Egypte
Et de cinq pour Moubarak !
Photo : AFP
C’est dans sa région natale de Ménoufiya, à une centaine de kilomètres au nord du Caire, que le président sortant a choisi de mettre un terme au suspense –qui n’en était pas réellement un– entourant sa candidature à la magistrature suprême. «Je ne renoncerai jamais à la modernisation et à la démocratisation de l’Egypte, je ne laisserai pas tomber mon pays», a lancé Hosni Moubarak sous les tonnerres d’applaudissements de ses partisans qui n’ont pas hésité à interrompre à plusieurs reprises son discours pour scander avec enthousiasme : «nous t’avons choisi !». Pour le vieux raïs qui préside aux destinées de son pays depuis près d’un quart de siècle, «l’Egypte est à la croisée des chemins, régresser ou aller de l’avant». Et en guise de programme, il a donc promis de nouvelles réformes vers «une société démocratique, le multipartisme, la défense des droits de l’Homme et l’Etat de droit». Rien de bien révolutionnaire si ce n’est que, pour la première fois, le président sortant a envisagé la levée –réclamée depuis des mois par l’opposition– de l’Etat d’urgence en vigueur dans le pays depuis l’assassinat en 1981 de son prédécesseur Anouar al-Sadate. Hosni Moubarak a en effet proposé de remplacer cette loi très controversée par un nouvel arsenal législatif de lutte contre le terrorisme, présenté comme l’un des «défis» de son prochain mandat.
Car bien qu’ils aient directement visé le pouvoir, les attentats de Charm el-Cheikh –organisés dans «la ville de Moubarak» et le jour de l’anniversaire de la révolution qui a renversé la monarchie dont le raïs est l’héritier direct– ont paradoxalement renforcé le régime égyptien. L’opposition qui avait donné de la voix ces derniers mois, allant jusqu’à braver la loi sur l’Etat d’urgence en manifestant dans la rue pour réclamer le départ du chef de l’Etat, semble avoir été paralysée par ces attaques terroristes qui ont coûté la vie, selon un bilan encore provisoire, à 67 personnes. Elle n’a pour le moment eu d’autre choix que celui de se ranger, au nom de l’unité nationale, aux côtés du pouvoir pour condamner le terrorisme. Et si Mohammed Mehdi Akef, le chef spirituel des Frères musulmans –principal mouvement d’opposition officiellement interdit mais toléré– s’est empressé de dénoncer publiquement les attentats de Charm el-Cheikh, il s’est bien gardé de commenter la candidature de Hosni Moubarak, chose qu’il n’aurait pas manqué de faire dans d’autres circonstances.
L’opposition appelle au boycottL’opposition ne se fait en outre aucune illusion quant à l’issue du scrutin du 7 septembre. Au mois de mai déjà, elle s’était fortement mobilisée lors de la campagne pour l’amendement de l’article 76 de la Constitution –qui permet désormais de tenir une élection présidentielle pluraliste et au suffrage universel– en dénonçant «les conditions rédhibitoires» de ce texte qui ferment la porte aux candidatures indépendantes. Pour se présenter en effet, tout prétendant à la magistrature suprême doit pouvoir se prévaloir du soutien d’au moins 250 membres des deux chambres du Parlement et des conseils provinciaux, des organes totalement acquis au Parti national démocrate, au pouvoir depuis des décennies. Outre ces restrictions, l’opposition dénonce également l’absence d’accès équitable aux médias et surtout l’impossibilité qu’elle a de tenir des réunions politiques ou d’organiser des manifestations comme l’impose la très controversée loi sur l’Etat d’urgence.
Dans ces conditions, la plupart des partis de l’opposition parlementaire –comme le Taggamou (marxiste) ou le Parti nassérien (nationaliste)– ont d’ores et déjà appelé au boycott du scrutin présidentiel. Le mouvement Kefaya –«ça suffit !» en arabe– qui rassemble plusieurs personnalités de la société civile et qui a été en pointe ces derniers mois de la contestation dans la rue –des dizaines de ses militants ont été arrêtés– a lui aussi appelé les Egyptiens à ne pas se rendre aux urnes le 7 septembre. Son porte-parole, George Isaac, a en outre vivement dénoncé la candidature de Hosni Moubarak en estimant qu’une nouvelle fois le raïs «n’avait tenu que des propos creux sur la démocratisation» du pays.
A moins de six semaines de la présidentielle, le chef de l’Etat sortant ne semble pas avoir de concurrent sérieux. Pour le moment, seul Ayman Nour, le très controversé chef du parti libéral al-Ghad –«demain» en arabe– est en effet prêt à défier le raïs. Emprisonné pendant un mois au printemps dernier pour une affaire de falsification de documents officiels dans le but de créer son parti, l’homme est toujours sous le coup d’une procédure judiciaire. Très peu populaire dans le pays –il n’est connu que dans sa circonscription du Caire–, cet avocat de 40 ans présente en outre un handicap majeur, celui d’être perçu comme le candidat des Américains dans un pays où l’anti-américanisme bat des records. Ayman Nour a en effet été le seul représentant de l’opposition que la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a rencontré lors de son voyage en Egypte destiné à promouvoir la démocratie au Moyen-Orient.
par Mounia Daoudi
Article publié le 29/07/2005 Dernière mise à jour le 29/07/2005 à 17:22 TU