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Liberia

Les défis de la nouvelle présidente

La campagne éléctorale s'est déroulée sans incident majeure entre George Weah et Helen Johnson Sirleaf.(Photo : Med Chablaoui / RFI)
La campagne éléctorale s'est déroulée sans incident majeure entre George Weah et Helen Johnson Sirleaf.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
Ellen Johnson Sirleaf a remporté l’élection présidentielle, selon les chiffres publiés ce mardi par la Commission nationale électorale. Elle est la première femme à devenir chef d’Etat en Afrique. Les défis qui l’attendent sont énormes : reconstruire le pays après quatorze ans de guerre civile, œuvrer à la réconciliation nationale et décider du sort de l’ancien président Charles Taylor.

Si aujourd’hui, le nom d’Ellen Sirleaf est sur toutes les lèvres, après l’annonce de sa victoire à la présidentielle, le nom de Charles Taylor est dans beaucoup d’esprits libériens. Que va-t-il advenir de l’ancien chef de l'Etat, aujourd’hui en exil ? Depuis sa résidence dans la ville de Calabar au Nigeria, Charles Taylor sait sans doute que son sort va alimenter les conversations en haut lieu, aujourd’hui et dans les prochaines semaines, au Liberia. Ce pays, il l’avait quitté en août 2003, en promettant d’y revenir un jour. Mais a priori, s’il revient au pays, il sera arrêté pour être jugé. Dix-sept chefs d’accusation pèsent sur lui, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dont il se serait rendu coupable au Liberia, en Sierra-Leone et dans d’autres pays de la région.

Les casques bleus de l'ONU montent la garde devant le siège de la Commission nationale électorale à Monrovia, le centre névralgique des opérations éléctorales.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
«Taylor ne peut pas échapper à la justice», affirmait il y a quelques mois Emyr Jones Parry. L’ambassadeur britannique auprès des Nations unies ajoutait que «la seule question qui se pose, c’est ‘comment nous allons nous y prendre ?’» Le président nigérian, Olusegun Obansanjo, refuse d’expulser l’ex-président libérien. Mais les pressions internationales se font de plus en plus fortes. Récemment, Olusegun Obansanjo précisait que «seul un président démocratiquement élu pourra demander l’extradition de Taylor». Avec Ellen Sirleaf, le Liberia dispose dorénavant d’une présidente «démocratiquement élue». Que va-t-elle décider ?

Après avoir appuyé la rébellion de Charles Taylor fin 1989, Ellen Sirleaf avait rompu avec le chef de guerre devenu président en 1997. Mais certains de ses adversaires lui reprochent d’avoir préservé des liens avec Taylor. Et de citer, à l’appui de cette thèse, le soutien qu’elle a reçu, durant la campagne électorale, par Jewell Howard Taylor, l’épouse de Charles Taylor. D’ailleurs, la candidate Sirleaf lui aurait promis de ne pas s’impliquer directement dans le sort de l’ancien chef d’Etat exilé. Mais voilà, aujourd’hui, l’Union européenne réclame à la «présidente» Sirleaf d’engager elle-même un processus d’extradition. En tout cas, le faire dès qu’elle sera investie officiellement en janvier. De son côté, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé vendredi dernier ses Casques bleus deployés au Liberia à arrêter Charles Taylor, s’il venait à rentrer dans son pays.

George Weah ne sera pas le premier footballeur à devenir président de son pays.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
Réconcilier et rebâtir

Au-delà du cas de l’ex-président, Ellen Johnson Sirleaf aura pour mission, à la tête du pays, d’organiser la réconciliation des Libériens. Elle a déjà exprimé sa volonté de tendre la main à son adversaire électoral, George Weah, en lui promettant un «poste important» dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture. Ne pas laisser sur la touche l’ex-footballeur battu, mais aussi faire en sorte que tous les anciens combattants libériens acceptent le verdict des urnes sans provoquer un retour de la violence dans le pays. A plusieurs reprises durant la campagne électorale, Ellen Sirleaf a plaidé en faveur d’une Commission Vérité et réconciliation, à l’instar de ce qui s’est fait en Afrique du Sud, après la période d’apartheid. Elle a réclamé un prolongement de la mission des Casques bleus de l’ONU, pour garantir la complète stabilité du pays.

File d'attente, le jour du second tour, devant un bureau de vote de Morovia, la capitale du Liberia.
(Photo : Med Chablaoui / RFI)
La paix durable au Liberia passera aussi et surtout par son développement économique. Et cela constitue sans doute un des chantiers les plus conséquents pour Ellen Sirleaf. Les quatorze années de guerre civile ont plombé l’économie de ce pays de 3 millions d’habitants, pourtant riche en ressources naturelles. Mais le bois et les diamants, qui constituent deux des principaux produits d’exportation, sont frappés de sanctions internationales. Celle qu’on surnomme la «Dame de fer» réclame la levée de ces sanctions. Sur le plan socio-économique, Ellen Sirleaf a multiplié les promesses durant la campagne électorale. Il va falloir qu’elle les tienne : rétablir l’électricité dans la capitale d’ici six mois, favoriser l’emploi pour des milliers de jeunes désoeuvrés dans la capitale et dans les régions rurales, éradiquer la corruption quasi-généralisée au sein de l’Etat et du secteur privé…

Pour relever tous ces défis, la nouvelle présidente pourra s’appuyer sur ses partisans, évidemment, dont la majorité est constituée par des femmes. Ellen Johnson Sirleaf pourra aussi compter sur ses amis au sein des institutions internationales, activer ses relations nouées du temps où elle travaillait à la Banque Mondiale et aux Nations unies. Mais sa réussite à la tête du Liberia dépend surtout de sa capacité à rassembler tous les habitants, désireux de tourner définitivement la page des années sombres.


par Olivier  Péguy

Article publié le 15/11/2005 Dernière mise à jour le 15/11/2005 à 14:14 TU

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Sidi Mohamed Diawara

Directeur de l'antenne de l'Institut national démocrate au Liberia

«Les irrégularités que nous avons observées çà et là ne sont pas de nature à changer le résultat des élections au Liberia.»

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