Politique française
Ségolène Royal : la socialiste qui monte, qui monte
(Photo : AFP)
On ne l’a jamais vu aussi souriante. Ségolène Royal pourrait presque faire de la publicité pour les dentifrices tant elle affiche un sourire rayonnant à la Une des magazines ou dans les émissions de télévision. C’est vrai, en ce moment, elle n’a pas beaucoup de raisons de faire grise mine. Elle galope en tête des sondages de popularité depuis des semaines. Et dans les dernières enquêtes, elle a même franchi un cap : supplanter celui qui fait figure d’adversaire potentiel le plus sérieux à droite, Nicolas Sarkozy. Selon l’institut Ifop qui a interrogé les Français pour l’hebdomadaire Paris Match, elle emporterait le scrutin présidentiel par 52% des voix contre 47% au président de l’UMP (Union pour un mouvement populaire). Le sondage Ipsos publié par Le Point arrive à la même conclusion mais avec un score un peu plus serré : 51% contre 49%.
Du coup, elle a fini par accepter de dire sans tournicoter autour du pot qu’elle brigue bel et bien l’investiture à la candidature socialiste pour la présidentielle. Détendue et amusée, elle a concédé lors d’un «chat» organisé sur le site internet de la chaîne LCI, le 12 avril : «Voilà, c’est dit». La veille, elle avait déjà fait un pas vers la révélation de ce qui n’est une surprise pour personne en répondant à l’acteur Djamel Debbouze, lors d’une émission télévisée sur Canal +, qu’elle serait «probablement candidate… si ça reste comme ça».
Ségolène Royal en irrite plus d’un dans son camp
Alors maintenant, elle doit en effet tout faire pour que ça continue jusqu’au mois de novembre, date à laquelle les socialistes décideront quel héraut ils enverront dans la joute pour gagner l’Elysée. Et ça risque de se corser rapidement. Car Ségolène Royal en irrite plus d’un dans son camp. La preuve : de-ci, de-là, on commence à entendre des phrases pas très gentilles sur la présidente de la région Poitou-Charentes. Laurent Fabius, qui postule lui aussi à l’investiture socialiste, a affirmé : «Pour moi ce qui est important quand on brigue l’honneur de représenter les socialistes et la gauche, c’est d’avoir clairement une ligne de gauche». Une critique implicite des prises de positions récentes de Ségolène Royal sur les réussites du Premier ministre britannique libéral Tony Blair en matière de lutte contre le chômage des jeunes, par exemple. L’ancien Premier ministre a aussi rappelé la nécessité de choisir un candidat aguerri pour briguer l’Elysée : «Ce qui est important dans ce débat, ce n’est pas le caractère plus ou moins médiatique de tel ou tel, mais deux choses : l’expérience et les bases politiques des projets des futurs candidats». Martine Aubry, maire de Lille, a abondé dans son sens en déclarant : «J’ai toujours pensé que ce qui était le plus important c’était le projet». Jean Glavany a même carrément manifesté son agacement, estimant que les militants socialistes choisiront leur candidat en fonction des «idées» et «pas de la couverture de Paris Match» [où figurait Ségolène Royal la semaine dernière].
A droite, on a entendu des attaques sur le ton condescendant ou revanchard. Jean-Marie Le Pen, le leader du Front National, a réduit la députée des Deux-Sèvres au rang de «gadget» qui permet à un PS sans programme d’«exister politiquement». François Fillon, l’un des conseillers politiques de Nicolas Sarkozy, a lui dénoncé le «hiatus» qui existe entre l’image médiatique de Ségolène Royal et son attitude à l’Assemble nationale qu’il qualifie de «sectaire, dogmatique et extrêmement agressive». Et d’ajouter avec ironie : «On a l’impression qu’il y a Mrs Ségolène et docteur Royal». Même ton moqueur pour le sénateur UMP Josselin de Rohan : «Quand les socialistes deviennent royalistes, les chouans deviennent méfiants». Après une période où les personnalités de droite ont dispensé quelques amabilités sur elle, Nicolas Sarkozy en tête, l’heure semble être venue de commencer à égratigner celle qui pourrait bien devenir une adversaire plus dangereuse que prévu.
Elle mise sans complexe sur son image
Ségolène Royal a tout de même des amis. Jacques Attali, l’un des plus proches collaborateurs de François Mitterrand, s’est mis à sa disposition. Daniel Cohn-Bendit, l’un des leaders étudiants de Mai 68 reconverti en député européen des Verts, la soutient lui aussi. Et elle en cherche d’autres sans ménager sa peine. Elle multiplie les voyages (Chili, Italie, Autriche). Elle sillonne la province. Elle squatte les médias. Et elle utilise internet pour créer un lien avec les Français. Son site porte un nom poétique, désirs d’avenir . Elle y invite tous les internautes à débattre et donner leur avis sur les problèmes et l’avenir de la France. De ces participations, elle tirera «les idées réalisables». Mieux, Ségolène Royal lance un livre en ligne. Au fil des semaines, elle diffusera les chapitres de l’ouvrage sur lesquels les internautes pourront réagir avant sa publication à la rentrée.
Ségolène Royal n’a peut-être pas de programme mais elle a une stratégie politique et médiatique très au point. Présente et pimpante -elle porte ses 52 ans avec élégance et dynamisme-, elle mise sans complexe sur son image. Mais elle joue aussi la carte de la proximité et de l’écoute. A ceux qui parlent «pouvoir et expérience», elle tente de répondre «terrain et ouverture». Aux ambitions personnelles des uns et des autres, elle essaie d’opposer un élan populaire qui la porte presque malgré elle. Elle affirme que les soutiens qu’elle enregistre lui donnent «des devoirs» mais «aucun droit». Trop humble pour être naïve, pas assez fragile pour être laminée, trop déterminée pour abandonner, Ségolène Royal est une femme politique qui sait incontestablement ce qu’elle veut et où elle va.
par Valérie Gas
Article publié le 13/04/2006Dernière mise à jour le 13/04/2006 à TU