Proche-Orient
Que faire de Gaza ?
(Photo: AFP)
A une semaine exactement du début du retrait israélien de la bande de Gaza, l’incertitude est toujours aussi grande quant au devenir de ce Territoire de 362 km², une bande côtière longue de 45 km et large de 6 à 10 km –une superficie nettement inférieure à celle d’un département français– où s’entassent dans la plus grande misère quelque 1,4 million d’habitants. Près de cinq années d’Intifada ont en effet asphyxié l’économie de cette région qui, à terme, doit devenir le débouché maritime du futur Etat palestinien. Selon les derniers chiffres de la Banque mondiale, plus de 70% de la population vit ainsi en dessous du seuil de pauvreté avec moins de deux dollars par jour, une proportion qui s’élevait à moins de 25% il y a cinq ans. Le chômage dans ce Territoire frappe en outre près de moitié de la population active –contre seulement 15% au début de l’Intifada– tandis que les jeunes âgés de moins de 18 ans constituent 60% de la population.
Le départ de la bande de Gaza des quelque 8 000 colons israéliens – certains y résidaient depuis 38 ans– aura pour premier avantage de permettre enfin une libre circulation dans cette région. Au plus fort de l’Intifada, et en raison des nombreux barrages érigés par l’armée israélienne, les Palestiniens mettaient en effet plusieurs heures, voire dans certains cas plusieurs jours, pour traverser de nord en sud cette bande de terre d’à peine 45 kilomètres. Bientôt libres de circuler dans Gaza, les Palestiniens n’en ont pas moins longtemps craint que ce Territoire ne devienne une immense prison à ciel ouvert, coupé notamment de la Cisjordanie qui représente un marché conséquent où vit 70 % de la population des Territoires. Mais sous la pression de la communauté internationale, Etats-Unis en tête –la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice est personnellement intervenue auprès d’Ariel Sharon– les autorités israéliennes ont donné des gages pour que cette situation ne se présente pas.
Ainsi la frontière sud de la bande de Gaza –le fameux couloir Philadelphie, long de quatorze kilomètres– sera, une fois le retrait terminé, sous le contrôle conjoint des Egyptiens et des Palestiniens. Et une route sécurisée reliera rapidement ce Territoire à la Cisjordanie, les trajets se faisant par convois sous escorte militaire israélienne. Sur le long terme, l’Etat hébreu a même d’ores et déjà donné son accord pour la construction d'une liaison ferroviaire entre le terminal d'Erez, dans la bande de Gaza, et la localité de Tarqoumya dans le sud de la Cisjordanie. Le coût de cette liaison a été estimé à 125 millions de dollars. Et même si aucune annonce officielle n’a encore été faite à ce sujet, Israël devrait également permettre une réhabilitation de l’aéroport international de Rafah dans le sud de la bande de Gaza, fortement endommagé par les bombardements israéliens pendant l’Intifada, et fermé depuis.
Les colonies israéliennes de Gaza détruites
Le départ des colons va par ailleurs permettre aux Palestiniens de reprendre le contrôle de quelque 20% du territoire de la bande de Gaza qui échappaient totalement à leur autorité. Longtemps incertain, le sort des constructions érigées dans ces implantations –maisons, bâtiments publics mais aussi serres installées sur les terrains agricoles– a été négocié sous l’égide de James Wolfensohn, l’émissaire américain pour les Affaires économiques au Proche-Orient, également envoyé spécial du Quartette qui parraine la Feuille de route, ce plan de paix international qui doit à terme permettre la création d’un Etat palestinien.
Ainsi, et même si le coût est élevé –quelque 18 millions de dollars pour le seul déblaiement des gravats–, toutes les infrastructures des colonies seront détruites. Les responsables palestiniens ont en effet manifesté leur préférence pour cette option. La construction de bâtiments plus élevés devrait, en plus de la relance de l’emploi dans le secteur du BTP, permettre de répondre à l’épineux problème du logement dans la bande de Gaza où la densité de la population est la forte au monde. Certains responsables palestiniens ont également émis l’idée que les gravats des édifices détruits pourraient servir à la construction d’un port sur la Méditerranée. Un projet, actuellement en négociation avec Israël, qui pourrait également être générateur d’emplois dans cette région si durement frappée par le chômage.
Vers une privatisation des entreprises publiques palestiniennes
Consciente que seule une relance de l’emploi et du pouvoir d’achat dans la bande de Gaza empêchera ce Territoire de plonger dans le chaos, l’Autorité palestinienne a entrepris d’assouplir sa législation pour encourager les investissements étrangers. Le ministre de l’Economie, Mazen Sonnokrot, a ainsi récemment annoncé que son gouvernement était disposé à accorder 100% de droits de propriétés à toute entreprise étrangère désireuse de s’installer à Gaza. Il a également affirmé que toutes les démarches administratives seraient facilitées dans cette perspective. Selon lui, plusieurs sociétés américaines, européennes, canadiennes mais aussi turques ont récemment pris contact avec l’Autorité palestinienne et se sont déclarées prêtes investir dans différents secteurs. «Nous espérons que ces investissements pourraient atteindre annuellement entre 1,5 et 2 milliards de dollars sur une période de trois ans» suivant le retrait israélien, a notamment déclaré Mazen Sonnokrot.
Le ministre a également annoncé que le programme de privatisation des entreprises publiques pourrait commencer dès le début de l’année prochaine. L’Autorité palestinienne a en effet décidé, dans le cadre des réformes économiques qu’elle a entreprises, d’ouvrir au privé le capital de sociétés comme les compagnies nationales du Ciment et du Pétrole, l’Aéroport de Gaza ou encore la Compagnie nationale de textile et de teinturerie. Elle espère ainsi relancer l’emploi en dynamisant ces entreprises publiques souvent mal gérées par une administration corrompue.
Mais tous ces projets ne pourront être viables sans une coopération effective des autorités israéliennes qui doivent, estiment de nombreux experts, s’engager à assurer la libre circulation des marchandises entre les deux Territoires palestiniens mais aussi avec l’étranger. «S'il y a une question déterminante pour l'avenir, je dirais qu'il s'agit des terminaux routiers», a notamment défendu James Wolfensohn. «Investir à Gaza est impensable lorsque vous ignorez si les matériaux peuvent y entrer ou en sortir. Personne ne prendrait un tel risque», a-t-il insisté.
par Mounia Daoudi
Article publié le 09/08/2005 Dernière mise à jour le 09/08/2005 à 18:49 TU