Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Tunisie

Les droits de l’homme s’invitent au sommet

Au second jour de sa visite d’Etat en Tunisie, le président français a appelé à une accélération de l’intégration du Maghreb. Mercredi, Jacques Chirac a apporté son soutien au régime du président Ben Ali sur la question des droits de l’homme.
Autre jour, autre thème. Jeudi, le président français a consacré le second jour de sa visite d’Etat en Tunisie à la coopération économique entre les deux pays. Jacques Chirac conduit une importante délégation ministérielle. Les ministres des Affaires étrangères, de la Santé, du Commerce extérieur et les secrétaires d’Etat à la Coopération et au Tourisme accompagnent le président. Paris reste un partenaire privilégié de Tunis, vivement félicité et encouragé pour ses résultats économiques et sociaux et la bonne tenue de ses «fondamentaux» (inflation faible, croissance en hausse, taux de chômage maîtrisé). La France est à la fois le premier partenaire commercial, le premier investisseur étranger et le premier bailleur de fonds de la Tunisie.

Jacques Chirac a prononcé un discours devant les membres du Conseil économique et social tunisien au cours duquel il a plaidé pour une accélération de l’intégration régionale du Maghreb, condition essentielle d’un partenariat efficace avec l’Union européenne. Selon Jacques Chirac, cette intégration régionale permettrait d’attirer davantage d’investisseurs étrangers, de créer un espace de libre-circulation et de «s’accorder sur l’essentiel : la démocratie, les libertés, l’état de droit, ces principes universels auxquels l’Europe est profondément attachée». Face aux interrogations régionales sur l’ouverture de l’Union européenne à 10 nouveaux pays, l’an prochain, le président français a tenu à rassurer ses interlocuteurs : «réalisant à l’est son union historique, (l’Union européenne) ne se détournera pas de sa rive sud», a notamment déclaré Jacques Chirac.

Mais le dossier sur lequel était surtout attendu le président français était celui des droits de l’Homme, réputés maltraités en Tunisie. Sans surprise, le chef de l’Etat français a fait l’éloge du bilan tunisien dans ce domaine, sans toutefois esquiver, ni négliger le sujet. «Il faut le souligner, nous avons chacun nos critères d’appréciation», a dit M. Chirac pour qui «le premier des droits de l’Homme c’est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat».

«Nous avons aussi en France des gens qui font la grève de la faim…»

Interrogé sur une éventuelle intervention de sa part auprès de son homologue en faveur de l’avocate Radhia Nasraoui, en grève de la faim depuis le 15 octobre, Jacques Chirac a déclaré : «J’en ai touché un mot avec le président Ben Ali. J’espère que cette affaire trouvera rapidement une issue», ajoutant : «nous avons aussi en France des gens qui font la grève de la faim, qui ont fait la grève de la faim et qui feront certainement un jour la grève de la faim». La présidence française a également fait savoir qu’à la demande du président un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères avait rencontré dans la soirée le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme.

Le message a été particulièrement mal reçu de la part des organisations et des militants impliqués dans le combat pour les libertés politiques, tant à Tunis qu’à Paris. La condamnation est unanime. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et la Ligue Française des droits de l’Homme «expriment leur indignation». Le délégué général de l’association des tunisiens de France dénonce «une sorte de ségrégation» en raison des différences de traitement instaurées dans l’accès aux droits humains fondamentaux, Reporters sans frontières déclare que la Tunisie «est parmi la vingtaine de pays au monde où il y a le moins de liberté de la presse». A Paris, les sénateurs socialistes se déclarent «choqués» et le premier secrétaire du PS reproche au président sa «conception minimaliste des droits de l’Homme». Quant à Radhia Nasraoui, elle accuse M. Chirac de «minimiser les violations des droits de l’Homme en Tunisie», ce qui «choque tout le monde», dit-elle. Ses médecins lui ont demandé «fermement», jeudi, de cesser la grève de la faim qu’elle a entamé depuis le 15 octobre. Ils se déclarent extrêmement préoccupés par son état de santé. Elle a annoncé qu’elle poursuivrait son jeun.

Sur ce bilan en demi-teinte s’achève la visite du chef d’Etat français. Il va toutefois demeurer à Tunis deux jours encore, pour participer au sommet dit «5 + 5», des cinq pays d’Europe du sud (Espagne, Portugal, Italie, France, Malte), membre de l’Union européenne, et des cinq pays de la région (Algérie, Maroc, Libye, Mauritanie et Tunisie). L’agenda de cette première réunion du genre indique qu’il sera question de sécurité, d’immigration clandestine et de coopération. Mais les questions bilatérales guettent : Jacques Chirac a reçu un appel des familles de victimes de l’attentat contre le DC-10 d’UTA pour qu’il évoque la question du règlement de cette affaire avec Mouamar Kadhafi.

A écouter également :

Jean-Christophe Ruffin président d'Action contre la faim au micro de Pierre Ganz(05/12/2003, 8'06")

Mouna El Banna, envoyée spéciale de RFI en Tunisie (05/12/2003, 4'08")

Jacques Chirac et les droits de l'homme (04/12/2003, 1'08")

Mouna El Banna, envoyée spéciale de RFI en Tunisie au micro de Caroline Paré (04/12/2003, 3'15")



par Georges  Abou

Article publié le 04/12/2003