Politique française
Clearstream fracture la majorité
(Photo : AFP)
Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a affronté, mardi à l’Assemblée nationale, une nouvelle motion de censure, la troisième depuis son arrivée à Matignon en juin 2005. Soutenue par la gauche (les socialistes, les radicaux de gauche, les Verts et les communistes) et une partie des centristes de l’UDF, la motion n’a pas été adoptée, les députés UMP étant majoritaires (364 élus UMP sur 577). La ténébreuse affaire Clearstream qui porte sur l’existence de comptes occultes à l’étranger de personnalités politiques et dans laquelle les noms du Premier ministre et du chef de l’Etat sont cités, est au centre de débats. Dominique de Villepin qui est mis en cause dans ce dossier, est soupçonné d’avoir ordonné une enquête contre son rival le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy.
Pour mettre Dominique de Villepin en accusation, le patron du Parti socialiste, François Hollande, est monté lui-même à la tribune. Dans son intervention devant le parlement, il n’a pas hésité à brocarder sévèrement le gouvernement qui n'est plus qu’«un champ de bataille, un abattoir». «Où est la solidarité quand la haine est le sentiment commun ?», a demandé le chef de file des socialistes. Il a également réclamé la démission du gouvernement pour «crever l'abcès» de l'affaire Clearstream qu’il a qualifié «d’affaire d’Etat». «S’il appartient à la justice de dénouer les fils de cette machination, il reste une évidence : c’est au sein même du gouvernement que se lancent les accusations, s’organisent les manœuvres, se jettent les suspicions. Comment une telle équipe peut-elle continuer à travailler pour le pays dans ce climat délétère ?», demandait le texte de la motion.
«Le délitement a atteint un seuil intolérable»
François Hollande en a appelé à la conscience des députés de tout bord et manifestement il a été entendu. En effet, la gauche a voté cette motion de censure, avec le soutien du président du parti centriste, l’UDF, qui appartient théoriquement à la majorité. François Bayrou est également intervenu à la tribune pour censurer le gouvernement. Le patron de l’UDF a souligné que «le délitement a atteint un seuil intolérable». Et de se demander «s’il était bon pour la France que cela dure encore un an ». Mais comme lors du vote du budget à l’automne dernier, François Bayrou n’est pas parvenu à maintenir l’unité dans ses rangs. Onze députés du parti, qui en compte 30, ont suivi la consigne donnée par leur président. C’est notamment le cas d’Hervé Morin, le président du groupe à l’Assemblée nationale. Mais un certain nombre de députés centristes qui ont été élu en 2002 grâce au soutien de l’UMP, ont refusé d’associer leur voix à celles de la gauche. «Lorsque l’on est élu sur la base d’un électorat de l’UDF et de l’UMP, en cours de mandat, on ne fait pas un bras d’honneur à son électorat en changeant de camp, ou alors on repasse devant les électeurs», a déclaré Gilles de Robien, seul ministre UDF du gouvernement. Pour sa part, François Bayrou, dont la stratégie est axée sur la présidentielle de 2007, a réfuté toute division au sein de son parti, rappelant qu'il a présenté son choix comme «une décision de responsabilité personnelle» .
Après les charges de François Hollande et François Bayrou contre l’équipe de Villepin, ce fut au tour du président du groupe communiste Alain Bocquet d’intervenir. Même constat de la part du PCF qui a exigé «des élections législatives anticipées pour mettre fin à la crise de régime liée à l’affaire Clearstream ». Mais c’était un combat perdu d’avance, le gouvernement Villepin dispose d'une écrasante majorité des députés UMP à l’Assemblée. Il n’empêche qu’une vingtaine de députés sarkozystes ont tout de même déserté l’hémicycle, mardi après-midi, pour boycotter le discours de Dominique de Villepin, rival déclaré de leur chef Nicolas Sarkozy.
Pour sa part, le chef de file de l’UMP Bernard Accoyer a vivement condamné une motion de censure «totalement étrangère aux préoccupations des Français » et provoquée par «l’emballement des rumeurs». Dans son discours, Dominique de Villepin a repris le même thème : «Pourquoi déposez-vous aujourd'hui une motion de censure? Au nom de qui? Au nom de quoi? Au nom de la calomnie, au nom du mensonge, au nom de la rumeur?», a demandé le Premier ministre qui a assuré que «rien ne détournerait le gouvernement de sa tâche et du cap fixé par le président de la République ».
Même si la motion n’a pas été adoptée, la décision de François Bayrou et d'une partie de l'UDF de voter aux côtés de la gauche fragilise le Premier ministre, au plus bas dans les sondages. Selon le baromêtre BVA rendu public mardi, Dominique de Villepin a perdu encore deux points avec 26% d'opinions positives.
par Myriam Berber
Article publié le 16/05/2006 Dernière mise à jour le 16/05/2006 à 18:05 TU