Tchad
N'Djamena menacée
Mongo, à 400 Km à l'est de N'Djamena, est tombée aux mains des rebelles mardi à 15 heures. De source militaire, recueillies mardi, des colonnes de rebelles faisaient route vers la capitale où une cellule de crise réunissant les responsables militaires tchadiens se tenait à la présidence de la république, mardi en fin d'après-midi. Le couvre-feu a été décrété pour les ressortissants français.
Depuis quelques jours les attaques de rebelles s'étaient multipliées, à l’Est et au Sud-est, sur plusieurs centaines de kilomètres de distance, élargissant dangereusement la zone de conflit potentielle. L’armée tchadienne avait envoyé des renforts un peu partout, dégarnissant certaines bases très militarisées, comme Adré. Le gouvernement tchadien continue d’accuser « les mercenaires » soutenus par le Soudan.
De notre correspondante à N’Djamena
(Carte : C. Wissing / RFI)
Dès lundi vers 16 heures, heure locale, les rebelles du Front uni pour le changement (FUC) avaient investi la localité de Koukou, à 50 Km au sud-est de Goz Beïda, non loin d’un camp de réfugiés, Goz Amir, peuplé de plus de 17 000 Soudanais du Darfour. Le personnel du Haut commissariat aux réfugiés avait été brièvement retenu sur place, et s’était fait délester de ses moyens de communication : radio et téléphone satellitaire. Un employé est tout de même parvenu à contacter sa base pour prévenir de l’attaque. A peine 24 heures après avoir pris la localité de Haraz Mangueigne, située près de la frontière centrafricaine, les rebelles du FUC, qui regroupe surtout les éléments de Mahamat Nour que N’Djamena accuse d’être soutenus par le Soudan, ont une nouvelle fois lancé l’assaut en territoire tchadien.
L’armée tchadienne, dont le gros des troupes était concentré à Adré depuis l’attaque du 18 décembre, s’est déplacée vers le Sud au cours de ces derniers jours, pour se rapprocher de Tissi, dans la région du Salamat, au carrefour des trois frontières du Tchad, de la République centrafricaine (RCA) et du Soudan. La région est fortement fragilisée depuis plusieurs mois. Le nord de la RCA en proie à des mouvements armés constitue une base de repli favorable pour les rebelles tchadiens. Les commerçants et les voyageurs avaient reçu depuis plusieurs jours le conseil de ne pas se déplacer dans la région du Salamat où se trouvent Am Timane et Haraz Mangueigne plus au Sud. Des renforts de l’Armée nationale tchadienne, mais également de la Légion de la gendarmerie de N’Djamena, ont été dépêchés de la région militaire du Kanem, de Moundou.
Lourdes pertes, nombreuses défections
« Le gros de l’armée est partie, estime un responsable militaire tchadien. Les attaques qui viennent d’un peu partout ébranle la défense du régime ». Depuis les combats à Moudeïna, il y a une semaine, l’armée a subi de lourdes pertes. De nombreux commandants de brigade ont été tués, mais surtout le chef d’état-major de l’armée de terre, Abakar Youssouf Itno, neveu du président et un des hommes clefs du régime. Après la tentative de pustch avortée du 16 mai 2004, il avait été écarté du poste de commandant de la Garde républicaine, la garde rapprochée du président. Puis était revenu sous les bons auspices du président, devenant un de ses plus fidèles alliés. Le président tchadien, en butte à de nombreuses défections à l’intérieur de son clan depuis octobre dernier, avec le départ des frères Erdimi, s’était en effet rapproché de la famille Itno au sein de son ethnie, les Bideyat, en rajoutant ce nom au sien. Un décret présidentiel il y a quelques semaines informait l’opinion qu’Idriss Déby s’appelait désormais Idriss Déby Itno. Mais la mort d’Abakar a porté un coup terrible à la famille, à l’armée, ainsi qu’au président lui-même. Après le nouveau coup d’Etat manqué du 15 mars dernier, certains responsables militaires arrêtés ont été relâchés pour permettre de ressouder certains éléments du clan encore favorables au régime.
La situation était restée confuse dans la journée de mardi, jusqu'à l'annonce de la chute de Mongo: des informations contradictoires et qui n’ont pas pu être recoupées, faisaient état de combat dans la région de Moudeyna, frontalière avec le Soudan. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a décidé de restreindre l’équipe sur la zone. Huit des neuf expatriés ont été récupérés par un avion des Nations unies dans la matinée, tandis que la majorité des organisations humanitaires s’étaient regroupés à Goz Beïda. Pour sa part, le gouvernement tchadien s’est fendu de plusieurs communiqués accusant une nouvelle fois les « mercenaires venus et soutenus par le Soudan » et affirmant que la situation était sous contrôle.
par Stéphanie Braquehais
Article publié le 11/04/2006 Dernière mise à jour le 11/04/2006 à 16:02 TU