Etats-Unis
Irak-Afghanistan: des sévices comme méthode
(Photo : AFP)
Les enquêteurs de l’armée ont fait le point sur 36 affaires parmi lesquelles figurent neuf homicides suspects de prisonniers des soldats américains dans les deux pays concernés, depuis la fin de l’année 2002. Mais il y aurait eu, en tout, 37 cas de détenus décédés dans ces prisons pour lesquels l’armée a décidé de ne pas procéder à des autopsies. Le rapport met directement en cause les membres d’une unité, le 519ème bataillon des renseignements militaires, qui auraient appliqué des méthodes d’interrogatoire basées sur l’humiliation et l’intimidation, aussi bien en Afghanistan qu’en Irak. Ils auraient notamment «contraints à l’asphyxie de nombreux prisonniers pour obtenir des informations» et seraient responsables de la mort d’un détenu en Irak, en avril 2004. Mais aussi d’au moins trois prisonniers dans la prison de Bagram, en Afghanistan, entre décembre 2002 et janvier 2003.
Des témoignages en cascade
Ce rapport vient une nouvelle fois ajouter de l’huile sur le feu dans une affaire déjà largement sujette à polémique. D’autant qu’un autre quotidien américain, le Washington Post, a publié le témoignage du colonel Thomas Pappas, chargé du renseignement dans la prison d’Abou Ghraib, qui corrobore ces informations. Selon lui, le général Geoffrey Miller, qui dirige actuellement cet établissement pénitentiaire de Bagdad, aurait personnellement recommandé l’utilisation des chiens pour intimider les prisonniers. Le général Miller, qui a été en poste dans le camp de Guantanamo Bay, aurait même précisé qu’il s’agissait de techniques éprouvées dans ce centre de détention «pour créer une atmosphère propice au recueil de renseignements auprès des détenus».
Geoffrey Miller a démenti ces informations. Tout comme le général Ricardo Sanchez, commandant des forces terrestres de la coalition en Irak, a récusé avant lui les accusations rendues publiques par le capitaine Robert Schuk, l’avocat de l’un des accusés dans l’affaire des sévices d’Abou Ghraib. Il a ainsi nié avoir été présent dans la prison lors de certains interrogatoires au cours desquels des exactions ont été commises. Il a déclaré accepter de porter la responsabilité du scandale provoqué par les mauvais traitements infligés aux prisonniers, mais a affirmé qu’il n’était pas au courant de la pratique de sévices dans l’établissement. Si Ricardo Sanchez a reçu le soutien du Pentagone et même du président Bush, qui l’a félicité pour le travail accompli en Irak, l’annonce de son remplacement prochain à la tête de la coalition sonne, dans un tel contexte, comme un désaveu. Même si le Pentagone a précisé qu’il s’agissait simplement d’une rotation normale après plus de 13 mois de mission en Irak.
Dans tous les cas, la position officielle des autorités américaines sur les responsabilités dans l’affaire des sévices dans les prisons contrôlées par leurs soldats, à savoir qu’il ne s’agit pas de pratiques recommandées par la hiérarchie mais de bavures limitées, risque d’être de plus en plus difficile à défendre. Surtout si les conclusions de la mission confiée au général Charles Jacoby, commandant adjoint des opérations à Bagram, vont dans le même sens que les précédents rapports. Ce militaire doit, en effet, procéder à une inspection des prisons sous contrôle américain en Afghanistan d’ici la mi-juin.
par Valérie Gas
Article publié le 27/05/2004 Dernière mise à jour le 27/05/2004 à 16:10 TU