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Torture

Les Etats-Unis sur la sellette à Genève

Transport d'un prisonnier à l'intérieur du camp de Guantanamo.(Photo: AFP)
Transport d'un prisonnier à l'intérieur du camp de Guantanamo.
(Photo: AFP)
Le Comité des Nations unies contre la torture a demandé des explications aux Etats-Unis au sujet des pratiques assimilées à des actes de torture dans des centres de détention en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo. C’est la première fois que Washington doit s’expliquer auprès de ce comité, depuis que le président Bush a déclaré la «guerre à la terreur» après les attaques du 11 septembre 2001.

Le Comité de l’ONU contre la torture, réuni à Genève, a posé cinquante neuf questions délicates au gouvernement américain sur les mauvais traitements aux détenus et sur d’autres pratiques assimilées à des actes de torture. Les dix experts internationaux du Comité demandent à Washington de s’expliquer sur le «transfert de détenus d’un lieu de détention à un autre» et de donner des détails sur les personnes incarcérées aux Etats-Unis et «dans les régions sous la juridiction de l’Etat partie, y compris en Afghanistan, en Irak et à Guantanamo Bay». Le gouvernement américain est aussi prié de fournir des informations sur le statut juridique des prisonniers et sur les accusations pour lesquelles ces personnes sont détenues sur la base militaire des Etats-Unis à Cuba.

Le Comité affirme que les Etats-Unis ont établi des «lieux de détention secrets, y compris sur des navires, et procédé à des détentions non reconnues, sans accès au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), sans notification des familles, sans contrôle du traitement des détenus et, dans la plupart des cas, sans qu’il soit même reconnu que les personnes en question sont détenues». Le gouvernement américain est aussi invité à s’expliquer sur les « nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements de personnes placées en détention » sous sa juridiction et tout particulièrement sur la prison d’Abou Ghraib en Irak. Le Comité veut savoir si le gouvernement américain a enquêté sur la chaîne de commandement et sa gestion des lieux de détention, où des brutalités furent commises par des militaires américains contre des prisonniers irakiens. Le gouvernement américain a par la suite décidé de fermer cette prison.  

Les Nations unies pressent le gouvernement américain de s’expliquer sur certaines dispositions du Patriot Act de 2001 qui semblent déroger au principe d’interdiction absolue de torture. Question des experts du Comité : «L’Etat partie accorde-t-il le droit à certaines personnes  d’autoriser la torture ou les mauvais traitements dans certaines circonstances ? » Les autorités américaines sont  priées de fournir des détails sur l’existence d’enquêtes indépendantes «sur l’éventuelle responsabilité de hauts responsables de l’administration, notamment de la CIA, du Département de la défense, du Département de la justice et des forces armées », dans le cadre d’interrogatoires de détenus qui pourraient être considérés comme des actes de torture. 

Mission américaine de haut niveau à Genève pour donner des réponses

Pour répondre à toutes ces questions, les Etats-Unis ont décidé d’envoyer à Genève une délégation de trente responsables du département d’Etat et du Pentagone, dirigée par Barry Lowenkron, secrétaire d’Etat adjoint à la démocratie, aux droits de l’homme et au travail. Il a précisé que la législation pénale américaine interdisait la torture. Mais Washington considère que la convention internationale contre la torture ne doit pas s’appliquer automatiquement aux conflits armés ni à la «guerre contre le terrorisme», et donc aux détenus qui se trouvent en Afghanistan, en Irak et à Guantanamo.

John Bellinger, conseiller juridique du département d’Etat, fait partie de cette délégation et il a déclaré « absurdes » ces accusations contre les forces armées ou les services de renseignements américains. Il a aussi rejeté l’accusation selon laquelle Washington cherchait à restreindre la définition de torture.

La Mission américaine à Genève avait élaboré en janvier dernier un document de 90 pages où le gouvernement Bush se pronnonçait de façon  «non équivoque» contre la torture en rappellant que la convention internationale contre la torture avait été ratifiée en 1994 par le Sénat, à Washington. Mais les experts du Comité de Genève considèrent que l’interprétation des textes par le Département de la justice est «trop restrictive ». La deuxième audience publique de la mission des Etats-Unis est prévue pour lundi à Genève. La trente sixième session du Comité contre la torture des Nations Unies devra rendre son rapport le 19 mai. Ses conclusions ne sont pas contraignantes. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels et dégradants, ratifiée par 141 Etats, est entrée en vigueur en 1987.

Le gouvernement américain promet de s’expliquer au sujet des vols secrets de la CIA

Le délégation américaine a nié par ailleurs que des détenus soupçonnés de terrorisme soient transférés vers d’autre pays où la torture est une pratique courante.  Mais Alberto Gonzalez, ministre de la Justice des Etats-Unis à promis, jeudi à Vienne, d’informer l’Union européenne au sujet des transferts secrets de prisonniers par la CIA. Ces renseignements seront fournis lors d’une prochaine visite des représentants de l’UE en Amérique. L’Attorney General qui a rencontré des ministres de l’UE et de la Russie dans la capitale autrichienne a précisé que les Etats-Unis, comme tout autre pays, ne veulent pas ouvrir un débat public sur leurs activités de renseignement.

La commission d’enquête spéciale du Parlement européen a signalé que plus d’un millier  de vols secrets de la CIA ont transité depuis 2001 dans l’espace aérien de l’Union. Washington est soupçonné d’avoir ainsi transporté clandestinement des prisonniers, sans donner des garanties quant au respect des droits des détenus qui ont pu subir des tortures. Alberto Gonzalez a affirmé que ces vols «n’avaient rien d’extraordinaire»…


par Antonio  Garcia

Article publié le 05/05/2006 Dernière mise à jour le 05/05/2006 à 18:08 TU