Irak
Dix ans de prison pour le caporal Graner
(Photo: AFP)
La justice militaire américaine n’a pas traîné. Huit jours après l’ouverture du procès du caporal Charles Graner, elle a condamné cet ancien réserviste de la 372ème compagnie de police militaire à dix ans de prison et l’a renvoyé de l’armée pour manquement à l’honneur. Charles Graner, qui s’est en outre vu confisquer ses soldes et sa pension, a accueilli la sentence sans la moindre émotion avant de quitter la salle du tribunal militaire de Ford Hood menotté et les fers aux pieds. La mère de l’ancien caporal, qui a assisté à tout le procès, a immédiatement demandé que les supérieurs de son fils soient également traduits devant la justice militaire. «Il a été puni pour quelque chose qu’on lui a demandé de faire», a-t-elle une nouvelle fois insisté. Selon elle, «ce sont les supérieurs qui devraient être devant le tribunal. Ils ont laissé les petit se faire punir pour eux mais en fin de compte la vérité finira par sortir».
Charles Graner est le quatrième soldat américain traduit devant la justice de son pays depuis que le scandale de la prison d’Abou Ghraïb a éclaté au printemps dernier. La publication de photographies de détenus maltraités par leurs geôliers avait profondément choqué l’opinion publique internationale mais aussi américaine. Ces images, qui ont très vite fait le tour du monde, montraient des prisonniers nus empilés les uns sur les autres pour former une pyramide humaine, d’autres terrorisés par des chiens, ou encore un homme tenu en laisse par une soldate. Sur plusieurs de ces clichés, le caporal Graner apparaît souriant, ce qui a largement contribué à étayer la thèse de l’accusation pour qui l’ancien gardien de prison est bien «un pervers sexuel». «C’est pour le jeu, pour rire. L’accusé est intelligent et l’instigateur de tout ce qui s’est passé à Abou Ghraïb. Tous cela tournait autour de leur sexualité dépravée et de leur humour. Serait-il amusant de forcer les prisonniers à se masturber ? Serait-il amusant de leur faire simuler une fellation ? Il ne s’agit pas de renseignement militaire !», a ainsi asséné le procureur Chris Graveline, mettant sérieusement à mal la défense qui soutenait de son côté que le caporal avait agi sur ordre de sa hiérarchie.
C’était la guerre !Les avocats de Charles Graner n’ont en effet jamais réussi à contester la thèse de l’armée américaine selon laquelle les mauvais traitements étaient la seule initiative d’une poignée de soldats isolés. Tout au long du procès leur client à été décrit comme une brute sadique est sans scrupule qui prenait plaisir à torturer et humilier les détenus. Une fois reconnu coupable, l’accusé à tenté de justifier ses actes. «Peut-être avez-vous oublié qu’une guerre était en train d’avoir lieu. Il y a toujours des choses pas belles qui se passent pendant les guerres», a-t-il affirmé. L’ancien caporal a également reconnu qu’il avait pu agir de façon «criminelle». «Je n’ai rien aimé de ce que j’ai fait là-bas. Beaucoup de choses étaient mauvaises, beaucoup étaient criminelles», a-t-il souligné.
Mais alors que les trois autres soldats qui ont comparu pour les mêmes faits ont tous plaidé coupables –ils ont été condamnés à des peines de prison allant jusqu’à huit ans–, Charles Graner, lui, n’a pas démordu du fait que ses supérieurs lui avaient bien ordonné d’infliger des sévices aux prisonniers. «Nous ne traitions pas les détenus comme nous étions censés le faire, je m’en suis donc plaint. Je n’ai jamais cessé de me plaindre», a-t-il expliqué. «Suivez les ordres, obtempérez !», lui aurait-on rétorqué. «Et comme tout soldats, bon ou mauvais, ont répondait ‘A vos ordres chef !’ et on y retournait», a jouté Graner.
Sans disculper l’accusé, certains témoignages ont tout de même laissé entendre que la chaîne de commandement savait ce qui se passait. C’est ainsi que le 16 novembre 2003, l’ancien caporal a reçu les félicitations d’un officier supérieur. «Vous faites un excellent travail. Vous avez reçu de nombreuses félicitations de la chaîne de commandement et particulièrement du lieutenant-colonel Jordan». Responsable des renseignements de la prison, le lieutenant-colonel Steve Jordan fait actuellement l’objet d’une enquête sur son comportement à Abou Ghraïb. Il pourrait lui aussi être poursuivi.
par Mounia Daoudi
Article publié le 16/01/2005 Dernière mise à jour le 16/01/2005 à 13:18 TU