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Politique française

Bayrou veut se faire une place

François Bayrou (au centre) aux côtés de l'animateur de télévision Nicolas Hulot le 30 août 2006 à La Grande-Motte. Le président de l’UDF estime que «<em>sur un programme de gouvernement, les diverses sensibilités du pays peuvent parfaitement se réunir ou, en tout cas, des personnalités issues de ces sensibilités peuvent accepter de prendre leur part en charge</em>». 

		(Photo : AFP)
François Bayrou (au centre) aux côtés de l'animateur de télévision Nicolas Hulot le 30 août 2006 à La Grande-Motte. Le président de l’UDF estime que «sur un programme de gouvernement, les diverses sensibilités du pays peuvent parfaitement se réunir ou, en tout cas, des personnalités issues de ces sensibilités peuvent accepter de prendre leur part en charge».
(Photo : AFP)
L’ouverture de l’université d’été de l’Union pour la démocratie française (UDF), à la Grande-Motte, donne à son président l’occasion de faire entendre une nouvelle fois sa différence. A quelques mois de l’élection présidentielle, pour laquelle il sera vraisemblablement candidat, François Bayrou appelle à bouleverser les comportements en politique. A l’entendre, le clivage gauche-droite a fait son temps et l’heure est aujourd’hui à l’alliance des talents pour un gouvernement efficace. Le président du parti centriste dénonce aussi le comportement de certains médias, aux mains des grands groupes industriels ayant partie liée avec les politiques, qui focalisent leur attention sur les deux chouchous des sondages : Ségolène Royal à gauche, Nicolas Sarkozy à droite. Un moyen, estime-t-il, d’«orienter» le choix des Français pour la présidentielle.

Il y a des «gens bien» partout, pourquoi ne pas en profiter. C’est autour de cette idée que François Bayrou a décidé de faire avancer sa réflexion. A l’université d’été de l’UDF, il l’a dit une nouvelle fois, le moment est venu de mettre un terme, en France, au «système sectaire» qui empêche les gens de bonne volonté de travailler ensemble, sous prétexte qu’ils n’appartiennent pas au même parti ou à la même tendance politique. Et pour montrer que l’étiquette ne fait pas tout, il a invité un ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, un écologiste sans parti, Nicolas Hulot, et un ancien ministre des Affaires étrangères UMP, Michel Barnier, à venir participer aux débats de l’UDF à la Grande-Motte.

Si François Bayrou propose l’alliance des talents comme principe de gouvernement, c’est parce qu’il a fait le constat de l’inefficacité de la méthode qui consiste à gouverner «uniquement avec les siens» pour résoudre les «défis» que la société française doit relever. Du coup, le président de l’UDF estime que «sur un programme de gouvernement, les diverses sensibilités du pays peuvent parfaitement se réunir ou, en tout cas, des personnalités issues de ces sensibilités peuvent accepter de prendre leur part en charge». Il ne cache d’ailleurs pas que s’il devait devenir Premier ministre, il appellerait des socialistes dans son équipe. Son «approche nouvelle» de la pratique politique va aussi de paire avec un changement institutionnel. François Bayrou est partisan du passage à une VIe République. Et s’il était élu président de la République, mettre en œuvre une réforme pour «déverrouiller la République» ferait partie de ses premières initiatives.

Indépendance et critique de l’UMP

Le pendant de cette idée est que l’UDF ne doit plus être indéfectiblement liée à la majorité, comme elle l’a longtemps été. Cette volonté d’indépendance n’est pas récente mais elle est désormais mise en pratique. Le parti centriste a refusé de participer au gouvernement de Dominique de Villepin, à l’exception de Gilles de Robien qui a d’ailleurs été suspendu des instances dirigeantes de l’UDF pour cette raison. Il n’adopte plus les mêmes consignes de vote que l’UMP à l’Assemblée nationale. De nombreux députés centristes ont même voté la motion de censure déposée par les socialistes contre le gouvernement Villepin, au moment de l’affaire Clearstream. De même, concernant la fusion Suez-GDF, l’UDF a fait part de son opposition à la proposition gouvernementale et ne devrait pas la soutenir lors du débat parlementaire qui doit s’ouvrir le 7 septembre.

Cette indépendance des centristes par rapport à l’Union pour un mouvement populaire (UMP) s’accompagne d’une critique sans concession de la politique du parti majoritaire, et surtout de son président, Nicolas Sarkozy. François Bayrou revendique, en effet, d’avoir une approche «totalement différente» de la sienne, dans laquelle il voit des «ressemblances» avec les projets des anciens chefs de gouvernement conservateurs espagnol et italien, José Maria Aznar et Silvio Berlusconi. Le président de l’UDF attaque aussi «la connivence avec les puissances de l’argent» de son rival qui l’incite à aller dans le sens du «tout pour les riches». Il veut, pour sa part, faire de «l’exclusion l’ennemi numéro 1».

La séparation des pouvoirs

François Bayrou accuse, d’autre part, Nicolas Sarkozy de bénéficier d’un traitement de faveur dans les médias grâce à ses «liens» avec les responsables des grands pôles industriels qui sont à la tête des principaux groupes de presse en France (Bouygues, Dassault et Lagardère). Il explique qu’«il y a des puissances très importantes qui, en particulier, ont des intérêts dans les médias et qui poussent à ce choix tout fait (…) Nicolas Sarkozy d’un côté, Ségolène Royal de l’autre». Cette situation empêche, selon lui, un véritable débat démocratique dans la perspective de l’élection présidentielle. Cela revient à «priver les Français de premier tour».

François Bayrou n’est pas le premier homme politique à se plaindre du parti pris de certains médias en faveur d’un candidat. En 1995, le soutien apporté à Edouard Balladur par une chaîne de télévision avait déjà été mis en cause par ses concurrents. Certains hommes politiques, comme Jean-Marie Le Pen, se plaignent aussi souvent de ne pas bénéficier du même traitement que les autres dans la presse. Mais en dénonçant une tentative de manipulation de l’opinion en fonction des intérêts des groupes industriels, le président met les pieds dans le plat et fait de ce dysfonctionnement le symptôme d’un besoin de renouvellement. Et comme il faut battre le fer quand il est chaud, l’UDF planche sur des propositions sur le thème de la concentration dans les médias. La nécessité d’une réforme qui rende effective et incontournable la «séparation des pouvoirs politique, économique et médiatique» sera certainement l’un des thèmes de campagne de François Bayrou.



par Valérie  Gas

Article publié le 01/09/2006 Dernière mise à jour le 01/09/2006 à 16:38 TU