Droits de l’Homme
Washington épinglé pour son bilan désastreux
Ce que condamne avant tout avec vigueur Human Rights Watch, c’est la légèreté avec laquelle l’administration Bush a traité le scandale des sévices infligés aux détenus irakiens de la prison d’Abou Ghraïb alors qu’il s’agit selon elle de l’un des plus flagrants exemples de violation des droits de l’Homme en 2004. L’organisation basée à New York estime en effet que «lorsqu’un gouvernement aussi dominant et influent que celui des Etats-Unis défie ouvertement le droit international humanitaire et cherche à justifier ses actes, il met à mal ce droit et invite d’autres nations à faire de même». Human Rights Watch reconnaît certes que le bilan américain en matière de promotion des droits de l’Homme a toujours été très «mitigé» –Washington admonestait certains pays et fermait parallèlement les yeux sur les abus commis par d’autres nations–, mais malgré cette versatilité, les administrations qui se sont succédé ont tout de même joué au cours de l’histoire un rôle clé dans la défense des droits.
Or ce rôle est aujourd’hui plus que jamais remis en question, estime l’organisation qui juge essentiel pour l’avenir des droits de l’Homme que les Etats-Unis rectifient le tir en faisant notamment toute la lumière sur les affaires de tortures. Human Rights Watch, qui ne revient pas en détail sur les événements d’Abou Ghraïb auxquels elle a déjà consacré en juin une étude montrant que les cas de mauvais traitements étaient loin d’être des bavures mais bien le résultat d’une politique délibérée, demande ainsi à l’administration Bush de nommer un procureur spécial chargé de mener une enquête approfondie et de poursuivre en justice tous les responsables des tortures et mauvais traitements en Irak, en Afghanistan ou à Guantanamo. «Le gouvernement américain est de moins en moins capable de faire pression pour que la justice soit respectée à l’étranger car il n’est pas lui-même disposé à ce que justice soit faite aux Etats-Unis», déplore l’organisation.
Guantanamo et ses 550 prisonniers
Human Rights Watch rappelle à ce sujet que les différentes actions menées par l’administration dans le cadre de sa «guerre contre le terrorisme» ont largement contribué au sentiment d’impunité qui règne désormais dans plusieurs pays. Elle cite notamment le cas de l’Egypte qui a reconduit sa «loi d’urgence» en prenant pour justification la législation antiterroriste américaine. En Malaisie, le gouvernement n’hésite pas à légitimer les détentions sans procès en invoquant la situation à Guantanamo et la Russie n’a aucun scrupule à utiliser la stratégie américaine concernant Abou Ghraïb pour rejeter la seule responsabilité des abus commis en Tchétchénie sur des militaires subalternes.
Le rapport de l’organisation américaine fait également le point sur la situation des 550 prisonniers de la base de Guantanamo sur l’île de Cuba, qui pour certains sont incarcérés depuis trois ans sans qu’aucun droit ne leur soit reconnu. Human Rights Watch rappelle à ce sujet que la Cour suprême des Etats-Unis avait autorisé en juin dernier ces détenus à porter plainte devant les tribunaux ordinaires américains pour détention abusive. Or, déplore-t-elle, l’administration Bush a institué des tribunaux militaires spéciaux dans la seule mission est de confirmer la légalité de leur incarcération. «Ce contrôle ne repose sur aucune base légale nationale ou internationale et il a pour seul but de justifier la détention de personnes, qui en l’absence de preuves, auraient du être libérées dès la fin des hostilités entre les Etats-Unis et le gouvernement taliban en 2002», note l’organisation.
La publication du rapport de Human Rights Watch, spécialement critique à l’égard de l’administration Bush, intervient alors que la Maison Blanche vient de reconnaître avoir demandé au Congrès d’abandonner un projet de loi visant à limiter le recours aux méthodes musclées d’interrogatoire des services de renseignement. Le texte, qui interdisait notamment aux agents américains l’usage de la torture ou de traitements inhumains et imposait à la CIA et au Pentagone de remettre au Congrès un rapport sur leurs méthodes, avait pourtant été adopté par le Sénat par 96 voix contre 2. Mais dans une lettre adressée aux parlementaires en octobre, la Maison Blanche avait fait part de son opposition au projet de loi entraînant son abandon. Le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan, a cependant tenu à préciser que George Bush avait clairement fait part à cette occasion de son opposition à la torture quelles que soient les circonstances. «Nous disons clairement que nous n’excusons pas la torture. Le président n’autorisera jamais la torture et cela s’applique à tout le monde», a-t-il même insisté.
par Mounia Daoudi
Article publié le 14/01/2005 Dernière mise à jour le 14/01/2005 à 17:45 TU