanais préfèrent encore la relative sécurité d’un camp de réfugiés, ses infrastructures de santé et d’éducation à l’incertitude de la reconstruction.
(photo : AFP)
Déplacés ou réfugiés, près de six millions de Sudistes soudanais retourneront dans leur pays dans les années à venir. C’est l’un des plus grands défis auxquels ont à faire face les nouvelles autorités.
Le neuvième pont vient d’être achevé. « Une immense clameur de joie a salué la fin des travaux, car c’est le dernier pont que notre équipe devra construire. Vous auriez dû entendre ça ! » La voix de Bill Lorenz, coordinateur de l’Organisation internationale des migrations est encore empreinte d’émotion, au bout du téléphone satellite. Depuis avril, il accompagne un groupe de 5 000 Soudanais qui ont décidé de rentrer à pied chez eux, à Raga, dans le Bahr-El-Ghazal. A 400 km au nord du camp où ils s’étaient réfugiés il y a quatre ans, dans l’Ouest Equatoria. Selon Bill, ils seront tous arrivés dans quinze jours. Trois mois de marche. Une motivation de premier ordre : Raga, occupé par Khartoum, doit être rendue à l’administration sudiste.

Le voyage n’a pas été facile. Il y a eu la forêt, la boue, les marécages. Un camion est tombé dans une rivière, faisant 23 morts. Il y a eu 14 naissances sur la route. L’OIM avait en charge les plus vulnérables du groupe, soit 1 500 personnes, qu’il transportait par camions, d’étape en étape. Le ravitaillement, la logistique, assuré par le PAM, l’Unicef et MSF, s’est fait par largages aériens.

Parvenus aux environs de Raga, les Soudanais devront encore patienter deux à trois mois avant de retrouver leurs villages respectifs. Durant leur exil, d’autres personnes se sont installées dans leurs maisons et ont cultivé leurs champs. Le retour doit se négocier en douceur. D’autant que l’armée de Khartoum campe dans la ville.

« Cette future cohabitation temporaire avec les militaires, est de loin le premier souci des marcheurs » affirme Bill, qui précise que les familles sont attendues, mais que les contacts doivent être renoués « à petits pas ». Et un accompagnateur de s’interroger : « Comment réagiront les administrateurs du mouvement de l’ancienne guérilla du Sud lorsqu’ils auront à travailler en collaboration avec le gouverneur nommé par Khartoum ? Le déficit des compétences est souvent dur à combler pour les Sudistes, et le désir de vengeance que certains peuvent entretenir à l’égard des « Nordistes » n’est pas toujours contrôlable… »

Depuis le premier accord de cessez-le-feu dans les montagnes Nuba en janvier 2002, jusqu’à aujourd’hui, près de 600 000 Soudanais sont rentrés chez eux. La plupart vivaient dans les pays voisins, en dehors des camps de réfugiés, et donc, non enregistrés comme tels. 200 000 d’entre eux étaient des déplacés à l’intérieur du pays.

7 000 personnes par jour

Les premiers à revenir ont été les habitants des monts Nuba. Encouragés par la présence d’observateurs militaires internationaux, entre 200 000 et 300 000 villageois (chiffres fournis par le PNUD) ont rejoint leurs anciennes terres. Selon le mouvement de libération des peuples soudanais (SPLM), le flux aurait atteint pendant une certaine période, un pic de 7 000 personnes par jour… Le gouvernement de Khartoum n’a pas fourni de statistiques sur les zones qu’il contrôle.

 « La dispersion de l’habitat dans cette région est un élément qui joue en faveur de ces réinstallations », constate le rapport du PNUD : pas de conflits pour l’accès à l’eau, terres en quantité suffisante, peu de compétition sur les ressources en fruits sauvages. Toutefois, les organisations humanitaires savent que cela ne durera pas.

L’organisation britannique Oxfam a mené une enquête dans des communautés Nuer, non loin des monts Nuba, dans le Haut-Nil. Une zone déjà traversée de tensions entre populations Shilluk, Nuer et Baggara (tribu « nordiste) et contestée par Khartoum et le SPLM. La première ligne du rapport indique : « aucun puits ni retenues d’eau n’ont été construit depuis la fin de l’ère coloniale (1956) ». La région compte 91 000 habitants. « En cas de retour des anciens habitants, la rareté des ressources en eau et pâturages provoquera de nouveaux conflits. »

La mise en place des structures de l’administration provisoire, dont la prestation de serment de John Garang comme nouveau vice-président, il y a une semaine à Khartoum, constitue la part la plus éclatante, va accélérer les mouvements migratoires. En dépit du fait que nombre de Soudanais préfèrent encore la relative sécurité d’un camp de réfugiés, ses infrastructures de santé et d’éducation à l’incertitude de la reconstruction, –ou plutôt de la « construction »– de leur pays.

Le Haut-commissariat aux réfugiés s’attend à une vague d’un peu plus d’un million de personnes pour la première année. Il a d’ores et déjà lancé plusieurs appels aux donateurs pour financer des programmes d’aide au retour. Sept millions de dollars ont été récoltés. Il en faut 60 millions.


par Marion  Urban

Article publié le 15/07/2005 Dernière mise à jour le 16/07/2005 à 17:30 TU