Iran
Akbar Ganji entre la vie et la mort
(Photo : roozonline.com)
Condamné en 2001 à six ans de prison, Akbar Ganji, 46 ans, ne cesse de proclamer son innocence et de dénoncer la dictature qui règne dans son pays. Tout commence en 1998 quand une série d’assassinats d’intellectuels et d’écrivains est organisée par un réseau formé des membres du ministère des Renseignements. Bien que sous la pression des médias et dans un climat de rivalité politique entre les deux factions du pouvoir, les agents impliqués aient été arrêtés, le mystère de ces assassinats n’a jamais été élucidé. Ganji a mené l’enquête et publié plusieurs articles dans lesquels il a mis en cause les plus hauts responsables du régime, y compris l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la République islamique. De retour d’une conférence internationale à Berlin consacrée à l’Iran et à laquelle plusieurs intellectuels iraniens ont pris part, le journaliste est arrêté. Il est accusé de «complot contre la sécurité nationale». Un an plus tard, il est condamné à six ans de prison et incarcéré. Début 2005, alors qu’il purge ses derniers mois de détention, Akbar Ganji croit avoir en sa possession des éléments montrant que la justice iranienne ne voudra jamais le relâcher et fera tout pour le faire disparaître d’une manière ou d’une autre. Il entame, le 11 juin, une grève de la faim et demande sa libération «sans condition». Ses lettres et sa demande ont été reprises sur des sites Internet. Les médias internationaux évoquent son cas. Les appels pour sa libération venant du monde entier se multiplient. Son état de santé dégrade au fil des jours. Sur décision de la justice Ganji est transféré à l’hôpital Milad de Téhéran. La justice iranienne, ne voulant pas admettre la dégradation de son état de santé, affirme que le prisonnier a cessé sa grève de la faim et s’il est hospitalisé c’est pour subir une opération au ménisque. Ce que dément son épouse, Massoumeh Shafiie, indiquant que «Ganji poursuit sa grève de la faim, il refuse les perfusions et sa situation a empiré.» L’un de ses avocats, le prix Nobel de la paix Shirine Ebadi, s’inquiète du sort de son client et proteste contre «l'interdiction qui lui est faite par la justice de le voir».
Quand la révolution mange ses enfants
En 1979, le jeune Ganji n’a qu’une vingtaine d’année. Il défend corps et âme la révolution islamique et les idées de son idole le fondateur de la République islamique, Rouhollah Khomeyni. Il s’engage dans l’armée idéologique du régime, les Gardiens de la révolution. Cette aventure dure jusqu’au milieu des années 80, quand Ganji quitte son uniforme pour bifurquer vers les activités culturelles. Quelque temps plus tard il monte son propre journal. Avant même l’apparition du premier numéro il est arrêté. Rapidement relâché, il se consacre à la publication de son journal. En 1997, il apporte son soutien à la candidature de Mohammad Khatami à la présidentielle et défend, avec ceux qui seront qualifiés plus tard de «réformateurs», des libertés politiques et sociales et demande la démocratisation des institutions. Après la vague d’assassinats d’intellectuels et d’écrivains, le journaliste met en cause publiquement la nature même du régime iranien et dénonce les méthodes totalitaires utilisées par le système islamique. Ce qui le transforme en dissident, mais aussi, en symbole de lutte contre la dictature islamique qui gouverne l’Iran.
Depuis qu’il est enfermé, Akabar Ganji n’a cessé d’écrire des lettres - à sa famille, à ses amis, aux autorités- et deux «manifestes». Dans le premier intitulé «Manifeste pour la défense de la république», il avait appelé tous les Iraniens au boycott de l’élection présidentielle du 17 juin dernier. Dans le second, adressé «A tous les démocrates du monde», il réaffirme son désir de voir changer le régime politique en Iran et pour ce faire il préconise la «désobéissance civique» sans recours à la violence. Le dissident met fortement en cause le velâyat-e faqih [l'autorité absolue du chef religieux] et attaque la personne du guide suprême l’ayatollah Khamenei. Dans une récente lettre envoyée à l’ayatollah Montazeri, lui même assigné à résidence depuis plusieurs années, Akbar Ganji critique encore une fois fermement le régime islamique et déclare illégitime le pouvoir du guide suprême. «Si je meurs, écrit-il dans la même lettre, quelle qu’en soit la raison, le seul responsable sera l’ayatollah Khamenei».
par Darya Kianpour
Article publié le 29/07/2005 Dernière mise à jour le 29/07/2005 à 08:19 TU