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Tchad

Situation «volatile» selon la France

(Carte : C.Wissing / RFI)
(Carte : C.Wissing / RFI)
Le président Idriss Deby affirme qu’il a anéanti les rebelles. En même temps, il accuse son pair soudanais, Omar al-Bachir, d’avoir violé l’accord de bon voisinage signé le 8 février dernier. C’est la preuve que le Soudan a «programmé la déstabilisation» du Tchad, affirme Idriss Deby qui voit la main de Khartoum derrière ceux qu’il qualifie de «mercenaires». En l’occurrence, il s’agit de la mouvance arabe de son opposition armée qui est organisée dans un Front uni pour le changement (FUC) dirigé par Mahamat Nour. Mais depuis novembre dernier, les dissidents zaghawa du régime Deby ne cessent de grossir les rangs d’un autre mouvement politico-militaire, le Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (SCUD). Le mois dernier, le président Deby avait annoncé tambour battant la défaite du SCUD dans les très durs affrontements d’Hadjer Marfaïn, à la frontière soudanaise. Jeudi matin, ce sont les troupes du FUC qui ont fait une percée à N’Djamena, à l’aube, livrant bataille jusqu’aux abords du palais de l’Assemblée nationale.

Jeudi, en début d’après-midi, le porte-parole du FUC en Europe, Abdel Manane Mahamat Khattat, accusait les troupes françaises d’avoir voulu freiner la spectaculaire progression des rebelles en pilonnant certaines de leurs positions. Selon Mahamat Khattat, les troupes du FUC auraient opéré un repli tactique, à une quarantaine de kilomètres de la capitale, le temps de préparer l’assaut final, affirme-t-il. Paris démentant toute implication militaire française dans les combat, Mahamat Khattat lui oppose le tir effectué mercredi par un Mirage français, à quelque 250 kilomètres de la capitale. Le porte-parole du ministère français de la Défense, Jean-François Bureau, a justifié cette action comme «un coup de semonce dans la zone où une colonne de rebelles tchadiens faisait route vers la capitaleun signal politique dans le cadre de la sécurité de nos ressortissants». Si les soldats français font des sommations, «c’est qu’ils sont impliqués», rétorque le porte-parole du FUC.


Abdel Maname Mahamat Khattat

Porte-parole du Front uni pour le changement en Europe

«Les troupes françaises qui sont à N'Djamena ont complétement pilonné nos positions (...) donc nous nous sommes un peu repliés pour entamer une autre stratégie pour attaquer la ville»


Partis des confins est du pays, les rebelles ont pu franchir des centaines de kilomètres sans être arrêtés par les loyalistes déployés le long de la frontière avec le Soudan, leur cordon de sécurité s’avérant peu étanche, surtout entre le Tchad et la Centrafrique. C’est en effet à la frontière centrafricaine, à Haraz Manguegne que le FUC a lancé l’offensive, le 9 avril, s’emparant le lendemain de la ville de Koukou, à une cinquantaine de kilomètres de Goz Beida. Ce jeudi 13 avril à l’aube, l’offensive était double.

Au petit matin, une colonne du FUC a attaqué la ville d’Adré, à 800 kilomètres à l’est de N’Djamena. Selon les dires rebelles, il s’agissait ensuite de bifurquer au nord en direction de la garnison d’Abéché, où sont stationnés quelque 200 hommes du dispositif français Epervier. Mais simultanément à l’attaque d’Adré, une autre colonne a fait une percée dans N’Djamena après avoir couvert sans encombres les quelque 400 kilomètres séparant la capitale de Mongo (à l’est, à mi-chemin d’Adré) où les rebelles avait donné l’assaut dès le 11 avril. Des témoins évoquent des cohortes de dizaines de véhicules fonçant sur la capitale, à l’instar d’Idriss Deby, quinze ans plus tôt.

Idriss Deby assure que c’est par pure tactique qu’il a laissé faire ces mouvements rebelles, dûment surveillés par l’aviation française. Il s’agissait d’un piège, dit-il, pour les attirer dans «leur tombeau», à N’Djamena, terrain visiblement mieux défendu que l’immense arrière-pays désertique. De son côté, le porte-parole du ministère français de la Défense, Jean-François Bureau, confirme que des rebelles se sont «à l'évidence infiltrés» dans la capitale. Mais selon lui, les combats de la matinée de jeudi «ne traduisent pas une action coordonnée d'unités organisées».

A propos des combattants entrés dans N’Djamena, Idriss Deby parle pour sa part d’«enfants perdus» dans une ville «qu’ils ne connaissent pas» et dont l’armée gouvernementale a passé les rues au peigne fin. Minimisant l’affaire, il assure qu’il n’a pas besoin de faire jouer l’accord de coopération militaire franco-tchadien. De son côté, Jean-François Bureau fait valoir qu’il faudrait pour cela que l’agression extérieure soit caractérisée.

Jean-François Bureau

Porte-parole du ministère français de la Défense

«La question d'un soutien en cas d'agression extérieure se poserait si celle-ci était effectivement établie»


«La situation au Tchad reste très préoccupante et évolutive», déclarait jeudi à la mi-journée le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi. De source gouvernementale, les ratissages se poursuivaient dans la ville d’Adré où des affrontements se sont poursuivis dans la journée de jeudi. Forte de sa demi-douzaine d’avions de chasse et de ses hélicoptères, la France revendique une mission de «renseignement» pour le gouvernement tchadien, dans le cadre de l’opération Epervier instaurée en 1986. Ses 1 200 militaires «prépositionnés» au Tchad viennent de recevoir le renfort d’une compagnie de 150 hommes basée au Gabon.

Des consignes de prudence ont été données aux quelque 1 500 ressortissants français du Tchad dont la majorité réside dans la capitale. Mais le vol Paris-N’Djamena de jeudi après-midi n’a pas été annulé. Le président Jacques Chirac a toutefois conseillé à Idriss Deby de saisir le Conseil de sécurité de l'Onu pour «rappeler le refus des coups de force». Pour sa part, Idriss Deby rejette toute idée de négociations avec les rebelles qui réclament l’ouverture d’un Forum national pour discuter de «l’avenir du Tchad». Pour Deby celui-ci est tout tracé, avec la présidentielle programmée début mai.

Dans ces conditions, Mahamat Nour, le chef du FUC assure que «Deby n’a plus qu’à faire ses bagages». Mahamat Nour était déjà rebelle et basé au Soudan au temps où Idriss Deby l’était aussi, à la fin des années quatre-vingt. Déçu par «la gestion de Deby», il y est retourné en 1994, «pour prendre les choses en mains» et refaire le chemin inverse, les armes à la main, jusque dans les rues de N’Djamena.

Témoignage d'un habitant d'Abena, quartier périphérique de N'Djamena

«Des enfants du quartier ont vu des militaires rebelles en Toyota, bien équipés»



Article publié le 13/04/2006 Dernière mise à jour le 13/04/2006 à 19:12 TU

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Idriss Déby Itno

Président tchadien, jeudi 13 avril vers 7h30

«Nous montrerons d'ici peu les preuves de l'implication du régime de Khartoum dans la programmation de la destabilisation du Tchad»

[13/04/2006]

Jean-François Bureau

Porte-parole du ministère français de la Défense

«La montée de la colonne de rebelles a conduit à ce tir de semonce destiné à manifester notre volonté et nos moyens de garantir la protection de nos ressortissants»

[13/04/2006]

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