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Extradition d’Habré : la justice incompétente

L'ancien président tchadien Hissène Habré, au milieu de ses partisans, à la sortie de la Cour d'appel de Dakar.Photo : AFP
L'ancien président tchadien Hissène Habré, au milieu de ses partisans, à la sortie de la Cour d'appel de Dakar.
Photo : AFP
La Cour d’appel de Dakar s’est déclarée vendredi incompétente sur la demande d’extradition d’Hissène Habré présentée par la justice belge. L’ancien président tchadien, qui vit en exil au Sénégal depuis quinze ans, est recherché pour les atrocités commises lorsqu’il était au pouvoir entre 1982 et 1990. Après dix jours de détention, il a pu regagner dans la soirée l’un de ses domiciles de la capitale sénégalaise.
De notre correspondant à Dakar

Tout le monde s'attendait à ce que la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar dise «oui» ou «non» à l'extradition d'Hissène Habré, c'est-à-dire qu’elle décide s'il doit ou non être envoyé en Belgique pour y être jugé pour les crimes dont son régime est accusé lorsqu'il était au pouvoir. Mais les magistrats se sont déclarés incompétents, en d'autres termes, ils ont estimé qu'ils ne pouvaient prendre de décision sur l'extradition de l'ancien président tchadien.

Pourquoi, cette position ? Pour résumer les juges ont estimé que, parce qu’Hissène Habré a été chef d’Etat et qu’il est poursuivi pour des faits commis lorsqu’il était président du Tchad, il jouit d’une immunité, d’un statut spécial, qui fait qu’un tribunal normal, une cour ordinaire, comme la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar, ne peut pas le juger. En clair, s’il devait être jugé se serait par un tribunal spécialement mis en place. Comme c’est le cas pour les crimes commis en ex-Yougoslavie, au Rwanda ou en Sierra Leone.

Cette position n’est bien entendu pas du tout partagée par les défenseurs des droits de l’Homme. Ainsi pour l’organisation Human Rights Watch par exemple, Hissène Habré ne jouit d’aucune immunité parce que l’actuel gouvernement du Tchad a décidé de lui refuser ce privilège.

La décision entre les mains de Wade

Dans ces conditions, qui peut donc décider du sort de l’ancien président ? En principe, il dépend désormais du chef de l’Etat sénégalais. Selon Human Rights Watch, qui considère que Hissène Habré ne jouit d’aucune immunité, Abdoulaye Wade a encore le pouvoir de décider de l’extrader vers la Belgique. Mais les avocats de l’ancien président, qui continuent à défendre la thèse de l’immunité, estiment que ce dernier ne pourra être jugé que par un tribunal spécialement constitué pour juger les chefs d’Etats.

Quoi qu’il en soit, la décision que devra prendre Abdoulaye Wade risque d’être difficile. Le président sénégalais subit en effet de très fortes pressions. Son opinion nationale et certains chefs d’Etats africains, qui craignent un effet domino dans la région, sont certes contre l’extradition vers la Belgique. Mais pas forcément contre son jugement sur le continent africain. Dans le même temps, le gouvernement belge s’est déclaré prêt à aller jusqu’à la Cour internationale de justice pour obtenir gain de cause. Et cela alors que l’actuel président tchadien en personne a déclaré depuis Bruxelles qu’il était favorable à une extradition vers la Belgique.

Les proches d’Hissène Habré eux sont satisfaits. A la sortie de l’audience vendredi, ils criaient déjà victoire. Il est vrai qu’en refusant de se prononcer sur l’extradition, et en estimant que l’ancien dictateur jouit d’une immunité, la perspective qu’il soit livré à la justice belge s’est considérablement éloignée.


par Christophe  Champin

Article publié le 26/11/2005 Dernière mise à jour le 26/11/2005 à 11:47 TU

Audio

Doudou Ndoye

avocat d'Hissen Habré

«La Belgique n'a pas le droit par son Droit commun de poser la main sur les chefs d'Etat.»

Jeanne Sulzer

Spécialiste des questions de justice internationale à la FIDH

«En réalité, c'est un manque de volonté politique de bien vouloir extrader Hissène Habré.»

Ismael Hachim Abdallah

Président de l'AVCRP (Association des victimes des crimes et de la répression politique)

«Nous avons fait quinze ans de lutte, ce n'est pas cela qui va nous décourager.»

Béchir Habré

Le fils d'Hissène Habré

«Nous sommes très contents, nous sommes fiers.»

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