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Clearstream : Rondot se rebiffe

Dans un entretien au <em>Journal du Dimanche</em>, le général Philippe Rondot annonce qu'il ne se rendra pas aux convocations de la justice dans l'affaire Clearstream.(Photo : AFP)
Dans un entretien au Journal du Dimanche, le général Philippe Rondot annonce qu'il ne se rendra pas aux convocations de la justice dans l'affaire Clearstream.
(Photo : AFP)
Le général Philippe Rondot est sorti de son silence. Cet officier du renseignement qui était conseiller de la ministre de la Défense et a enquêté sur les listings falsifiés de Clearstream, dont le nom et les documents personnels sont abondamment cités, a accordé un entretien au Journal du Dimanche. Il estime avoir été mal traité, à la fois par les juges d’instruction qui enquêtent sur les dénonciations calomnieuses dont Nicolas Sarkozy et d’autres personnalités ont fait l’objet, et par la presse qui a publié des «extraits» de ses notes manuscrites «à des fins douteuses pour mettre en cause le président de la République, Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie».

Philippe Rondot ne se rendra pas aux prochaines convocations des juges, les 18 et 22 mai. Le général en a assez de la manière dont est menée l’instruction dans l’affaire Clearstream. Et il a donc décidé de le dire sans détour et sans intermédiaire. L’interview qu’il a accordé au Journal du Dimanche est donc destinée à mettre un terme à toutes les interprétations dont ont fait l’objet les extraits de ses auditions par les juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons rendus publics et les morceaux choisis de ses notes, saisies lors des perquisitions réalisées chez lui, diffusés dans la presse.

«Il y a trop de fuites, trop de manipulations, trop de publications tronquées de mes écrits ou de mes propos». Le général n’accepte donc pas que les juges l’aient empêché d’avoir accès à ses «propres notes et agendas», alors même qu’une partie de leur contenu circule dans tous les médias. Il estime d’ailleurs que c’est à cause de cela qu’il a fait «quelques confusions» dans sa déposition. Le général Rondot affirme donc qu’il ne répondra plus aux questions de Jean-Marie d’Huy et Henri Pons qui l’ont traité «de menteur, menacé et considéré comme un voyou», s’ils continuent à lui refuser le statut de témoin assisté qui lui permettrait d’avoir accès au dossier d’instruction.

Le nom de Sarkozy n’était pas sur la première liste

D’autre part, Philippe Rondot remet quelques pendules à l’heure concernant le fond du dossier. Il dément avoir reçu l’ordre d’enquêter sur «Nicolas Sarkozy ou les autres hommes politiques mentionnés sur les listings». Une version qui accrédite celle du président de la République et du Premier ministre qui ont réfuté avoir demandé des investigations sur des personnalités. Il met la persistance de Dominique de Villepin à ne pas stopper les enquêtes en cours après qu’il lui eut fait part de son sentiment que les listings était un «montage», sur le compte de la force de persuasion de Jean-Louis Gergorin, le vice-président du groupe aéronautique EADS, dont il confirme que c’est lui qui a transmis les listes falsifiées. Il revient d’ailleurs sur ses déclarations lors de son audition par les juges et précise que le nom de Sarkozy ne figurait pas sur la première liste remise par Gergorin, en novembre 2003. «Mon sentiment est que Jean-Louis Gergorin est à l’origine de l’affaire avec Imad Lahoud, et que Dominique de Villepin était de bonne foi». La meilleure preuve en est, selon lui, que le Premier ministre n’allait pas lui «demander d’enquêter sur une machination qu’il aurait conçue, car [il] l’aurait démontée».

De ses liens avec Jacques Chirac, Philippe Rondot donne une version politique et hiérarchique. «Je suis gaulliste moi-même et j’ai beaucoup de respect pour lui». D’autre part, «c’est le chef des armées». En bon militaire, il ne s’étend pas et affirme que l’on a beaucoup «brodé» sur leur relation. Il précise aussi que le chef de l’Etat ne lui a donné aucune «instruction au téléphone», celles-ci «passaient par les ministres». Leur seule entrevue remonterait à 2001 pour aborder des dossiers qui n’avaient rien à voir avec Clearstream. Il ajoute d’ailleurs : «Je n’ai subi aucune pression et n’ai eu aucun contact avec l’Elysée, Matignon ou le ministère de la Défense ces dernières semaines». Une manière d’affirmer que sa démarche n’est téléguidée par personne. Interrogé sur l’existence d’un compte de Jacques Chirac dans une banque Japonaise, il affirme que cette information est «fausse» et que l’«on fait un mauvais procès au président».

Qui dit la vérité, qui ment ?

Finalement, le général Rondot dédouane Villepin et Chirac. Il enterre Gergorin. Et il s’interroge sur Sarkozy qu’il dit avoir effectivement tenté de prévenir par l'intermédiaire de son petit cousin, le journaliste Stéphane Denis. Il estime que le ministre de l’Intérieur a bel et bien été «victime» d’une «calomnie». Il n’en conclut pas pour autant qu’il était une «cible» de cette manipulation. Philippe Rondot déclare que l’ajout de noms de politiques sur la liste visait peut-être simplement à «relancer l’intérêt pour l’affaire».

Qui dit la vérité, qui ment ? Pas facile de le savoir. Chaque nouvelle déclaration rend le dossier Clearstream un peu plus compliqué et déplace les soupçons d’un acteur à l’autre. La seule certitude pour le moment est que cette affaire a, une nouvelle fois, mis en évidence le cocktail déroutant auquel on peut aboutir lorsqu’on mélange un zest de rivalités politiques, un soupçon de dysfonctionnements de la justice et une dose de médiatisation.


par Valérie  Gas

Article publié le 14/05/2006 Dernière mise à jour le 14/05/2006 à 16:40 TU

Audio

Alain Masson

Journaliste à RFI

«Il y a trop de fuites, de manipulations, de publications tronquées, dit le général Rondot.»

[14/05/2006]

Isabelle Chenu, journaliste à RFI

Reportage

«Trop tôt [pour Sarkozy] pour quitter le gouvernement aujourd’hui mais dans quelques semaines tout sera peut-être différent.»

[14/05/2006]

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