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Vote électronique : des mythes aux réalités

En Estonie, les membres de la commission électorale vérifient les résultats des votes par internet, utilisés pour la première fois lors des élections municipales d'octobre 2005. 

		(Photo : AFP)
En Estonie, les membres de la commission électorale vérifient les résultats des votes par internet, utilisés pour la première fois lors des élections municipales d'octobre 2005.
(Photo : AFP)
L’idée du vote par internet dans les élections politiques fait son chemin. A l'initiative de la Cnil, un premier état des lieux a été mené dans plusieurs pays. Sa conclusion, si certains Etats comme la Suisse, l’Estonie ou la Corée du Sud jugent les expériences très concluantes, d’autres tels les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne ne souhaitent pas poursuivre les tests.

La démarche de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) se veut avant tout pragmatique. Avec pour objectif : suivre l’ensemble des expériences de démocratie électronique. Quelle est la réalité de ce que l’on appelle désormais le evote ? Les avantages supposés du vote électronique (recul de l’abstention, modernisation de l’organisation du scrutin, meilleure fiabilité des décomptes et évidemment baisse du coût des opérations) sont-ils plus importants que les risques et appréhensions (confidentialité et assurance de la sécurité de transmission) ?

Dans un premier temps, la Commission s’est tout particulièrement penchée sur les pays qui ont décidé de continuer à s’engager dans cette voie. Parmi les plus avancés dans ce secteur, la Suisse, l’Estonie et la Corée du Sud. Quels sont leurs points communs ? Premier élément : chacun de ces pays possède une infrastructure technique avancée et un nombre suffisant d’habitants connectés, avec un taux de pénétration d’internet de l’ordre de 40% en Suisse, 43% en Estonie et de 58% en Corée du Sud.

Second élément : les enjeux des élections ayant servi de test sont de second plan. L’Estonie a utilisé pour la première fois en octobre 2005 le vote par internet dans les élections municipales. En Suisse, le canton de Zurich a ainsi en novembre 2005 procédé à une série d’expérimentations à l’occasion de référendums sur l’introduction des OGM et sur la modification de la loi sur le travail. Un troisième pays affiche, lui aussi, une politique volontariste dans ce domaine, la Corée du Sud. Le gouvernement s’est fixé pour objectif de généraliser le vote par internet d’ici 2012 dans les élections.

Des failles en matière de sécurité

Les méthodes, elles, peuvent être radicalement différentes. Les Estoniens ont reçu une carte d’identité électronique, dotée d’une puce et d’un code secret, qui a servi à identifier les votants (résidant en Estonie et à l’étranger) sur le site sécurisé des élections. En Suisse, les électeurs ont reçu par courrier leurs cartes ainsi qu’un code d’accès confidentiel, leur permettant de valider leur vote à distance. Le vote pouvait ensuite s’exprimer via un site sécurisé sur internet ou en envoyant un SMS depuis un téléphone mobile.

Si certains pays continuent à avancer dans cette voie, d’autres comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne marquent aujourd’hui le pas en matière de vote par internet. C’est évidemment sur les questions de la sécurité (anonymat, virus, fiabilité des opérations de dépouillement et de comptabilité des suffrages) que les réticences sont les plus vives, comme l’indique le document de la Cnil. Aux Etats-Unis, le projet SERVE (Secure Electronic Registration and Voting Experiment) qui devait permettre aux citoyens expatriés de participer aux élections présidentielles de novembre 2004, a été abandonné du fait des nombreuses failles de sécurité détectées. Au vu de l’impossibilité de garantir la légitimité des votes, un rapport d’experts a préconisé l’arrêt immédiat du projet.

Même constat au Royaume-Uni. Outre une sécurité défaillante, les expérimentations n’ont pas permis de faire reculer significativement l’abstention. Ce n’est pas le seul point qui pose problème. Le fait de gérer à la fois les bureaux de vote et le vote à distance par internet ou SMS a en fait augmenté le coût des opérations électorales. Sur ces différents aspects, les Espagnols rejoignent les inquiétudes des Britanniques. Une expérimentation a eu lieu en Espagne en février 2005, sans valeur légale, à l’occasion de la ratification du traité sur la Constitution pour l’Europe. Près deux millions de votants étaient conviés à doubler leur vote classique d’un vote en ligne, en utilisant une carte à puce et un numéro d’identification personnel. Outre la très faible participation (0,54%), le test a fait l’objet de vives critiques du fait de nombreuses failles de sécurité. Pour les mêmes raisons, le Canada et l’Australie ont annoncé leur intention de poursuivre des expérimentations pilote mais seulement sur le plan local.

Quoi qu'il en soit, le evote fascine visiblement et suscite un engouement surprenant. Si un certain nombre de pays font marche arrière, d’autres prennent le relais un peu partout dans le monde. Dernier exemple en date : la France. La première expérience française de vote à grande échelle par internet a commencé, cette semaine, avec le renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE).



par Myriam  Berber

Article publié le 09/06/2006Dernière mise à jour le 09/06/2006 à TU