Territoires palestiniens
La tension entre Hamas et Fatah dégénère
(Photo : AFP)
Ce sont les heurts inter-palestiniens les plus violents depuis l’arrivée au gouvernement, fin mars dernier, des islamistes du Hamas et leur difficile cohabitation avec le Fatah, le mouvement du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ils se sont produits lundi à Abassane, près de Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza. Les affrontements armés ont éclaté après des enlèvements d’activistes des deux camps. Une série de fusillades a fait deux morts du côté du Fatah, un parmi les membres du Hamas, ainsi que onze blessés dont un grièvement touché. Les combats ont duré trois heures, ils ont cessé après des pourparlers entre responsables des deux groupes.
Le Premier ministre Ismaïl Haniyeh a déploré ces graves incidents et a appelé « à la retenue » pour « préserver le sang palestinien (…) Une guerre civile ne sera jamais permise. Nous prendrons nos responsabilités pour faire cesser les tensions », a affirmé le chef du gouvernement palestinien, avant de rencontrer des députés du Conseil législatif (Parlement).
Le Hamas a aussitôt imputé au Fatah la responsabilité des heurts. « Le problème a commencé dans la nuit de dimanche à lundi lorsqu'un groupe de la Sécurité préventive [services de contre-terrorisme du Fatah] a kidnappé trois membres d'Ezzedine al-Qassam », la branche armée du Hamas, a affirmé son porte-parole, Sami Abou Zohri.
Graves difficultés financières
Le Fatah a rejeté ces accusations, affirmant que des membres des Brigades Ezzedine al-Qassam avaient tenté d'enlever un garde du corps du chef de la Sécurité préventive dans la bande de Gaza, Salman Abou Moutlak. Et un responsable du Fatah d’accuser le ministre de l’Intérieur issu du Hamas, Saïd Siam, de mener « une campagne de provocation contre le Fatah. »
Ces affrontements illustrent, une nouvelle fois, l’aggravation de la tension politique entre le Hamas et le Fatah. Déjà, le 22 avril dernier, des violences entre activistes des deux groupes avaient fait une trentaine de blessés après que le chef du Hamas en exil en Syrie, Khaled Mechaal, eut accusé le président Mahmoud Abbas de « comploter » contre le gouvernement islamiste.
La tension est largement nourrie par l’isolement international et les graves difficultés financières qu’affronte le gouvernement Hamas. Après le gel des aides des Etats-Unis et de l’Union européenne (plus gros bailleur de fonds avec 500 millions d'euros par an), alors qu’Israël retient toujours, depuis fin janvier, les taxes et droits de douane perçus chaque mois au nom des Palestiniens (60 millions de dollars), avec une dette officiellement déclarée de 1,7 milliard de dollars, l’Autorité palestinienne est au bord de la banqueroute. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont trois exigences majeures, rejetées jusqu’ici par le mouvement islamiste : que le Hamas reconnaisse Israël, qu'il renonce à la lutte armée et qu'il respecte les engagements des précédents gouvernements palestiniens.
Abbas en appelle à la communauté internationale
Face à un équilibre social palestinien de plus en plus menacé, les dirigeants multiplient les contacts pour tenter de trouver une solution. Mais les discussions piétinent. Samedi soir, puis dimanche, des représentants du gouvernement et de la présidence se sont séparés sans qu’ait été réalisé le moindre progrès. Lundi, la Banque mondiale a averti dans un rapport : « la suspension des aides risque de paralyser l'Autorité palestinienne » et de réduire à néant douze ans de contributions internationales destinées à jeter les bases du futur Etat palestinien.
Pour sortir de l’impasse, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en appelle à la communauté internationale. A la veille d’une réunion, mardi à New York, des ministres des Affaires étrangères du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU), il leur a demandé lundi dans une lettre une reprise des aides financières et s'est dit prêt à des négociations « immédiates » avec Israël pour appliquer la Feuille de route. Dans une déclaration transmise à l’AFP, il réclame « que le versement des aides et le soutien financier à l'Autorité palestinienne se poursuivent pour éviter une crise humanitaire réelle. »
par Philippe Quillerier
Article publié le 08/05/2006 Dernière mise à jour le 08/05/2006 à 16:41 TU