Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis

Polémique sur de nouvelles photos d’Abou Ghraïb

Tout en condamnant les sévices commis dans la prison d’Abou Ghraïb, l’administration américaine a minimisé l’impact des nouvelles photos en déclarant qu’elles étaient anciennes.(Photo : AFP)
Tout en condamnant les sévices commis dans la prison d’Abou Ghraïb, l’administration américaine a minimisé l’impact des nouvelles photos en déclarant qu’elles étaient anciennes.
(Photo : AFP)
Après la chaîne australienne SBS, c’est le site américain Salon qui a publié de nouvelles photos illustrant les sévices auxquels les détenus de la prison d’Abou Ghraib ont été soumis en 2003. Cette nouvelle série de documents provoque l’embarras des autorités américaines et relance la polémique sur les responsabilités.

De notre correspondante aux Etats-Unis

Des détenus encagoulés dans des positions sexuelles, des hommes forcés à se masturber, un prisonnier gisant la tête dans son sang, des marques de brûlure : tandis qu’elles passaient régulièrement sur les télévisions satellite du monde musulman, aucun des grands quotidiens américains n’avait repris hier les nouvelles photos des abus commis en 2003 à la prison d’Abou Ghraïb en Irak que la chaîne de télévision australienne SBS avait diffusées mercredi sans en dévoiler la source.

Sans surprise, le gouvernement américain a fait savoir qu’il désapprouvait leur publication. Un porte-parole du département d’Etat a admis que «les photos montrent une conduite absolument dégoûtante» de soldats américains, mais qu’elles n’apportent rien de plus à ce qui est déjà connu des violences commises à Abou Ghraib. «C’est pourtant malheureux que les photos continuent à sortir parce que ça nourrit les flammes à un moment où les sentiments sur ces sujets sont à vif à travers le monde.» Dans un communiqué, le Pentagone souligne que ces images «ne faisaient pas partie d’un processus d’interrogation légal et autorisé, mais d’incidents isolés non autorisés.»

Les photos de Salon

Le lendemain, après la diffusion des photos dans l’émission australienne «Dateline», c’était au tour du magazine «en ligne» américain Salon de présenter 18 clichés des abus sur son site. Parmi ceux-ci des traces de sang dans des couloirs, un détenu la tête couverte d’un sous-vêtement, d’autres humiliations sexuelles. Le journal Internet affirme avoir eu accès, via un membre de l’armée autrefois affecté à Abou Ghraïb, à plus d’un millier de photos, vidéos et documents illustrant les sévices commis en 2003 dans la célèbre prison.

Le Washington Post, premier journal à avoir, en même temps que l’émission «60 Minutes», révélé le scandale en avril 2004 a reconnu avoir ces photos et des centaines d’autres en sa possession. A l’époque du scandale, le rédacteur en chef du Washington Post avait expliqué n’en avoir publié que quelques-unes en disant sur le site du journal que «beaucoup de ces images sont si choquantes et de si mauvais goût» qu’elles ne sont «pas publiables dans notre quotidien ou sur notre site.» Il s’en tient à cette décision.

Toujours pas d’enquête indépendante

Le magazine Salon a justifié sa décision autrement : c’est justement parce que la publication des photos n’a été suivie que de l’inculpation de quelques soldats du bas de l’échelle plutôt que d’une véritable enquête menée par une commission indépendante que la rédaction a voulu montrer l’ampleur des violences et humiliations. «Abou Ghraïb a symbolisé l’échec d’une société démocratique à enquêter sur des abus bien documentés commis par ses soldats.» Ou, comme l’a déclaré le représentant d’Amnesty International aux Etats-Unis, «les poursuites de personnel militaire de premier rang donnent l’impression que ceux qui sont en première ligne sont les boucs émissaires d’une politique établie au sommet.»

Ces photos ont été exposées alors que des groupes de défense de droits de l’Homme, l’association des droits civiques ACLU, et des médias comme la chaîne ABC sont engagés depuis dans un bras de fer juridique avec le département de la Défense pour avoir accès à l’ensemble des images et documents. Le Pentagone a toujours refusé, invoquant d’abord le droit des prisonniers à la protection de leur vie privée, puis le risque de mettre en danger les troupes américaines en Irak. En septembre, un juge a accordé l’accès à ces photos à l’ACLU. Mais, au nom d’une procédure d’appel en cours, le Pentagone ne les a toujours pas communiquées.


par Guillemette  Faure

Article publié le 17/02/2006 Dernière mise à jour le 17/02/2006 à 08:20 TU