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Liban-Syrie

Isolée, Damas est sommée de coopérer

Le Conseil de sécurité de l'ONU accroît la pression pour contraindre Damas à coopérer.
Le Conseil de sécurité de l'ONU accroît la pression pour contraindre Damas à coopérer.
Pointée du doigt dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, la Syrie a été sommée par le Conseil de sécurité de l’ONU de coopérer avec la Commission d’enquête internationale, sous peine d’encourir des «mesures négatives».

De notre correspondant à Beyrouth

Rien n'aura permis à Damas de sortir de son isolement. Ni l’offensive diplomatique lancée par la Syrie en direction des pays arabes, ni la décision du président Bachar al-Assad de former une commission spéciale chargée d’enquêter sur le meurtre de Rafic Hariri, et encore moins l’intervention de son ministre des Affaires étrangères Farouk Chareh au Conseil de sécurité.

Certes, la résolution 1636 adoptée unanimement par les 15 membres du Conseil de sécurité, lundi, ne préconise pas l’adoption de sanctions claires contre la Syrie. Elle se contente de dire que si Damas ne coopère pas avec la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le Conseil pourra «envisager d'autres mesures». Toutefois, le préambule de la résolution signale que le Conseil agit conformément aux dispositions de l'article VII de la Charte. Ce chapitre concerne «l'action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression». Il est souvent invoqué par le Conseil pour prendre des sanctions économiques et diplomatiques, voire pour recourir à la force.

Le texte a été retouché

Plus grave encore, le texte impose à la Syrie l’arrestation de tout responsable ou citoyen ordinaire syrien que la commission d'enquête pourrait soupçonner d'être impliqué dans l'assassinat et de les mettre à la disposition de la commission. Celle-ci pourra décider du lieu et des conditions d'interrogatoire des personnes qu'elle juge utile d'entendre pour les besoins de l’enquête qui doit se poursuivre au moins jusqu'au 15 décembre. La résolution impose enfin, sous certaines conditions, des sanctions individuelles -gel d'avoirs financiers à l'étranger et interdiction de voyager - contre les suspects désignés par les enquêteurs internationaux.

Maigre consolation, les membres du Conseil précisent que ces sanctions sont prises «sans préjudice de la détermination finale par la justice de la culpabilité ou non» des personnes visées. Un paragraphe a par ailleurs été ajouté en dernière minute déclarant que le Conseil «prend note de la récente affirmation par la Syrie de son intention de coopérer désormais avec la commission et attend d'elle qu'elle honore pleinement cet engagement».

Le texte, qui contenait à l’origine une menace implicite d'un recours à des sanctions économiques ou diplomatiques à l'égard de Damas, a été retouché par ses trois co-auteurs, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, pour obtenir l'assentiment de la Chine, de la Russie et de l'Algérie.

A la recherche d’un soutien arabe

Mais le résultat est le même. Car ce qui inquiétait Damas était que des suspects syriens soient interrogés en dehors du territoire national. C’est sans doute pour éloigner cette perspective que Bachar al-Assad a décidé de former sa propre commission d’enquête, encouragé en ce sens par Le Caire et Riyad. Ces deux capitales ont concerté leurs efforts pour tenter d’atténuer les pressions internationales contre la Syrie de peur qu’elle ne subisse, à terme, le même sort que l’Irak de Saddam Hussein.

Inquiètes des conséquences d’une éventuelle déstabilisation du régime syrien, l’Egypte et l’Arabie Saoudite ont intensifié leurs contacts ces derniers jours. Le roi Abdallah s'est ainsi entretenu dimanche soir au téléphone avec le président Hosni Moubarak, trois jours après avoir reçu le chef des renseignements militaires égyptiens, le général Amr Sleimane. Ce dernier avait été dépêché à Riyad quelques heures avant une visite surprise de Moubarak à Damas.

Dans le même temps, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères entamait une tournée qui devait le mener en Arabie saoudite, au Qatar, au Koweit, aux Emirats arabes unis et à Bahrein. Walid Moallem a remis aux dirigeants de ces pays des lettres du président Assad expliquant la décision de Damas de former une commission spéciale chargée d’enquêter sur le meurtre de Hariri «en coopération avec la commission internationale et la justice libanaise.»

Detlev Mehlis de retour à Beyrouth

Le geste de bonne volonté syrien, tardif pour certains, et le ballet diplomatique arabe, pas assez vigoureux pour d’autres, n’ont pas mis Damas à l’abri des pressions internationales. Et celles-ci dépassent la question de l’assassinat de Rafic Hariri. Ainsi, la résolution 1636 «insiste pour que la Syrie ne s'ingère pas dans les affaires intérieures du Liban, directement ou indirectement, s'abstienne de toute tentative de le déstabiliser et respecte scrupuleusement sa souveraineté, son intégrité territoriale, son unité et son indépendance politique».

Armé d’une nouvelle résolution en plus de la 1595, adoptée en avril dernier, le chef de la commission internationale, Detlev Mehlis, est arrivé à Beyrouth lundi soir. Le magistrat allemand a six semaines pour approfondir son enquête et apporter davantage de preuves sur l’implication de Damas dans l’assassinat avant la prochaine réunion du Conseil de sécurité, prévue autour du 15 décembre.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 01/11/2005 Dernière mise à jour le 01/11/2005 à 08:34 TU