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Violences dans un train : la sécurité en débat

Les principales violences perpétrées dans le train Nice-Lyon ont eu lieu avant l'arrivée à la gare des Arcs.(Photo : AFP)
Les principales violences perpétrées dans le train Nice-Lyon ont eu lieu avant l'arrivée à la gare des Arcs.
(Photo : AFP)
L’affaire du train Nice-Lyon dans lequel des jeunes se sont livrés à des violences le 1er janvier a ramené la sécurité au cœur du débat politique. Le retard avec lequel les faits ont été rendus publics et l’absence de surveillance efficace dans le train pour éviter des débordements de cette nature ont été vivement critiqués. Dans un contexte marqué par les émeutes dans les cités de banlieues au mois de novembre, ces violences ont donné l’occasion d’un nouvel affrontement entre gauche et droite sur la question sensible de la lutte contre la délinquance des jeunes.

La nouvelle année n’a pas vraiment débuté dans la joie et la bonne humeur pour les passagers qui ont pris le train Nice-Lyon le dimanche 1er janvier à 7h00 du matin. Pas question pour eux de somnoler tranquillement jusqu’à leur destination. Des bandes de jeunes (dont on ignore le nombre) qui se trouvaient dans la rame se sont livrées à des actes de vandalisme et des agressions durant le trajet. Des vols de portables, d’argent, de chéquiers, des dégradations dans les wagons ont eu lieu. Mais surtout plusieurs personnes ont été agressées. Parmi elles, au moins une jeune fille de 20 ans a été victime d’attouchements à caractère sexuel. Elle a raconté ce qu’elle avait vécu encerclée par un groupe, touchée par l’un des ses membres : «Il me touchait les seins, les fesses… Ils me pinçaient, m’insultaient : ‘Est-ce que tu suces ? Suce-moi. Si tu continues, je te tue.’ J’avais peur».

Pourtant quatre agents de la sécurité ferroviaire étaient dans la rame au départ de Nice. Mais ils ont estimé que le trajet se déroulait sans encombre et sont descendus à Saint-Raphaël. Mal leur en a pris puisque les choses ont vite dégénéré. Tant et si bien que les contrôleurs ont prévenu les gendarmes qui se sont présentés à la gare des Arcs pour rétablir l’ordre. Ils sont intervenus et ont interpellé trois personnes dont un mineur. Le train est ensuite reparti. Mais le calme était précaire et d’autres violences ont été commises. Les jeunes ont d’ailleurs préféré tirer la sonnette d’alarme avant l’arrivée à Marseille où ils savaient bien que des policiers les attendraient.

Etablir les responsabilités

Au final, seules trois plaintes ont été déposées par les passagers. Celle de la jeune fille victime d’attouchements et celle d’un couple dépouillé, brutalisé et insulté. La SNCF a pour sa part porté plainte pour vandalisme. Mais l’affaire n’a pas été immédiatement rendue publique. La SNCF a expliqué qu’elle n’avait rien voulu cacher mais essayait de reconstituer les faits et de recueillir des témoignages. Il est vrai que cette affaire n’est pas très bonne pour son image. D’autant que la responsabilité de la compagnie de chemins de fer a été directement mise en cause. Les jeunes qui se sont livrés à des violences avaient bénéficié d’une opération de promotion destinée à baisser le prix des billets (1,20 euro) le 31 décembre et le 1er janvier, de manière à permettre à tous de se déplacer pour le réveillon. Et les syndicats de cheminots (SUD-Rail et CGT) ont estimé que les mesures de surveillance nécessaires pour accompagner cette opération en assurant la sécurité des passagers et des personnels n’avaient pas été prises, alors que l’expérience des années précédentes aurait dû inciter à plus de prudence.

C’est aussi dans ce sens qu’est allé Nicolas Sarkozy. Le ministre de l’Intérieur a, en effet, regretté l’absence de communication de la SNCF qui n’a pas prévenu la gendarmerie et la police de l’opération qu’elle menait. Il a aussi tenté de rebondir en intervenant à la télévision pour annoncer son intention de généraliser la police ferroviaire, qui existe en Ile-de-France, et de mettre 1 000 à 1 500 hommes à sa disposition. Il a encore reçu les victimes du train qui ont porté plainte et le président de la SNCF pour étudier avec lui toutes les dispositions opérationnelles nécessaires. Et de trancher : «Il y a eu beaucoup de confusion, il ne sert à rien de polémiquer, et il n’y a qu’une chose à dire, c’est inacceptable». Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs demandé une enquête pour établir les responsabilités et une information judiciaire contre X pour vols et menaces a été ouverte. Même son de cloche pour le président de la République. Jacques Chirac a saisi l’occasion des vœux pour condamner ces violences et demander que les coupables soient punis.

«Un silence assourdissant»

Reste que ces réactions tardives n’ont pas convaincu l’opposition qui a été prompte à critiquer l’imprévoyance du gouvernement qui avait pourtant annoncé la mise en œuvre d’un dispositif sécuritaire renforcé pour le réveillon du Nouvel An et avait dressé un bilan plutôt positif de la situation au 1er janvier. De là à esquisser une accusation de dissimulation… Le Parti socialiste a insisté sur ce point en publiant un communiqué dans lequel il dénonce «le silence assourdissant» du ministre de l’Intérieur devant des «faits d’une exceptionnelle gravité datant de dimanche […] révélés trois jours après». Et son Premier secrétaire a enfoncé le clou en s’étonnant de l’incapacité de Nicolas Sarkozy à «donner des explications transparentes» et en lui reprochant de vouloir faire «reposer sur la SNCF une responsabilité qui n’est pas la sienne». Quant à Jacques Chirac, François Hollande lui a rappelé sans ménagement que l’on n’attendait pas de lui de belles paroles mais des actes : «Faut-il lui rappeler que son rôle n’est pas celui d’une autorité morale faite de compassion, de dénonciation ou de regrets, mais qu’il a fait campagne en 2002 sur l’insécurité et qu’il en est aujourd’hui à dresser des constats d’impuissance». Aux attaques des socialistes sont venues s’ajouter celles de l’extrême-droite pour laquelle le thème de la sécurité est un fond de commerce. Jean-Marie Le Pen a dénoncé «l’impuissance des forces de l’ordre, tétanisées par les menaces que fait peser sur la légitime défense la magistrature gauchiste».

Après les violences perpétrées par des jeunes des cités de banlieues pendant plusieurs semaines fin 2005, cette affaire prend une résonance particulière. Elle vient ramener dans l’actualité le problème de la délinquance des jeunes issus de quartiers défavorisés. Elle rappelle aussi que malgré l’accalmie apparente, le problème reste entier et sera au cœur des batailles électorales à venir parce qu’il est au cœur des préoccupations des Français. Dans cette perspective, Nicolas Sarkozy semble décidé à rester leader sur le thème de la répression. Il a estimé que la question des moyens disponibles pour lutter contre la délinquance des mineurs devait être posée rapidement. De son point de vue, l’ordonnance du 2 février 1945 qui prévoit pour eux un régime spécifique de sanctions n’est plus adaptée à la situation. «On n’est pas mineur aujourd’hui en 2006 comme on l’était en 1945 et quand on est mineur et qu’on fait des choses graves, on doit pouvoir être puni et condamné». Le débat est lancé.


par Valérie  Gas

Article publié le 06/01/2006 Dernière mise à jour le 06/01/2006 à 19:55 TU