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Algérie

Référendum : plébiscite attendu

Les affiches appelent à voter Oui au référendum.(Photo : AFP)
Les affiches appelent à voter Oui au référendum.
(Photo : AFP)
Plus de 18 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour se prononcer sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale, proposée par le président Bouteflika. Il attend des algériens un plébiscite pour pouvoir user des larges pouvoirs que lui accorde ce texte, dont l’interdiction d’activité politique des dirigeants du FIS impliqués dans la crise.

De notre correspondant à Alger

La campagne référendaire autour de la charte pour la paix et la réconciliation nationale a été lancée et animée principalement par le président Bouteflika qui, durant plus d’un mois, a tenu pas moins de dix meetings et discouru sur le sujet à l’occasion de ses nombreuses autres apparitions publiques. En complément de son engagement personnel, toute une stratégie de marketing politique, sous-tendue par d’importants moyens financiers a été déployée. Des chansons ont été spécialement composées pour l’évènement et des figures sportives locales ont été mobilisées. Toutes les interventions publiques du Président ont été constamment relayées par la télévision et la radio publiques, monopole d’Etat. Des heures et des heures de programmes que n’ont pas forcément été suivis par les algériens, très branchés sur les télévisions étrangères.

Les opposants réprimés

Mais cette campagne a été à sens unique. Ces médias lourds sont restés fermés à toute voix opposée à ce projet politique. Seuls quelques journaux privés, à audience relative, ont ouvert leurs colonnes aux associations de familles de disparus, victimes du terrorisme, ou à des leaders politiques comme Hocine Aït Ahmed, qui réclament «justice et vérité» avant tout processus d’amnistie. D’ailleurs, c’est à travers des chaînes satellitaires comme Beur TV, El Djazira, El Moustakilla ou I-Télé, que le grand public a pu prendre connaissance des arguments de ces contradicteurs qui ne sont pas contre le principe de la paix et de la réconciliation, mais contre cette charte qui «consacre l’impunité et la violence».

Les pouvoirs publics ont réprimé des militants du Mouvement démocratique et social (MDS), du Front des Forces Socialistes (FFS) et des militants pour la vérité sur les disparus, qui tentaient de distribuer des tracs appelant à voter non, à Alger, Constantine et Annaba. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire. Cette charte, qui contient des mesures de compensation financière, des mesures de grâce et d’amnistie notamment pour les terroristes repentis auteurs d’assassinats individuels, est la seule médication possible pour contribuer au règlement de la crise, n’a cessé de répéter Abdelaziz Bouteflika. Même l’armée, qui est officiellement hors du champ politique, a exprimé son soutien au projet par l’entremise d’un éditorial de sa revue mensuelle (à diffusion interne) El Djeïch, cité par le quotidien El Watan.

Le président algérien a bradé les hydrocarbures

Les anciens chefs de l’Armée islamique du salut (AIS, auto dissoute), Madani Mezrag, Kertali et Ahmed Benaïcha ont participé activement à la campagne référendaire. Ahmed Benaïcha a même offert une scène de fraternisation, lors du dernier meeting présidentiel à Alger, en embrassant Rabha Tounsi, animatrice d’une association de victimes du terrorisme, hier totalement hermétique à l’idée du moindre rapprochement avec les «islamistes terroristes». Ces anciens activistes armés ont cependant accepté du bout des lèvres l’interdiction d’activité politique qu’édicte la charte sur la paix et la réconciliation nationale.

C’est très vraisemblablement ce point qui fait le plus consensus au sein de la population. En revanche, le troc «paix contre mesures d’amnistie et de grâce» n’est, en général, pas admis de gaieté de coeur. C’est sur le registre de la soif de paix et du patriotisme que les animateurs de la campagne ont le plus joué. Le président Bouteflika a fréquemment fustigé «ceux qui cherchent à l’étranger une solution à la crise algérienne». En réaction, Hocine Aït Ahmed, qui vit en exil en Suisse, a notamment rétorqué que le président algérien a bradé les hydrocarbures sous prétexte que la nouvelle loi des hydrocarbures «nous est imposé de l’extérieur».

95% de oui

A première vue, le discours des opposants à la charte de Bouteflika a été submergé par la campagne référendaire officielle qui a bénéficié de moyens illimités et d’une extraordinaire couverture médiatique locale. A côté du président, les chefs des partis de l’alliance gouvernementale ont sillonné le pays pour promouvoir ce texte. Louisa Hanoune, députée et chef du Parti des travailleurs (trotskyste) s’est jointe à eux tout en dénonçant les ONG qui plaident pour la vérité et la justice. Souvent, cette campagne a été fortement teintée de populisme et de références religieuses. «C’est le dosage nécessaire pour atteindre l’Algérie profonde», soulignent des apparatchiks du régime. En Kabylie, comme dans les autres régions où les officiels ont fait campagne, les auditoires étaient préalablement sélectionnés.

Cette proximité artificielle sera-t-elle comblée par l’effet des médias lourds ? L’Algérien lambda ne tient pas compte de ces paramètres. Il souligne souvent que les scrutins précédents n’ont pas été exemplaires. L’administration n’a pas changé. Elle encadre les opérations électorales et aucun dispositif de contrôle réellement neutre de la consultation n’a été mis en place. Soixante-douze heures avant le jour J, Boudjerra Soltani chef du parti MSP, membre de la coalition gouvernementale a publiquement déclaré s’attendre à 95% de oui, soit 10% de plus que lors de l’élection présidentielle de 2004 en faveur de Bouteflika.


par Belkacem  Kolli

Article publié le 29/09/2005 Dernière mise à jour le 29/09/2005 à 08:21 TU