Liberia
Les défis de la nouvelle présidente
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
Si aujourd’hui, le nom d’Ellen Sirleaf est sur toutes les lèvres, après l’annonce de sa victoire à la présidentielle, le nom de Charles Taylor est dans beaucoup d’esprits libériens. Que va-t-il advenir de l’ancien chef de l'Etat, aujourd’hui en exil ? Depuis sa résidence dans la ville de Calabar au Nigeria, Charles Taylor sait sans doute que son sort va alimenter les conversations en haut lieu, aujourd’hui et dans les prochaines semaines, au Liberia. Ce pays, il l’avait quitté en août 2003, en promettant d’y revenir un jour. Mais a priori, s’il revient au pays, il sera arrêté pour être jugé. Dix-sept chefs d’accusation pèsent sur lui, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dont il se serait rendu coupable au Liberia, en Sierra-Leone et dans d’autres pays de la région.
«Taylor ne peut pas échapper à la justice», affirmait il y a quelques mois Emyr Jones Parry. L’ambassadeur britannique auprès des Nations unies ajoutait que «la seule question qui se pose, c’est ‘comment nous allons nous y prendre ?’» Le président nigérian, Olusegun Obansanjo, refuse d’expulser l’ex-président libérien. Mais les pressions internationales se font de plus en plus fortes. Récemment, Olusegun Obansanjo précisait que «seul un président démocratiquement élu pourra demander l’extradition de Taylor». Avec Ellen Sirleaf, le Liberia dispose dorénavant d’une présidente «démocratiquement élue». Que va-t-elle décider ?
Les casques bleus de l'ONU montent la garde devant le siège de la Commission nationale électorale à Monrovia, le centre névralgique des opérations éléctorales.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
Après avoir appuyé la rébellion de Charles Taylor fin 1989, Ellen Sirleaf avait rompu avec le chef de guerre devenu président en 1997. Mais certains de ses adversaires lui reprochent d’avoir préservé des liens avec Taylor. Et de citer, à l’appui de cette thèse, le soutien qu’elle a reçu, durant la campagne électorale, par Jewell Howard Taylor, l’épouse de Charles Taylor. D’ailleurs, la candidate Sirleaf lui aurait promis de ne pas s’impliquer directement dans le sort de l’ancien chef d’Etat exilé. Mais voilà, aujourd’hui, l’Union européenne réclame à la «présidente» Sirleaf d’engager elle-même un processus d’extradition. En tout cas, le faire dès qu’elle sera investie officiellement en janvier. De son côté, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé vendredi dernier ses Casques bleus deployés au Liberia à arrêter Charles Taylor, s’il venait à rentrer dans son pays.
Réconcilier et rebâtir
George Weah ne sera pas le premier footballeur à devenir président de son pays.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
Au-delà du cas de l’ex-président, Ellen Johnson Sirleaf aura pour mission, à la tête du pays, d’organiser la réconciliation des Libériens. Elle a déjà exprimé sa volonté de tendre la main à son adversaire électoral, George Weah, en lui promettant un «poste important» dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture. Ne pas laisser sur la touche l’ex-footballeur battu, mais aussi faire en sorte que tous les anciens combattants libériens acceptent le verdict des urnes sans provoquer un retour de la violence dans le pays. A plusieurs reprises durant la campagne électorale, Ellen Sirleaf a plaidé en faveur d’une Commission Vérité et réconciliation, à l’instar de ce qui s’est fait en Afrique du Sud, après la période d’apartheid. Elle a réclamé un prolongement de la mission des Casques bleus de l’ONU, pour garantir la complète stabilité du pays.
File d'attente, le jour du second tour, devant un bureau de vote de Morovia, la capitale du Liberia. (Photo : Med Chablaoui / RFI) |
Pour relever tous ces défis, la nouvelle présidente pourra s’appuyer sur ses partisans, évidemment, dont la majorité est constituée par des femmes. Ellen Johnson Sirleaf pourra aussi compter sur ses amis au sein des institutions internationales, activer ses relations nouées du temps où elle travaillait à la Banque Mondiale et aux Nations unies. Mais sa réussite à la tête du Liberia dépend surtout de sa capacité à rassembler tous les habitants, désireux de tourner définitivement la page des années sombres.
par Olivier Péguy
Article publié le 15/11/2005 Dernière mise à jour le 15/11/2005 à 14:14 TU