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Népal

Katmandou encerclé par les manifestants

La mobilisation nationale contre le régime entame sa troisième semaine.(Photo : AFP)
La mobilisation nationale contre le régime entame sa troisième semaine.
(Photo : AFP)
Après une journée de manifestations massives jeudi, marquée par des violences entre policiers et manifestants, les partis d’opposition ont appelé la population à poursuivre la mobilisation contre le roi Gyanendra, dans la région de Katmandou. Afin de tuer dans l’oeuf le vent de protestation anti-monarchique, les autorités ont imposé vendredi un couvre-feu pour la deuxième journée consécutive.

De notre envoyé spécial à Katmandou

La ville de Katmandou fourmillait d’activité, vendredi matin, les habitants profitant d’une trêve de quelques heures pour faire leurs courses avant que les magasins ne ferment à nouveau. Les partis d’opposition ayant renouvelé leur appel à manifester massivement contre le régime du roi Gyanendra, les autorités ont en effet réimposé le couvre-feu dès neuf heures, jusqu’à huit heures du soir. Les forces de l’ordre ont toujours l’autorisation de tirer à vue sur les contrevenants, laissant craindre de nouvelles violences dans les environs de la capitale népalaise.

Jeudi, trois personnes au moins ont été tuées et des dizaines d’autres blessées, dans une banlieue ouest de la ville, lorsque la police a ouvert le feu sur une foule de plusieurs milliers de personnes qui tentait de traverser le périphérique. « La police a ouvert le feu de manière indiscriminée, a raconté Kundan Aryal, un militant des droits de l’Homme qui a aidé à transporter les blessés à l’hôpital. Ils ont utilisé des bâtons et ont tiré avec des balles réelles et des balles en caoutchouc ». Selon un témoin, certains officiers de l’armée auraient ensuite tenté d’empêcher une ambulance de passer, au motif qu’elle n’avait pas de laissez-passer pour le couvre-feu. Signe d’un durcissement de la situation, même les journalistes et les diplomates se sont vu refusé ce laissez-passer, y compris les représentants du Haut Commissariat pour les droits de l’Homme des Nations Unies, d’ordinaire autorisés à surveiller les manifestations.

Banlieues en révolte

Tandis que les habitants de la capitale étaient coincés chez eux tout au long de la journée en raison du couvre-feu, jeudi, les populations des banlieues sont, elles, sorties en masse, tout autour de la ville, pour réclamer le retour à la démocratie. Sur tous les grands axes qui desservent le périphérique, et qui se trouvent donc à l’extérieur du périmètre concerné par le couvre-feu, de véritables marées humaines défilaient au cri de « Vive la République ! A bas la Monarchie ! ». Dans le quartier de Naran Gopal Chowk, au nord, la foule était si nombreuse qu’on ne voyait pas la fin de la manifestation. Sur les trottoirs, les passants applaudissaient au passage du gigantesque cortège tandis que, sur les toits, ceux qui n’osaient pas descendre par crainte de violences jetaient des seaux d’eau aux manifestants pour les rafraîchir. « A bas le Palais féodal », pouvait-on lire sur un petit écriteau brandi au premier rang du défilé.

« Le roi doit partir, nous continuerons de manifester jusqu’à ce qu’il rende le pouvoir aux partis, affirmait Ravin Rizal, un étudiant de 20 ans. Nous sommes prêts à mourir pour la cause, alors s’ils veulent tirer, qu’ils le fassent, ils ne nous auront pas tous ». « Combien de temps va-t-il pouvoir réprimer le mouvement populaire ?, interrogeait pour sa part un employé de banque. Aucune monarchie n’a jamais survécu à une révolution comme celle que nous vivons depuis quinze jours ». Quelques minutes plus tard, les policiers anti-émeutes dispersaient la foule à coups de grenades lacrymogènes, après avoir eux-mêmes été visés par des pierres.

Toutefois, selon les journalistes locaux et les membres de plusieurs organisations des droits de l’Homme présents, les projectiles auraient été lancés par des représentants gouvernementaux infiltrés dans la foule pour provoquer les forces de l’ordre et justifier ainsi la répression.

Alors que la mobilisation nationale contre le régime entame sa troisième semaine, Gyanendra a quant à lui reçu hier l’émissaire spécial indien, Karan Singh, dépêché la veille par New Delhi, traditionnellement influente dans le petit royaume himalayen. En sortant de l’entretien, Singh, qui entretient d’excellentes relations avec la famille royale, a dit avoir « bon espoir que le roi fasse rapidement une annonce » susceptible d’aider
« considérablement à désamorcer  la situation...La balle est clairement dans (son) camp » a-t-il ajouté.


par Pierre  Prakash

Article publié le 21/04/2006 Dernière mise à jour le 21/04/2006 à 10:17 TU