France
Un Noir pour servir la grand-messe médiatique
(Photo : AFP)
Le signal est fort. C’est un journaliste noir, d’origine martiniquaise, Harry Roselmack, qui remplacera désormais le présentateur vedette du journal de 20h00 de la chaîne TF1 pendant ses congés d’été. La décision intervient dans le contexte des débats auxquels les émeutes dans les banlieues -à forte population originaire du Maghreb ou d’Afrique noire-, ont donné lieu fin 2005 : le président de la République, Jacques Chirac, avait réuni, il y a quelques semaines les présidents des chaînes de radios et de télés pour évoquer la question de la représentativité de la diversité française dans les médias. Le choix d’un journaliste de couleur, pour présenter le journal télé le plus consulté par les Français, ne passe pas inaperçu.
En apprenant la nouvelle, Amirouche Laïdi, président du Club Averroès (qui défend l’image des minorités dans les médias) a déclaré au nom des quelque 300 professionnels des médias qu’il réunit, dont une majorité de journalistes : « Nous sommes extrêmement contents (…) C’est une nouvelle pour nous qui fait l’effet d’une bombe ». De facto, jusqu’à présent, hormis Audrey Pulvar, également d’origine martiniquaise, qui officie sur la chaîne régionale France 3 pour le journal de 19h00, il n’y a pas d’autre journaliste de couleur pour présenter les journaux télévisés sur les principales chaînes. Amirouche Laïdi estime donc que cette nomination constitue « une sacrée avancée » qui va marquer « une victoire dans la normalisation ».
Plus nuancé, Jean-Luc Aplogan, chargé de mission pour diversité culturelle et l’intégration auprès du président de Radio France, Jean-Paul Cluzel, se montre quant à lui agacé par le tapage dans la presse : « Il est regrettable que l’on médiatise autant l’affaire. Il ne s’agit là que de la promotion normale d’un journaliste qui est bien apprécié pour ses compétences, et qui a le profil de l’emploi ». Harry Roselmack a quitté France Info en août 2005. Passé de la radio à la télé, il est reconnu pour son professionnalisme, sa télégénie et son aisance devant les caméras, et présente actuellement le journal de la mi-journée dans l’émission « Nous ne sommes pas des anges » sur Canal +, et « La grande édition », le grand journal de la chaîne entre 18h00 et 18h30, à i-Télé (la chaîne d’information en continu de Canal +).
« Radio France ouvre ses portes et ses micros »
Le ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, Azouz Begag, s’est réjoui de cette désignation, déclarant : « C’est un grand pas en avant pour la diversité de la société française », notamment dans les médias, « miroir vers lequel la société se tourne pour voir à quoi elle ressemble. (…) Les efforts en matière de diversité à l’antenne et dans les programmes demandés par le président de la République doivent se poursuivre ».
Jean-Luc Aplogan souligne pour sa part : « La mission du service public est de faire en sorte que tous les Français se reconnaissent et se retrouvent dans les récepteurs. A ce titre, Radio France ouvre ses portes et ses micros : autrement dit, en veillant à diversifier tant les effectifs que les programmes, nous ne faisons que remplir notre mission. Mais nous le faisons en avançant à petits pas : je veille à cette diversification en avançant bien, sans heurt et sans bruit. Radio France compte quelque 630 journalistes et la photographie sociale de nos rédactions est essentiellement blanche, mais cela change, j’y veille ».
Pour l’heure, Harry Roselmack ne peut pas assurer de manière effective le remplacement de Patrick Poivre d’Arvor : le journaliste avait signé « un contrat d’image exclusif avec le groupe Canal + », lui interdisant d’associer son image et de faire de l’antenne pour un autre média. Le contrat va jusqu’à fin août 2006. « Canal + n’a pas, pour le moment, reçu de demande de levée de cette clause de la part de TF1 », a ajouté le groupe.
par Dominique Raizon
Article publié le 07/03/2006 Dernière mise à jour le 07/03/2006 à 17:47 TU
