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Allemagne

Une coalition de compromis

La presse allemande a tiré aux boulets rouges sur l’accord de coalition soulignant son manque de portée et le fait qu’il mettait entre parenthèses des sujets importants.(Photo : AFP)
La presse allemande a tiré aux boulets rouges sur l’accord de coalition soulignant son manque de portée et le fait qu’il mettait entre parenthèses des sujets importants.
(Photo : AFP)
Encore une semaine, puis le long et difficile accouchement du deuxième gouvernement de grande coalition de l’Allemagne d’après-guerre devrait s’achever. Ce lundi, les congrès des partis chrétien et social-démocrate ont adopté à une très large majorité le contrat de législature dont les négociations se sont achevées vendredi. Et mardi prochain, la première chancelière allemande, la chrétienne-démocrate Angela Merkel devrait être élue dans un fauteuil par le Parlement, les deux partis composant la majorité disposant d’une confortable avance avec près des trois quarts des sièges.

De notre correspondant à Berlin

Les résultats clairs des congrès convoqués en ce début de semaine n’ont pas plus soulevé l’enthousiasme que l’accord conclu par les deux partis. Rares sont les journaux, ce mardi, qui comme le  Münchner Merkur  de Munich se montrent positifs, soulagés que l’Allemagne dispose d’un gouvernement «à même de gérer le pays dans des temps difficiles». Les chrétiens-sociaux bavarois se sont même prononcés à l’unanimité en faveur du texte. Leurs cousins de la CDU à Berlin entérinaient, au même moment, l’accord avec le soutien de 112 des 116 délégués présents. Et au congrès des sociaux-démocrates, l’aile gauche qui menaçait de se rebeller, digérant notamment avec difficulté la hausse de la TVA, n’a pas bronché. Finalement, seulement une douzaine de délégués ont rejeté l’accord de grande coalition sur les 516 militants présents.

Mais comme le souligne le quotidien Leipziger Volkszeitung, «la peur du naufrage a contribué à souder les deux grands partis en difficulté». Un rapprochement entre eux était donc nécessaire car la grande coalition était la seule option envisageable, sauf à organiser un nouveau scrutin. Et cela aurait représenté un échec pour la CDU et le SPD que les Allemands auraient probablement sanctionné. Si le gouvernement de grande coalition n’avait pas abouti, s’il avait été rejeté notamment par les militants sociaux-démocrates, les conséquences pour les deux mouvements perdants des dernières élections auraient été graves.

Un programme sans ambition politique

A la CDU, on a repoussé à début décembre une analyse - ou un règlement de comptes ? - sur les piètres résultats du 18 septembre. Le SPD, lui, s’est auto-décapité il y a deux semaines avec un désavoeu de son populaire président Franz Müntefering sur la nomination d’un nouveau secrétaire général du mouvement. L’homme politique cède, ce mardi, la place à un représentant de la plus jeune génération, Matthias Platzeck, le patron du Brandebourg, la région qui entoure Berlin. Il s’agit d’un ex-Allemand de l’Est comme la future chancelière Angela Merkel, tout un symbole quinze ans après la réunification allemande.

Mais les symboles et les envolées lyriques ne sont pas le fort de la vie politique allemande. Le «business as usual» prévaut. Et d’ailleurs, beaucoup de commentateurs ont regretté que le programme de gouvernement, malgré un titre ronflant, ne soit pas porteur d’une ambition politique mais surtout le produit de compromis inhérents à une grande coalition alliant gauche et droite.

La hausse de la TVA constitue une concession faite par la gauche qui a aussi accepté que la période d’essai pour les nouveaux embauchés passe de 6 à 24 mois. Mais les compromis de la droite ont été plus importants : l’autonomie tarifaire reste intouchée, le SPD a obtenu une surimposition des plus riches, le développement d’allocations pour les parents et la non remise en cause de la sortie du nucléaire. La CDU, qui avait fait campagne sur une baisse des prélèvements obligatoires et une plus grande flexibilité du marché du travail, a dû renoncer à beaucoup de mesures. Ce qui fait dire à la Leipziger Zeitung que si le programme d’un gouvernement social-démocrate n’avait pas été foncièrement différent de celui élaboré par la grande coalition, la CDU seule au pouvoir aurait avancé des propositions sensiblement plus libérales. 

La marque de la gauche

L’assainissement des finances publiques - 35 milliards d’euros doivent être économisés - se fait dans une large mesure par des augmentations d’impôts et des coupes dans les subventions ou les assurances chômage plus que par des économies dans les dépenses de l’Etat. Une illustration, pour certains commentateurs, de la marque imposée par la gauche durant les négociations.

La plupart de ces mesures qui vont ponctionner du pouvoir d’achat ne sont pas populaires, à commencer par la hausse de la TVA qui passera de 16 à 19% et qui est rejetée par les deux tiers des Allemands. Pour ne pas réduire une croissance déjà très faible en Allemagne, la plupart de ces mesures n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2007. Un programme d’investissements de 25 milliards d’euros a également été arrêté pour ne pas se limiter à un pur assainissement budgétaire. Le futur gouvernement espère par là que la croissance progressera plus que prévu en 2006. Mais faute d’économies et de recettes nouvelles repoussées d’un an, l’Allemagne ne pourra pas l’an prochain respecter le pacte de stabilité budgétaire européen limitant le déficit à 3% du produit intérieur brut.

La presse allemande a tiré à boulets rouges sur l’accord de coalition soulignant son manque de portée, le fait qu’il mettait entre parenthèses des sujets importants comme la réforme de la politique de santé sur laquelle un accord ne pouvait être trouvé. Enfin, les commentaires relativisent la portée du document considéré comme la bande annonce d’un film qui reste à tourner et dont le scénario, à l’arrivée, pourrait prendre une allure très différente. 


par Pascal  Thibaut

Article publié le 15/11/2005 Dernière mise à jour le 15/11/2005 à 12:33 TU