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Irak

Le juge de Saddam Hussein choisit la fermeté

Saddam Hussein s'est lancé dans une attaque en règle contre le tribunal, ce 29 janvier, le qualifiant «<i>d'américain</i>».(Photo: AFP)
Saddam Hussein s'est lancé dans une attaque en règle contre le tribunal, ce 29 janvier, le qualifiant «d'américain».
(Photo: AFP)
La huitième audience du procès de Saddam Hussein a été particulièrement mouvementée. Le nouveau juge désigné pour mener les débats, Raouf Rachid Abdel Rahmane, a fait preuve de fermeté et n’a pas accepté les dérapages verbaux dont l’ancien président et ses co-accusés sont coutumiers. Saddam Hussein a quitté la salle, tout comme les avocats de la défense, après l’expulsion de Barzan al-Tikriti, le demi-frère de l’ancien président et ancien chef des services de renseignement.

Changement de juge, changement de méthode. Avec Raouf Rachid Abdel Rahmane, il n’est plus question de laisser Saddam Hussein, ou l’un de ses 7 co-accusés, tenter de fixer les règles du jeu de leur procès. Le remplaçant de Rizkar Amine, critiqué pour son manque de fermeté vis-à-vis des accusés qui a fini par démissionner, n’a visiblement pas l’intention d’offrir l’opportunité à l’ancien président irakien de faire des discours politiques devant le tribunal. Il le lui a clairement fait comprendre lors de la huitième audience, première pour le nouveau juge, du procès où il est jugé pour le massacre de 148 villageois chiite en 1982.

Raouf Rachid Abdel Rahmane a donné le ton dès le départ lorsque Barzan al-Tikriti a pris la parole et s’est lancé dans une longue déclaration sur son état de santé. Le juge lui a indiqué qu’il allait examiner la situation et lui a demandé de se taire. Peine perdue. Abdel Rahmane a alors demandé aux huissiers de l’expulser. Ce qu’ils ont fait malgré les protestations des avocats de la défense qui ont donc décidé de quitter la salle. Le juge les a prévenus que s’ils partaient, ils ne pourraient pas assister aux prochaines audiences et a désigné des avocats commis d’office pour défendre les accusés.

«Je veux partir». «Alors partez».

Saddam Hussein est alors entré en jeu et a attaqué de front le juge qui ne s’est pas laissé décontenancer. Leurs échanges ont été particulièrement vifs. L’ancien président irakien a une nouvelle fois mis en cause la légitimité du tribunal : «C’est un tribunal américain». Abdel Rahmane lui a rétorqué : «C’est un tribunal irakien né d’une décision irakienne». Saddam Hussein a continué à protester et a affirmé que ses droits n’étaient pas respectés. Il a rejeté les avocats commis d’office à la suite du retrait de son équipe de défenseurs : «Je vous rejette. Si vous restez, vous êtes infâmes». Puis il a clamé : «Je veux partir». Ce à quoi le juge a répondu : «Alors, partez».

Saddam Hussein a alors essayé de reprendre l’initiative en déclarant : «C’est un tragédie ! Je vous ai gouverné pendant 35 ans, comment pouvez-vous me faire quitter le procès ? ». Abdel Rahmane ne lui a pas laissé la possibilité de poursuivre dans ce sens. Il a sèchement affirmé : «Je suis le juge, vous êtes l’accusé et vous devez m’obéir». Tout était dit pour cette fois. L’audience s’est poursuivie en l’absence des principaux accusés puisque Saddam Hussein parti, deux d’entre eux, Awad Ahmed al-Bandar, ancien juge du Tribunal révolutionnaire, et Taha Yassine Ramadan, ex-vice président, ont aussi décidé de quitter le tribunal.

Peut-on juger Saddam en Irak ?

La prochaine audience doit avoir lieu mercredi 1er février. Les avocats de la défense ont annoncé qu’ils n’y participeraient pas. Ils demandent des excuses du président pour l’expulsion de Barzan al-Tikriti. Mais surtout, ils ont affirmé que le procès devait être délocalisé pour pouvoir être mené de manière impartiale. Khalil Doulaïmi a ainsi expliqué : «Etant donné la partialité du tribunal en vue d’obtenir une rapide condamnation, nous exigeons que le procès soit transféré en dehors d’Irak pour mettre un terme à cette farce».

Dans ce débat sur la difficulté à assurer un jugement équitable à l’ex-dictateur irakien, la question des origines du juge risque de venir sur le tapis. Raouf Rachid Abdel Rahmane (65 ans) est, en effet, un Kurde originaire du village d’Halabja, où l’ancien régime irakien a réalisé, en 1988, des bombardements à l’arme chimique qui ont tué 5 000 personnes. 


par Valérie  Gas

Article publié le 29/01/2006 Dernière mise à jour le 29/01/2006 à 19:44 TU