Syrie
L’étau se resserre autour de Damas
(Photo: AFP)
La Syrie est, bien malgré elle, sous le feu des projecteurs cette semaine. Deux rapports viennent d’être remis au secrétaire général des Nations unies qui pourraient bien contribuer à isoler encore un plus le régime de Damas. Le premier document, rédigé par l’envoyé spécial de Kofi Annan dans la région, Terje Roed-Larsen, fait le point sur l’application de la résolution 1559 qui exige le départ des troupes et des services secrets syriens du Liban mais aussi le démantèlement des milices armées, parmi lesquels le Hezbollah. Or le parti de Dieu, qui a toujours reçu un appui si ce n’est logistique du moins politique de Damas, n’a visiblement pas l’intention de déposer les armes. Le diplomate norvégien devait également évoquer dans son rapport la situation dans les camps palestiniens au Liban. Là encore, la responsabilité de la Syrie est pointée du doigt. Damas est en effet accusé de faciliter le transit d’armes illégales vers ces camps, mettant ainsi en péril la stabilité du pays du Cèdre. La question a d’ailleurs été soulevée en début de semaine à Paris par le Premier ministre libanais Fouad Siniora et le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas en présence de Terje Road-Larsen.
Le second rapport, qui conclut l’enquête du procureur allemand Detlev Mehlis sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, pourrait s’avérer beaucoup plus dévastateur pour le régime de Bachar al-Assad. Présenté jeudi à Kofi Annan, il devrait être rendu public dès vendredi devant le Conseil de sécurité. Certaines fuites pointent le sommet de l’Etat syrien. Ainsi, selon l’hebdomadaire allemand Stern, un beau-frère du président al-Assad serait impliqué dans l’attentat qui a coûté la vie le 14 février dernier à l’ancien Premier ministre et à une vingtaine d’autres personnes. Assef Chawkat, qui avait été nommé chef des services de renseignements militaires syriens quatre jours après cet attentat, aurait été entendu en Europe par la Commission d’enquête présidée par Detlev Mehlis. Le magazine, qui n’indique ni la date de cet interrogatoire, ni le lieu où il s’est déroulé, précise toutefois que ce responsable a été entendu «pas comme témoin mais comme suspect». Toujours selon Stern, quatre autres responsables syriens seraient également considérés comme des suspects, notamment l’ancien chef des services de renseignement syrien au Liban, le très redouté Rustom Ghazalé.
La Syrie innocente à 100%, selon Assad
Si la responsabilité du régime syrien dans l’assassinat de Rafic Hariri devait être confirmée, Damas pourraient ne plus être à l’abri de nouvelles sanctions. A en croire le Washington Post en effet, les Etats-Unis et la France s’apprêteraient à proposer, dès la semaine prochaine, au Conseil de sécurité deux résolution condamnant, en des termes très sévères, la Syrie pour son implication dans l’attentat du 14 février et dans les tentatives de déstabilisation du Liban. Paris a certes démenti cette information jeudi, affirmant que la France attendait que les rapports «soient déposés, rendus publics et discutés au Conseil de sécurité pour décider des suites qu'il conviendra de leur donner». Mais la pression n’en demeure pas constante sur le régime syrien. Le président syrien a essayé de plaider mercredi la cause de son pays, déclarant dans la presse allemande que les Syriens étaient «innocents à 100%» dans l’affaire Hariri. «Ce qui s’est passé au Liban n’est pas dans l’intérêt de la Syrie. C’est même tout le contraire. Cela nous nuit ? Pourquoi aurions-nous soutenu de tels actes ?», a défendu Bachar al-Assad.
Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères a défendu la même thèse affirmant que son pays avait «perdu beaucoup» dans cette affaire. Dans une interview au quotidien français Le Figaro Walid Mouallam, accuse même Washington de chercher à travers ce dossier à renverser le régime de Bachar al-Assad. «Si la Syrie est innocente comme nous le pensons, Detlev Mehlis devra le dire. Mais osera-t-il délivrer un certificat d’innocence à Damas s’il n’a aucune preuve contre nous ?», a expliqué le responsable syrien avant d’ajouter : «c’est le défi auquel nous sommes confrontés car les Etats-Unis veulent changer le régime en Syrie». Pour Walid Mouallam en effet, la Syrie est le seul pays dans la région à oser dire non aux pressions extérieures et à contrarier les objectifs américains. «Bush n’a-t-il pas dit que, quelles que soient les conclusions de Mehlis, la Syrie devait changer profondément», a-t-il ajouté.
Pas plus tard que mercredi, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a déclaré que les Etats-Unis étaient engagés dans des «démarches diplomatiques nouvelles» envers la Syrie, accusée notamment de ne rien faire pour laisser passer les terroristes en Irak. Washington n’est visiblement pas prêt à faire tomber la pression sur Damas.
par Mounia Daoudi
Article publié le 20/10/2005 Dernière mise à jour le 20/10/2005 à 18:00 TU