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Liban – Syrie

La bombe Khaddam

Les déclarations de l'ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam donnent un coup d’accélérateur à l’enquête de l'ONU.(Photo: AFP)
Les déclarations de l'ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam donnent un coup d’accélérateur à l’enquête de l'ONU.
(Photo: AFP)
Les déclarations du vice-président syrien démissionnaire, Abdel Halim Khaddam, sur les menaces proférées par le président syrien, Bachar el-Assad, contre le Premier ministre libanais assassiné, Rafic Hariri, ont relancé l’enquête sur l’assassinat de ce dernier. Déjà, la commission internationale a demandé à rencontrer le président Bachar el-Assad et son ministre des Affaires étrangères Farouk Chareh.

De notre correspondant à Beyrouth

L’onde de choc des déclarations fracassantes du vice-président syrien démissionnaire n’a pas fini de se faire sentir à Damas et à Beyrouth. La première conséquence des révélations d’Abdel Halim Khaddam, selon lesquelles le chef de l’État syrien Bachar el-Assad aurait proféré des menaces contre Rafic Hariri, a été de relancer l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais. La porte-parole de la commission internationale, Nasrat Hassan, a affirmé que les enquêteurs de l’ONU souhaitaient rencontrer le président Assad et son ministre des Affaires étrangères, Farouk Chareh «ainsi que d’autres Syriens». Elle a ajouté que la commission onusienne voulait également entendre Khaddam, qui vit à Paris depuis juin dernier, après avoir été progressivement écarté du pouvoir, au lendemain de l’accession de Bachar el-Assad à la présidence, en juin 2000.

La commission avait déjà exprimé en vain son souhait de rencontrer Chareh qu’elle accuse d’avoir menti sur «les relations tendues» entre Hariri et la direction syrienne. L’enquête faisait du surplace depuis octobre dernier après que l’un des principaux témoins à charge, Houssam Houssam, se fut rétracté à Damas, et qu’un autre, Mohammed Zouhair Siddiq, dont le témoignage a été jugé peu crédible, eut été arrêté à Paris.

« La liquidation d’Hariri avait été discutée »

Abdel Halim Khaddam avait fait exploser une véritable bombe politique en prononçant un réquisitoire contre le régime dont il avait été un des principaux piliers de 1970 jusqu’en juin 2005. Dans une interview à la chaîne de télévision al-Arabiya (dont les propriétaires sont Saoudiens), enregistrée et diffusée à la hâte (les erreurs de montage étaient nombreuses), Khaddam a dénoncé «le manque de liberté, la corruption et l’absence de volonté de réforme chez la direction syrienne». Plus grave encore, l’ancien compagnon de route de l’ancien président syrien défunt Hafez el-Assad a révélé que Bachar el-Assad, son fils, lui avait dit en personne qu’il avait été «très, très dur avec Rafic Hariri». «Quelques mois avant la prorogation du mandat du président Émile Lahoud (en septembre 2004), Assad a menacé Hariri qu’il anéantirait tous ceux qui refuseraient sa décision concernant l’élection présidentielle au Liban», a dit Khaddam.

L’ancien vice-président syrien n’a pas exclu que son pays soit impliqué dans l’assassinat d’Hariri. Tout en affirmant qu’il fallait attendre la fin de l’enquête internationale, il a déclaré que «les service de sécurité (syriens) ne pouvaient pas décider de l’assassinat unilatéralement» sans avoir obtenu, au préalable, le feu vert de la plus haute autorité politique. Lié d’amitié à Rafic Hariri et chargé de la gestion du dossier libanais jusqu’en 2000, Khaddam a cependant nié les informations selon lesquelles «la liquidation d’Hariri avait été discutée lors d’une réunion de six hauts responsables syriens dont lui-même».

Les déclarations de Khaddam donnent un coup d’accélérateur à l’enquête dirigée par le magistrat allemand Detlev Mehlis, à qui doit succéder, mi-janvier, le belge Serge Brammertz. Mehlis avait conclu dans deux rapports d'étape à l'implication de responsables syriens et libanais dans l'assassinat de Rafic Hariri. Les noms de Maher el-Assad et Assef Chawkat, respectivement frère et beau-frère du président syrien, sont cités dans une version confidentielle du rapport distribué en octobre aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU.

« Traître à sa patrie »

Au lendemain des révélations fracassantes de Khaddam, Damas a accusé l’ancien vice-président de corruption et annoncé l'ouverture d'une enquête pour haute trahison. Le parti Baas au pouvoir a par ailleurs décidé d'exclure Khaddam de ses rangs. «Il a trahi le parti, la patrie et la Nation. Ses calomnies et ses mensonges violent les principes nationaux et patriotiques», a indiqué la direction du parti dans un communiqué.

Certains observateurs voient dans le geste de l’ancien vice-président une volonté de «se venger de Bachar el-Assad qui l’a écarté des cercles du pouvoir». D’autres pensent que l’ex-numéro 2 du régime veut se présenter en alternative au président Assad si ce dernier venait à être renversé. Une chose est certaine: la dissidence de Khaddam porte un nouveau coup dur au régime syrien déjà soumis à de fortes pressions internationales.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 02/01/2006 Dernière mise à jour le 02/01/2006 à 18:45 TU