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Etats-Unis

Irak-Afghanistan: des sévices comme méthode

Selon un rapport de l’armée, les mauvais traitements et les sévices auraient été généralisés dans les prisons sous contrôle américain. 

		(Photo : AFP)
Selon un rapport de l’armée, les mauvais traitements et les sévices auraient été généralisés dans les prisons sous contrôle américain.
(Photo : AFP)
Un rapport interne de l’armée américaine met en cause, selon le New York Times, les méthodes d’interrogatoire employées dans les camps de détention aussi bien en Irak qu’en Afghanistan. Ce document accrédite la thèse selon laquelle les mauvais traitements et les sévices dont ont fait l’objet les détenus de la prison d’Abou Ghraib, près de Bagdad, auraient en fait été généralisés. Contrairement à ce que prétendent les hauts gradés de l’armée américaine et le président Bush lui-même.
George W. Bush a beau déclarer que les sévices perpétrés sur les prisonniers de la prison d’Abou Ghraib en Irak sont le fait de quelques mauvais éléments «qui ont déshonoré notre pays et méprisé nos valeurs», un rapport interne de l’armée semble lui donner tort. Ce document, dont le New York Times a publié des extraits, a été rédigé par la direction des investigations criminelles de l’US Army. Et il indique que des sévices identiques ont été commis sur des prisonniers en Irak mais aussi en Afghanistan. Il affirme aussi que ces pratiques ne sont pas récentes. En Irak, des mauvais traitements ont eu lieu dès avril 2003. Ces informations rendent la thèse des dérapages isolés de moins en moins crédible.

Les enquêteurs de l’armée ont fait le point sur 36 affaires parmi lesquelles figurent neuf homicides suspects de prisonniers des soldats américains dans les deux pays concernés, depuis la fin de l’année 2002. Mais il y aurait eu, en tout, 37 cas de détenus décédés dans ces prisons pour lesquels l’armée a décidé de ne pas procéder à des autopsies. Le rapport met directement en cause les membres d’une unité, le 519ème bataillon des renseignements militaires, qui auraient appliqué des méthodes d’interrogatoire basées sur l’humiliation et l’intimidation, aussi bien en Afghanistan qu’en Irak. Ils auraient notamment «contraints à l’asphyxie de nombreux prisonniers pour obtenir des informations» et seraient responsables de la mort d’un détenu en Irak, en avril 2004. Mais aussi d’au moins trois prisonniers dans la prison de Bagram, en Afghanistan, entre décembre 2002 et janvier 2003.

Des témoignages en cascade

Ce rapport vient une nouvelle fois ajouter de l’huile sur le feu dans une affaire déjà largement sujette à polémique. D’autant qu’un autre quotidien américain, le Washington Post, a publié le témoignage du colonel Thomas Pappas, chargé du renseignement dans la prison d’Abou Ghraib, qui corrobore ces informations. Selon lui, le général Geoffrey Miller, qui dirige actuellement cet établissement pénitentiaire de Bagdad, aurait personnellement recommandé l’utilisation des chiens pour intimider les prisonniers. Le général Miller, qui a été en poste dans le camp de Guantanamo Bay, aurait même précisé qu’il s’agissait de techniques éprouvées dans ce centre de détention «pour créer une atmosphère propice au recueil de renseignements auprès des détenus».

Geoffrey Miller a démenti ces informations. Tout comme le général Ricardo Sanchez, commandant des forces terrestres de la coalition en Irak, a récusé avant lui les accusations rendues publiques par le capitaine Robert Schuk, l’avocat de l’un des accusés dans l’affaire des sévices d’Abou Ghraib. Il a ainsi nié avoir été présent dans la prison lors de certains interrogatoires au cours desquels des exactions ont été commises. Il a déclaré accepter de porter la responsabilité du scandale provoqué par les mauvais traitements infligés aux prisonniers, mais a affirmé qu’il n’était pas au courant de la pratique de sévices dans l’établissement. Si Ricardo Sanchez a reçu le soutien du Pentagone et même du président Bush, qui l’a félicité pour le travail accompli en Irak, l’annonce de son remplacement prochain à la tête de la coalition sonne, dans un tel contexte, comme un désaveu. Même si le Pentagone a précisé qu’il s’agissait simplement d’une rotation normale après plus de 13 mois de mission en Irak.

Dans tous les cas, la position officielle des autorités américaines sur les responsabilités dans l’affaire des sévices dans les prisons contrôlées par leurs soldats, à savoir qu’il ne s’agit pas de pratiques recommandées par la hiérarchie mais de bavures limitées, risque d’être de plus en plus difficile à défendre. Surtout si les conclusions de la mission confiée au général Charles Jacoby, commandant adjoint des opérations à Bagram, vont dans le même sens que les précédents rapports. Ce militaire doit, en effet, procéder à une inspection des prisons sous contrôle américain en Afghanistan d’ici la mi-juin.



par Valérie  Gas

Article publié le 27/05/2004 Dernière mise à jour le 27/05/2004 à 16:10 TU