Mettre un terme à la crise de la drogue en Afghanistan

Le Conseil de Senlis a été crée en 2002 pour devenir un espace d’échange de connaissances sur la toxicomanie. Réunissant des personnalités venant d’horizons divers, ce centre de réflexion sur la politique de la drogue, basé à Paris, s’est penché récemment sur le problème de la culture du pavot en Afghanistan.

Une étude scientifique sur la superproduction  de l’opium afghan, menée avec l’université de Kaboul, vient d’être publiée. Elle donne le feu vert au développement d’un système de licences pour la production légale et contrôlée de cette substance. L’opium réglementé sera utilisé pour produire des médicaments essentiels comme la morphine et la codéine. Ces produits dérivés pourront ensuite alléger la souffrance des populations des pays en voie de développement qui n’ont pas encore accès à ce type de médicament.

Les défenseurs de ce projet assurent que toutes les politiques d’éradication du pavot mises en œuvre en Afghanistan  ont échoué.  Par conséquent, le système de licences, qui soulagera le déficit mondial des médicaments contre la douleur, représente une opportunité unique de mettre un terme à la superproduction d’opium dans ce pays. En même temps, il permettra de donner un coup de fouet à son développement économique puisqu’il déplacera la culture du pavot du marché clandestin de la drogue vers l’économie légale. Dans les zones rurales, par exemple, il aidera les fermiers Afghans en les rendant économiquement indépendants.

Mais les experts sont sceptiques. Pour le spécialiste des problèmes de la drogue en Asie François Casanier, il ne représente pas une véritable solution. A ses yeux, «ce projet ressemble à un conte de fées parce qu’il supposerait que l’industrie pharmaceutique se transformerait tout d’un coup en industrie philanthropique, c’est-à-dire, qu’elle serait prête à produire à perte des quantités supérieures à celles que le marché peut absorber. Or, à l’heure actuelle, le marché des opiacés est parfaitement approvisionné».

Deuxième argument : «Ce projet voudrait dire aussi que les producteurs d’opium pharmaceutique seraient disposés à renoncer à leur production pour laisser la place aux producteurs afghans. Et qui empêcherait les producteurs afghans de fournir la future industrie pharmaceutique et de continuer à fournir les réseaux illégaux ? En réalité, le problème de la production d’opium en Afghanistan est l’absence de vrais substituts à la culture du pavot».

Reste à savoir si le gouvernement de Hamid Karzai aura la volonté politique de mettre le projet du Conseil de Senlis au centre de sa lutte contre la drogue en Afghanistan ou, au moins, d’en tenir compte.

par Any  Bourrier

[18/11/2005]