Tunisie
Le régime met les avocats au pas

(Photo : AFP)
Les membres de Conseil national de l'ordre des avocats tunisiens (CNOAT) ont mis un terme, lundi, à leur grève de la faim entamée quarante-huit heures plus tôt pour «protester contre les atteintes à l’indépendance de leur profession» et «dénoncer une récente intervention de la police dans les locaux du Conseil». Ce mouvement qui a pris le relais d’un sit-in de protestation observé pendant plus de deux semaines, a été déclenché par une nouvelle loi votée le 9 mai par le Parlement, qui vise à donner au pouvoir exécutif le contrôle du fonctionnement du futur Institut de formation du Barreau.
Selon les protestataires, cette loi porte «atteinte à l’indépendance de la profession, le Barreau ne jouant aucun rôle dans cette école». Le bâtonnier du CNOAT, Abdelsattar Ben Moussa, a même accusé le ministre de la Justice d’avoir «totalement ignoré les contre-propositions de la corporation qui souhaite une structure avec une autonomie de gestion et des instances élues». Les protestataires qui tablaient sur un relâchement des autorités, ont décidé de continuer la lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Ils ont ainsi indiqué qu’«ils allaient réfléchir à de nouvelles formes d’action ».
Les avocats tunisiens ont reçu le soutien de leurs confrères français. Dans un communiqué publié lundi, les avocats français ont appelé les autorités tunisiennes à respecter l'indépendance du Barreau tunisien et les Etats de l'Union européenne à «user de leur influence en ce sens». Ils jugent «inacceptables les violences dont leurs confrères ont été victimes et la violation des locaux du CNOAT». En signe de solidarité, deux représentants du Barreau de Paris, Maîtres Jean-René Farthouat, bâtonnier doyen de l’ordre des avocats de Paris et Dominique Tricaud, chargé des droits de l’homme au Barreau de Paris se sont rendus à Tunis pour «dénoncer les violences récentes contre les avocats tunisiens» ainsi que «le saccage illégal par le police du bureau du bâtonnier tunisien le 23 mai dernier».
Ajoutant à la crispation politique dans le domaine des défense des libertés, le régime a également empêché, ce week-end, la tenue du sixième congrès national de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Les autorités affirment qu'il s'agit d'une affaire intérieure à cette association, dans laquelle elles ne veulent pas intervenir. Initialement programmé en septembre dernier, ce congrès avait été reporté à la suite d’une décision de justice et à la demande d’une vingtaine de membres dissidents. Ces adhérents avaient, en effet, attaqué la direction de la Ligue pour «violation du règlement intérieur et abus de pouvoir». Le président de cette organisation de défense des droits de l’homme, Maître Mokhtar Trifi accuse les autorités de «menacer la Ligue dans son existence en provoquant une contestation interne». Il reproche à ces adhérents d’être membres ou sympathisants du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique. Des bousculades ont eu lieu devant le siège de la Ligue à Tunis ou des dizaines de policiers en civils ou en tenue avaient été déployés.
par Myriam Berber
Article publié le 30/05/2006Dernière mise à jour le 30/05/2006 à 17:27 TU