Politique française
Gouvernement : huit mois pour convaincre
(Photo: AFP)
Repartir du bon pied à la rentrée, c’est possible. Dominique de Villepin n’en doute pas. Il est «serein». Et pourtant, avant la trêve estivale, le chef du gouvernement a frôlé l’embourbement fatal. Le Contrat première embauche (CPE), puis l’affaire Clearstream ont failli avoir sa peau. Mais tout ce qui ne tue pas renforce, et voilà un Dominique de Villepin requinqué -sa cote de popularité a même frémi dans les sondages (+2% dans la baromètre Ipsos du mois d’août)-, parti pour une dernière ligne droite, à la tête du gouvernement, dynamique et active.
Il est vrai que la conjoncture est venue à son secours. La croissance a atteint son meilleur score depuis six ans, au premier trimestre 2006 (3%). Le ministre de l’Economie, Thierry Breton, a estimé que le pouvoir d’achat devrait augmenter de 2,4% en 2006 contre 1,3% en 2005. Mais surtout, les chiffres du chômage sont encourageants. Depuis l’arrivée de Dominique de Villepin à Matignon, une baisse de 1,2% a été enregistrée (de 10,2 à 9%). Certes, cela est dû en partie au plan de cohésion sociale mis en place par Jean-Louis Borloo dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, mais l’actuel Premier ministre n’en tire pas moins les bénéfices et estime que le Contrat nouvelle embauche (CNE), pourtant controversé, a aussi contribué à l’amélioration.
Chômage : redescendre sous les 2 millions
La bataille pour l’emploi demeure plus que jamais l’objectif numéro un du gouvernement. Dominique de Villepin a fixé un objectif ambitieux pour cette rentrée : faire retomber le nombre de chômeurs à moins de 2 millions au premier trimestre 2007 et limiter le taux de chômage à 8% d’ici l’été. Ce dossier faisait d’ailleurs partie des devoirs de vacances des membres du gouvernement auxquels le président Chirac avait demandé de préparer «de nouvelles mesures efficaces» pour relancer l’emploi. Renforcer le plan Borloo, encourager les petites et moyennes entreprises et les chômeurs créateurs d’entreprises, notamment par des aménagements fiscaux, sont autant de pistes étudiées.
La question spécifique du chômage des jeunes, qui varie entre 22 et 40% suivant les zones, reste elle aussi au cœur des priorités du gouvernement. Malgré la crise provoquée par le CPE qui leur était destiné mais qu’ils ont massivement rejeté, Dominique de Villepin est toujours décidé à obtenir des résultats dans ce domaine et à enrayer une spirale particulièrement inquiétante pour la France. Une opération visant les jeunes diplômés sans emploi dans les quartiers défavorisés (10 000 jeunes, 10 millions d’euros) devrait, par exemple, être lancée rapidement. L’objectif global est de mettre en œuvre des dispositifs d’accompagnement vers le premier emploi et de renforcer ce qui existe. Mais surtout pas de créer un nouveau contrat.
C’est d’ailleurs pour envoyer un signal aux jeunes, et notamment aux étudiants, que le Premier ministre a réservé sa première sortie aux recteurs d’académie pour annoncer le renforcement des moyens dans les Zones d’éducation prioritaires (ZEP) et l’attribution d’une allocation de rentrée de 300 euros aux boursiers ayant quitté le domicile familial. Une manière de montrer sa volonté de mettre le discours sur l’éducation et l’égalité des chances en accord avec la pratique et d’amadouer une catégorie de population (les élèves, les étudiants et leurs parents) toujours difficile à manier.
Dans le registre des cadeaux de rentrée, Dominique de Villepin devrait annoncer à la fin du mois d’août l’instauration d’un chèque transport (qui pourrait s’élever à une trentaine d’euros) destiné à compenser la hausse du prix du carburant. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la lutte pour l’amélioration du pouvoir d’achat, tout comme la préparation pour l’automne d’un projet de loi qui viserait à protéger les consommateurs contre les hausses abusives.
Eviter les crises
Faire fructifier le temps qu’il reste avant l’élection présidentielle, ce sera aussi éviter les crises. Tout d’abord sur la fusion Suez-Gaz de France dont l’examen a été reporté au mois de septembre pour cause de fronde au sein de la majorité. Nicolas Sarkozy a mis un terme à la polémique à l’UMP durant l’été en apportant son soutien au projet mais ce dossier reste une source de conflit, au moins avec l’opposition de gauche. Plus de 30 000 amendements ont déjà été déposés et le débat à l’Assemblée nationale risque d’être plus que houleux.
Sur le plan social, Dominique de Villepin est toujours sous la menace d’un coup de sang des fonctionnaires qui ont bien du mal à accepter le non renouvellement annoncé de 15 000 postes -dont 7 000 dans l’éducation- alors que la croissance a mis du beurre dans les épinards du gouvernement. Mais le Premier ministre se veut ferme sur cette question car il reste décidé à faire des économies et à diminuer la dette. Il lui faudra donc faire preuve de qualités d’écoute, de dialogue et de persuasion. Une donnée que Dominique de Villepin semble avoir intégrée. La preuve, il a prévu au mois de septembre un cycle de rencontres avec les partenaires sociaux pour essayer d’instaurer un processus de concertation préalable lorsqu’une modification du droit du travail est envisagée, de manière à éviter une crispation du type de celle qui a eu lieu autour de la tentative de mise en oeuvre du CPE entre le gouvernement et les syndicats.
Un impair à l’orée de la campagne électorale pourrait coûter très cher. C’est certainement ce qui fait hésiter le Premier ministre concernant la réforme de la fiscalité sur les successions souhaitée par de nombreux députés UMP. Il s’agirait d’exonérer le conjoint survivant du paiement de droits habituels. Cette mesure qui bénéficierait aux catégories de population les plus aisées pourrait être mal ressentie par les plus défavorisées et être interprétée comme une injustice. Dominique de Villepin devra trancher d’ici mi-septembre, date à laquelle le projet de loi de finances doit être présenté en conseil des ministres.
Reste enfin à savoir jusqu’à quand le gouvernement restera uni et solidaire pour faire avancer les dossiers. Autrement dit, jusqu’à quand Nicolas Sarkozy demeura ministre de l’Intérieur. Peut-il se maintenir, comme il l’a annoncé avant l’été, jusqu’au début 2007 à un poste aussi exposé sans prendre le risque d’être victime du syndrome des candidats usés à gouverner ? Dans tous les cas, dès qu’il aura jeté l’éponge, la campagne électorale prendra certainement le pas sur l’action gouvernementale.
par Valérie Gas
Article publié le 24/08/2006 Dernière mise à jour le 24/08/2006 à 18:06 TU