Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Justice internationale

Srebrenica : premier choc à l’ouverture du procès

Les têtes de Radovan Karadzic et Ratko Mladic mises à prix par les Etats-Unis sur les murs de Sarajevo. Le 14 juillet à La Haye, la procureure du TPIY a envisagé d'en appeler au Conseil de sécurité pour obtenir les moyens de leur capture. 

		Photo : AFP)
Les têtes de Radovan Karadzic et Ratko Mladic mises à prix par les Etats-Unis sur les murs de Sarajevo. Le 14 juillet à La Haye, la procureure du TPIY a envisagé d'en appeler au Conseil de sécurité pour obtenir les moyens de leur capture.
Photo : AFP)
Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a symboliquement ouvert le procès Srebrenica, vendredi matin, onze ans après la prise de l’enclave par l’armée des Serbes de Bosnie. Les sept hommes alignés dans le box sont tous d’anciens comparses de l’ex-chef militaire Ratko Mladic, toujours en fuite.

De notre correspondante à La Haye

Au banc du procureur, Carla del Ponte secoue lentement la tête, dépitée. Face à elle, une armée d’avocats, assignés à la défense des sept accusés présents dans le box, vient de remporter une première bataille. La procureure repose les quelques pages de son discours sur son pupitre. Le président de la chambre a reporté les déclarations d’ouverture du procès au 21 août. « Tôt cette semaine, j’étais au mémorial de Potocari », avait-elle pourtant commencé. En hommage aux victimes, Carla del Ponte s’était rendue à Srebrenica pour participer aux cérémonies de commémoration du massacre de plus de 7 000 hommes musulmans par les forces serbes en juillet 1995 et dont sept présumés responsables sont alignés dans le box.

Mais la procureur a tout juste entamé sa déclaration, que maître Stéphane Bourgon objecte : « Ce n’est pas la place d’un tel discours ! » Deux autres avocats se lèvent à leur tour. Timide, le président de la chambre, Carmel Agius, tente de rassurer : « Madame del Ponte est procureur général de ce tribunal (…) Nous devons juger ces sept gentlemen (sic), la présomption d’innocence leur est accordée de droit… », tente-t-il. Maître John Ostojic prend la relève et contre-attaque : « C’est de l’émotion. Nous entendons ici un réquisitoire ! » « Ce n’est absolument pas sensationnel. Ce sont les faits, chers avocats, les faits ! », fustige Carla del Ponte, en brandissant les pages de son discours.

Sept hauts responsables dans le box

Les faits reprochés aux sept hommes présents dans le box, accusés de génocide ou crimes contre l’humanité pour le massacre de Srebrenica perpétré en 1995 malgré la présence de casques bleus néerlandais dans l’enclave déclarée « zone protégée » par le Conseil de sécurité de l’Onu, ne seront donc exposés que le 21 août. La date du 14 juillet avait été retenue pour sa charge symbolique. Mais les parties n’étaient pas prêtes à démarrer l’affaire avant les vacances judiciaires. Dès lors, les avocats en ont fait une question de principe, refusant la tenue d’un discours symbolique dans le prétoire.

C’est seulement le 21 août, que la procureure évoquera précisément les faits reprochés à Vujadin Popovic (chargé de la sécurité du Corps de la Drina de l’armée des Serbes de Bosnie), à son chef Ljubisa Beara, au lieutenant Drago Nikolic, au chef de la police Ljubomir Borovcanin, a Radivoje Miletic, chef des opérations, à Milan Gvero, en charge des affaires morales et religieuses au sein de l’armée et Vinko Pandurevic. Un huitième inculpé est toujours en fuite. Zdravko Tolimir, chef des renseignements de l’armée des Serbes de Bosnie était, selon l’acte d’accusation, en contact direct avec le chef militaire, Ratko Mladic, accusé aux côtés de Radovan Karadzic, le responsable politique des Serbes de Bosnie, pour le siège de Sarajevo et le massacre de Srebrenica. Mais les deux hommes sont toujours en fuite.

Passivité coupable de la communauté internationale

Devant le Conseil de sécurité, le 6 juin 2006, Carla Del Ponte avait fustigé de nouveau la communauté internationale et Belgrade pour leur inaction. « L’arrestation de Radovan Karadzic est de la responsabilité de la Serbie, de la Republika Srspska (entité des Serbes de Bosnie), de l’Otan et de l’Eufor (force européenne). Il est pathétique de voir qu’aujourd’hui, personne ne cherche activement Karadzic. Puisque personne ne semble avoir la volonté de localiser et d’arrêter Karadzic et Mladic, je n’aurai d’autre choix que de demander au Conseil de sécurité de me donner les pouvoirs pour arrêter les fugitifs. Je ne vois pas d’autres voix pour que le TPIY puisse remplir son mandat et satisfaire les attentes légitimes que les victimes ont placées dans les Nations unies ».

A New York, la communauté internationale n’a de cesse d’évoquer le calendrier fixé au tribunal, prié de fermer ses portes aux alentours de 2010. Les responsables de la juridiction, financée par l’Onu, s’opposent à toute fermeture en l’absence des deux fugitifs.



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 14/07/2006Dernière mise à jour le 14/07/2006 à TU