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Israël

Bibi s’offre la direction d’un Likoud affaibli

L'élection de Benjamin Netanyahu à la tête du Likoud parachève l'implosion du paysage politique traditionnel israélien.(Photo : AFP)
L'élection de Benjamin Netanyahu à la tête du Likoud parachève l'implosion du paysage politique traditionnel israélien.
(Photo : AFP)
L’enfant terrible de la droite israélienne, Benyamin Netanyahou, est devenu lundi soir le candidat du Likoud au poste de Premier ministre pour les élections législatives anticipées, prévues le 28 mars prochain. Il remplace l’actuel chef du gouvernement, Ariel Sharon, qui avait claqué, en novembre dernier, la porte du parti qu’il a contribué à fonder il y a trente ans pour créer une nouvelle formation politique centriste Kadima, «en avant» en hébreu. La reprise en main du Likoud par Benyamin Netanyahou, éternel rival d’Ariel Sharon, devrait confirmer le glissement de ce grand parti de la droite nationale israélienne vers des thèses plus extrémistes.

Avec un taux de participation d’à peine 40%, les primaires du Likoud n’ont pas vraiment attiré les foules. Depuis le départ d’Ariel Sharon, le parti ne semble plus que l’ombre de lui-même, comme si les militants, échaudés par des mois de querelles intestines, n’avaient plus le cœur à l’ouvrage et cela à trois mois à peine des élections législatives anticipées. La faible participation aux primaires de lundi –un tiers de celle enregistrée en 2003 lorsqu’il avait fallu départager Ariel Sharon et Benyamin Netanyahou– en dit long sur l’état de déliquescence dans lequel se trouve la grande formation de droite. Et cela d’autant plus que les résultats définitifs de ce scrutin interne, auquel étaient invités à participer quelque 130 000 militants, semblent avoir consacré un glissement vers l’extrême droite. Ainsi, le faucon Benyamin Netanyahou –qui avait claqué la porte du gouvernement quinze jours avant le retrait de la bande de Gaza– a aisément remporté ces primaires avec 44% des suffrages exprimés. Son plus proche rival, le chef de la diplomatie Sylvan Shalom –considéré comme un modéré– n’obtient lui que 33% des voix tandis que Moshe Feiglin, le dirigeant de la fraction d'extrême droite du parti, opère un bond spectaculaire avec 15%.

La victoire de celui que les Israéliens ont surnommé Bibi, mais surtout la percée de l’aile Feiglin, ont donné du Likoud l’image d’un parti radical qui risque de lui coûter très cher en l’écartant du centre de l’échiquier politique où se jouent toutes les élections israéliennes. Et le discours offensif de Benyamin Netanyahou, tribun hors pair, à l’annonce des résultats des primaires pourrait bien ne rester qu’un vœu pieux. «Je suis venu ici cette nuit pour vous dire que cette nuit le Likoud amorce son retour à la direction des affaires du pays», a-t-il lancé à ces partisans dans une ambiance survoltée avant de tendre la main à son rival Sylvan Shalom qui, quelques minutes auparavant, l’avait assuré de son soutien au sein du parti. Les deux hommes s’étaient pourtant violemment affrontés au cours de la brève campagne qui a précédé les primaires au point où certains analystes avaient parié sur un départ du Likoud du chef de la diplomatie en cas de défaite. Bibi avait en effet ouvertement accusé son plus sérieux rival –un modéré jusque-là proche d’Ariel Sharon– de vouloir faire du Likoud une succursale de Kadima. Quand à Sylvan Shalom, il avait lui appuyé là où ça fait mal, en laissant entendre que de nombreux électeurs traditionnels du Likoud ne voteraient plus pour ce parti si Netanyahou en prenait la tête à cause notamment des «dégâts sociaux» provoqués par sa politique économique ultra-libérale lorsqu’il était ministre des Finances.

Vers la mort d’un grand parti ?

Mais si la hache de guerre est officiellement enterrée, les deux hommes ont bien conscience qu’ils héritent d’un parti malade, qui a visiblement du mal à convaincre les électeurs à moins de trois mois des législatives. Les derniers sondages donnent en effet le Likoud loin derrière Kadima, le nouveau parti centriste d’Ariel Sharon, et derrière le parti travailliste, en pleine mutation depuis la désignation à sa tête d’Amir Peretz, l’ancien patron de la puissante centrale syndicale Histadrout. L’attaque cérébrale mineure dont a été victime dimanche soir le Premier ministre n’a, en outre, semble-t-il pas atteint la confiance que lui portent les Israéliens. Ariel Sharon paraît au contraire bénéficier d’un grand élan de sympathie qui pour le moment se reporte sur son mouvement. Une enquête publiée mardi par le quotidien Maariv crédite ainsi Kadima de 42 sièges à la Knesset, l’une des prévisions les plus fortes depuis la création de ce parti. Toujours selon ce sondage, le parti travailliste bénéficierait de 22 mandats alors que le Likoud de Benyamin Netanyahou n’obtiendrait que 13 députés.

Plus intéressant encore, l’étude du Maariv révèle que même en cas de retrait de la vie politique d’Ariel Sharon, son nouveau parti continuerait d’avoir le soutien des électeurs. Avec à sa tête l’actuelle ministre de la Justice, Tzipi Livni, Kadima remporterait ainsi une trentaine de sièges à la Knesset et sous la direction du vice-Premier ministre Ehoud Olmert –un fidèle du chef du gouvernement– le parti obtiendrait 26 élus. Si elles se confirment ces estimations risquent de porter un mauvais coup au Likoud condamné à voir ces électeurs rejoindre un parti qui a moins d’un mois d’existence. A en croire en tous cas le quotidien Haaretz, l’hémorragie qui frappe le grand parti de la droite israélienne n’est pas près de s’arrêter. «Les électeurs du Likoud qui songeaient à déserter pour rejoindre Kadima vont le faire d'ici un jour ou deux, écrit l’un de ses éditorialistes. Certes ceux qui avaient trouvé refuge au Parti national religieux ou à l'Union nationale –deux formations d'extrême droite– vont envisager de revenir au Likoud. Mais en définitive, cela n'améliorera pas la tenue du Likoud. Avec un tel effet Feiglin, il est condamné à rester un parti de taille moyenne, quelque part entre les travaillistes et le Shas», le parti orthodoxe séfarade.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/12/2005 Dernière mise à jour le 20/12/2005 à 18:18 TU