Église catholique
Un cardinal viole le secret du conclave
Le pape Benoît XVI.
Le règlement interdit formellement de briser le secret de l’élection d’un pape sous peine d’excommunication.
(Photo : AFP)
De notre correspondant au Vatican
Qui a bien pu parler ? Quel est le cardinal qui a eu l’audace de livrer à la presse autant de détails sur le déroulement du dernier conclave ? C’est la question que tout le monde se pose au Vatican depuis quelques jours. Est-ce un cardinal résident à Rome ? «Peu probable», affirment certains. Un Italien ? Rien n’est moins sûr. Un opposant au cardinal Ratzinger ? Probable, mais lequel ? A dire vrai, toutes les conjectures s’équivalent à ce stade, car l’identité de
Certes ce n’est pas la première fois dans la longue histoire de la papauté que filtrent des indiscrétions sur le déroulement de l’élection d’un pape, même si les règlements interdisent formellement de briser le secret sous peine d’excommunication. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple récent, on avait fini par considérer au fil des ans comme une quasi-certitude, en procédant au recoupement de divers témoignages, le fait que Jean-Paul II, par exemple, aurait bénéficié en 1978 de la «campagne» organisée par le cardinal Koenig, archevêque de Vienne, et recueilli 111 votes lors du scrutin décisif. Mais ces indiscrétions, par le passé, ne filtraient qu’au compte-gouttes et après un certain nombre d’années.
La nouveauté cette fois, c’est que le «journal intime» du cardinal anonyme, publié par la très sérieuse revue Limes et repris vendredi dernier par l’ensemble de la presse italienne, est à la fois dévoilé moins de six mois après les faits, et qu’il offre une foule de détails sur le déroulement même de l’élection, indiquant scrutin après scrutin le décompte des voix. Une mine pour les «vaticanistes».
Bergoglio, alternative à Ratzinger
On apprend ainsi, à en croire le mystérieux prélat, que dès le premier scrutin, le lundi 18 avril dans l’après-midi, Joseph Ratzinger aurait totalisé 47 suffrages, puis 65 dès le deuxième tour le lendemain matin. Sur 115 électeurs, il manquait alors au cardinal allemand une douzaine de voix pour atteindre le seuil fatidique des deux tiers (117), mais il était déjà en mesure de barrer la route à tous les autres concurrents. Or, à en croire la mystérieuse source cardinalice, un seul cardinal inquiétait réellement Ratzinger : l’archevêque de Buenos Aires, Mgr Bergoglio, doté de 35 voix au second scrutin. Un homme connu pour son humilité et qui, sans appartenir à proprement parler au camp progressiste, pouvait constituer une alternative à Ratzinger. Sa candidature devait toutefois plafonner à 40 suffrages au troisième tour et il aurait lui-même fait comprendre qu’il préférait renoncer.
La deuxième surprise, si ce journal intime est digne de crédit, c’est qu’à aucun moment les Italiens n’ont été dans la course : ni Martini (9 voix au 1er scrutin) , ni Ruini (6), ni Tettamanzi (2). Les experts avaient pourtant fait de l’éventuel retour d’un Italien sur le trône de Pierre l’un des enjeux du conclave. En fait, la course se serait jouée entre un Européen et un Latino-Américain.
Enfin, troisième surprise : l’absence d’élan plébiscitaire autour de l’élu lors du scrutin décisif, le mardi après-midi, malgré d’intenses conciliabules lors du déjeuner qui le précéda. Joseph Ratzinger a certes été élu très rapidement (en 24 heures et au 4e scrutin), mais il n’aurait obtenu que 84 des 115 votes. Loin des 111 et 112 attribués à ses deux prédécesseurs par tous les historiens du conclave. Le signe de la persistance d’un camp plutôt hostile à son élection, au sein duquel il est d’ailleurs probable que se cache l’éminence par trop bavarde.
Si la publication de ces indiscrétions n’a donné lieu à aucune réaction officielle de la part du quotidien du Saint-Siège ou de
par Laurent Morino
Article publié le 27/09/2005 Dernière mise à jour le 27/09/2005 à 10:34 TU