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Haïti

«Nous vivons à la merci de Dieu»

Les habitants du village de Bonal attendent un geste du président Préval.(Photo: Claude Verlon/RFI)
Les habitants du village de Bonal attendent un geste du président Préval.
(Photo: Claude Verlon/RFI)
La population qui s’était déplacée massivement vers les urnes pour élire le chef d’Etat attend maintenant les changements promis par René Préval. Dans le nord-ouest du pays, région particulièrement enclavée, la lutte pour la survie au quotidien occupe tous les esprits. Reportage dans la région d’Anse Rouge.

De notre envoyée spéciale

La piste qui longe la côte au nord de la ville des Gonaïves est particulièrement caillouteuse et les ornières y sont profondes. Seuls les véhicules tout terrain et les camions bien équipés osent s’y aventurer. Il faut compter deux heures pour rejoindre le village de Coridon, situé en bord de mer à une trentaine de kilomètres. Le site a été dévasté par le cyclone Jeanne en septembre 2004. Autrefois, la population vivait de l’exploitation du sel. Mais aujourd’hui, les salines sont recouvertes de monceaux de boue. « Seules 10% des exploitations ont pu être remises en état », constate John Kelly, l’instituteur du village. Et il précise : « Cela n’a pu être fait que grâce à l’argent que les membres de nos familles installés à l’étranger nous ont envoyé. » Armé d’une seule pelle, un homme tente d’agrandir une parcelle. « Il y va de la survie de ma famille », explique-t-il, « en deux ans, j’ai réussi à remettre en état une petite saline, mais c’est un travail très dur, surtout quand on a le ventre vide. » L’aide humanitaire qui a déferlé sur les Gonaïves après le passage du cyclone n’est jamais arrivée à Coridon. Et les habitants du village subissent toujours de plein fouet les conséquences du cyclone.

L’eau et le sel sont nos priorités

Des enfants se baignent dans les eaux turquoise de la mer des Caraïbes. L’épave d’un gros de bateau de pêche leur sert de terrain de jeux. « Ce bateau était la fierté du village, il faisait vivre plusieurs familles », explique l’instituteur. Plus loin, un pêcheur nous montre son canot échoué sur le sable : « Il me faudrait de la résine, du bois et des clous pour le réparer. Mais je n’ai pas les moyens de le faire. » Autre préoccupation du village : l’accès à l’eau potable. Huit sources ont été recensées dans les dix kilomètres aux alentours, mais faute de tuyau, l’eau n’est pas acheminée jusqu’au village. « L’eau et le sel sont nos priorités. Il suffirait d’un bulldozer et d’une canalisation pour rendre notre vie supportable », soupire le pasteur de l’église baptiste. Devant l’école, un homme arbore un T-shirt jaune à l’effigie de René Préval. « Les gouvernements de Port-au-Prince ne se sont jamais souciés de nous, mais avec Préval, cela va peut être changer », déclare-t-il. Mais lucide il ajoute : « Enfin, s’il sait où se trouve notre village. »  

Pêcheurs à Coridon. La plupart ont perdu leur canot pendant le passage du cyclone Jeanne.(Photo: Claude Verlon/RFI)
Pêcheurs à Coridon. La plupart ont perdu leur canot pendant le passage du cyclone Jeanne.
(Photo: Claude Verlon/RFI)

Tombée inanimée pour Préval

A une dizaine de kilomètres de Coridon, à l’intérieur des terres, le village de Bonal émerge entre les cactus. Les petites maisons alignent leurs toits de tôle sous le soleil de plomb. « Nous vivons de la culture de l’oignon et de l’échalote, mais il n’a pas plu depuis des semaines, et rien ne pousse. Nous vivons à la merci de Dieu. », soupire une femme en train d’allaiter son bébé sous une treille d’herbes sèches. « Nous avons faim », s’écrient simplement les enfants accourus au devant de notre véhicule. Ici, tout le monde déclare avoir voté Préval. « Le jour du scrutin, nous sommes allés tous ensemble au bureau de vote de Coridon », explique Ghislaine, la trésorière du village. Et elle raconte : « Nous avons marché longtemps sous le soleil, écrasés par la chaleur. » Désignant une vieille femme au visage parsemé de rides, Ghislaine ajoute : « Celle-ci est même tombée inanimée sur le chemin. Mais cela ne nous a pas découragé, nous voulions voter Préval ! » La vieille femme acquiesce et sourit fièrement. A Bonal, la population attend maintenant un geste de la présidence. « Nous ne demandons qu’à travailler pour être utiles aux autres et à nous-même », précise Ghislaine, « Préval doit nous aider, c’est pour cela que nous avons voté pour lui. » Et, debout sur la piste poussiéreuse, elle lance : « Faites-le savoir au palais présidentiel quand vous rentrerez à Port-au-Prince. A Bonal, tout le monde espère en sa présidence !»


par Anne  Corpet

Article publié le 17/05/2006 Dernière mise à jour le 17/05/2006 à 17:55 TU