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Afghanistan

Au rythme des attentats-suicide

L'attentat-suicide du lundi 16 janvier, dans la ville de Spin Boldak, à la frontière du Pakistan, a tué plus de vingt personnes.(Photo : AFP)
L'attentat-suicide du lundi 16 janvier, dans la ville de Spin Boldak, à la frontière du Pakistan, a tué plus de vingt personnes.
(Photo : AFP)
Les rebelles de l’ancien régime des talibans ont encore frappé violemment dimanche et lundi dans la province de Kandahar au Sud du pays. Des kamikazes se sont fait sauter à la bombe tuant au moins 26 personnes et blessant près d’une quarantaine de personnes. Six attentats ont été perpétrés contre la province de Kandahar en moins de deux semaines. Ces attaques sont les pires qu’ait connu l’Afghanistan et les plus meurtrières depuis celle de juin et elles interviennent à quelque quinze jours de la tenue à Londres d'une conférence internationale sur l'avenir du pays.

Lundi après-midi dans la province de Spin Boldak située à la frontière afghano-pakistanaise. Un homme à l’allure apparemment anodine conduisant sa moto entre dans un bazar de la ville à une heure de forte affluence. Moins de deux minutes après son arrivée, il « s’est fait exploser dans le bazar », raconte Asadullah Khalid, le gouverneur de la province. Après la déflagration, le bilan enregistré est le plus lourd qu’ait connu ce pays depuis la chute fin 2001 du régime taliban. Vingt personnes sont tuées et vingt autres blessées. Contrairement aux attaques antérieures qui visaient exclusivement les soldats américains, afghans et l’OTAN celle de lundi n’a fait que des victimes civiles afghans. « Nous ne sommes pas plus attaqués qu'avant. Mais la stratégie a changé, avec plus de bombes », a déploré lundi le colonel Jim Yonts, porte-parole de  l'armée américaine, qui dirige une coalition de quelque 19 000 hommes.

 Attaques revendiquées par des mouvements proches d’Al-Qaïda

Quelques heures plus tôt à l’aide d’une voiture piégée, un autre kamikaze avait perpétré un premier attentat-suicide dans la ville de Kandahar, voisine de la province de Spin Boldak. « Un kamikaze s’est fait exploser près d’un véhicule de l’armée afghane dans la ville de Kandahar. Trois soldats ont été tués et quatre autres blessés », a expliqué Mohibul Rehman, un capitaine de l’armée afghane. La ville de Kandahar a la réputation d’être un des fiefs des rebelles et de quelques ex-dignitaires de l’ancien régime des talibans chassés du pouvoir par la coalition mise en place par les Américains après les attaques du 11-Septembre.

Dimanche dans la même ville « insoumise », un diplomate canadien Glyn Berry, 59 ans, et deux civils afghans avaient été tués au cours d’un attentat-suicide ainsi qu’une quinzaine de blessés dont deux soldats canadiens actuellement « dans un état critique », selon Ottawa.

Regrettant la mort du diplomate canadien, le président afghan, Hamid Karzaï a estimé lundi que ce dernier « a perdu la vie dans un combat, celui contre le terrorisme, qui est dans l’intérêt de tous, pas seulement des Afghans ». De leur côté, les rebelles de l’ancien régime des talibans soutenus pas Al-Qaïda ont revendiqué ces trois attentats.

« Une insurrection soutenue contre les croisés et les apostats »

En dépit d’une « rentrée » remarquée dans la démocratie avec l’ouverture le 19 décembre de la première session du premier Parlement démocratiquement élu depuis trente ans dans le pays, l’Afghanistan peine toutefois à se débarrasser des talibans et de leur soutien, la nébuleuse Al-Qaïda de Oussama ben Laden.

Certes « les Américains ont gagné la guerre classique contre les rebelles dans le sud en 2005, même s'ils ont essuyé des pertes. (Mais) aujourd'hui, c'est un autre combat qui commence, avec des rebelles qui mènent une guerre intelligente et ciblée, beaucoup plus compliquée pour nous »,  explique un cadre militaire de la force de l'Otan (Isaf) sous couvert d'anonymat.

Après avoir multiplié les attentats contre les forces gouvernementales et américaines en Afghanistan, l’Egyptien Ayman al Zaouahri, numéro deux d'Al-Qaïda est réapparu sur les écrans de télévision plus menaçant que jamais. De fait, dans un enregistrement audio diffusé en décembre sur la chaîne de télévision Al Arabiya, tout en rendant hommage aux talibans, il avait, sans équivoque, soutenu que : « nous menons une insurrection soutenue contre les croisés et les apostats » contre les Américains et le régime de Kaboul, invoquant le fait que « les musulmans (…) contrôlent encore de vastes portions de l’Est et du Sud de l’Afghanistan ».

Récemment, le général afghan Mohammed Daoud, ministre adjoint de la Lutte antidrogue, avait accusé les rebelles de l’ex-régime taliban d’encourager « les paysans à produire de l’opium par des déclarations et des tracts ». Sous la pression de la communauté internationale, l'Afghanistan, premier producteur mondial d’opium entend en 2006 « réduire à nouveau cette production, au minimum, de 40% et au maximum de 80% », selon Mohammed Daoud. Le pays a produit 4 100 tonnes d’opium en 2005, plus de 87% de la production mondiale.

Dans deux semaines une conférence sur l'avenir du pays à Londres

Accusé d'être impliqué dans la drogue, Al-Qaïda ne cesse pas de se montrer davantage menaçant dans les initiatives meutrières. Les déclarations en décembre de son numéro deux Ayman al Zaouahri ont galvanisé les mouvements proches de cette stucture terroriste, bien qu'avant cet appel, les rebelles étaient déjà passés à l'offensive.  

En juin, une bombe avait éclaté dans une mosquée de Kandahar faisant au moins dix-sept morts. Le kamikaze, habillé en tenue de policier, avait pénétré dans la salle de prière et s’était fait exploser en pleine cérémonie religieuse. Les fidèles qui ont été tués et blessés s’étaient rassemblés à la mosquée pour rendre un dernier hommage à un dignitaire religieux Maulvi Abdullah Fazaz, un proche du président Karzaï, assassiné par des groupes radicaux. Les rebelles proches des talibans avaient d’ailleurs revendiqué l’attentat et l’assassinat.

Pour Christian Willach, coordinateur de l'ONG Anso, spécialisée dans la sécurité « les rebelles n'ont plus les capacités d'affronter directement les forces internationales. Mais leur nouvelle stratégie a un autre avantage pour eux: les attentats-suicide, très médiatisés, qui suscitent l'attention. Or plus on parle d'eux, plus ils obtiennent des financements de groupes extrémistes et plus ils marquent les esprits occidentaux ».

Depuis juin, l’Afghanistan est confronté à une série d’attentats-suicide et ceux-ci se sont amplifiés ces dernières semaines et ont atteint le chiffre de soixante personnes tuées et des centaines de blessés, alors même que s’ouvre dans deux semaines (du 31 janvier au 1er février) à Londres une conférence de la communauté internationale sur l'avenir du pays.


par Muhamed Junior  Ouattara

Article publié le 17/01/2006 Dernière mise à jour le 18/01/2006 à 13:48 TU

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Auteur

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