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Politique française

Chirac : tous contents, et moi devant

Jacques Chirac répondait du palais de l'Elysée aux questions d'Arlette Chabot le 26 juin sur France 2.  

		(Photo : AFP)
Jacques Chirac répondait du palais de l'Elysée aux questions d'Arlette Chabot le 26 juin sur France 2.
(Photo : AFP)
Jacques Chirac a réaffirmé son soutien au gouvernement de Dominique de Villepin lors de son intervention télévisée du 26 juin. Le président de la République estime que celui-ci a «rempli son contrat» et qu’il n’a donc aucune raison de le changer. Que les Français aient perdu confiance, que la majorité parlementaire exprime des doutes récurrents, que l’opposition appelle à la démission du Premier ministre à chaque instant, tout cela n’est pas suffisant pour inciter le chef de l’Etat à gâcher la dernière année de son quinquennat et à se condamner à l’inaction en décidant un remaniement. Mieux vaut, à l’entendre, un peu de polémique que de l’immobilisme. Tout le monde n’est pas du même avis.

La sinistrose ne passera pas par Jacques Chirac. Le président n’a d’ailleurs pas cessé de sourire lors de son interview télévisée sur France 2. Certes, s’il a choisi de passer à la télé trois semaines seulement avant sa traditionnelle intervention du 14 juillet, c’est bien parce qu’il sentait un peu de mou dans l’opinion. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il y a le feu au lac. En tout cas, ni à Matignon, ni à l’Elysée. La preuve, Jacques Chirac affirme être entièrement satisfait du gouvernement. Et il a essayé de convaincre que, malgré les apparences (crise du CPE, affaire Clearstream, fronde parlementaire, dérapage verbaux du Premier ministre), l’équipe de Dominique de Villepin travaillait et marquait des points : contre le chômage, en faveur du pouvoir d’achat, pour la sécurité… Bref, la mauvaise ambiance est surtout due à «une ébullition politique et médiatique», pas à un réel problème de fond.

D’ailleurs, même la rivalité entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy serait un peu surfaite. Jacques Chirac le dit, il n’a pas remarqué que cela empêchait le gouvernement de travailler. Au contraire, le «choc des personnalités» ne serait pas forcément une mauvaise chose, mais presque une source de richesse. Et, à tout bien penser, cela n’est pas très important face au véritable enjeu : ne pas gâcher le temps imparti au gouvernement pour agir sous prétexte que, dans un an, il y a une élection.

Pas d’annonce, des messages

S’adressant aux Français auxquels il a tenu à donner des «repères» et une «feuille de route», Jacques Chirac cherchait tout de même à rappeler tout son petit monde de droite à l’ordre. A Dominique de Villepin, il a préconisé d’écouter les parlementaires qui représentent «l’opinion publique» et même mieux, sa «sagesse» [les méchantes langues ne manqueront pas de se souvenir que le Premier ministre, qui n’a jamais été élu, l’oublie peut-être trop facilement]. Aux parlementaires, il a demandé de continuer à soutenir le gouvernement et de calmer leurs velléités de protestation contre Villepin, notamment en votant le projet de fusion Suez-GDF à la rentrée lors d’une «séance extraordinaire». Il a aussi expliqué que pour gagner les prochaines législatives, mieux valait ne pas jouer la division à un an des échéances. Aux Français, il a montré qu’il avait entendu le message sur les méthodes à la hussarde sans négociation, version contrat première embauche, en expliquant que le report de ladite fusion était justement destiné à «convaincre», «se justifier» face à eux de l’importance de créer une entreprise «majeure» dans ce secteur.

En bon chef de clan -qu’il est toujours quoi qu’en disent certains-, le chef de l’Etat a aussi essayé de reprendre la main sur un calendrier que chacun, Nicolas Sarkzoy surtout, avait tendance à aménager à son goût. Au son de «travaillons parce que nous sommes là pour ça», il a aussi glissé en filigrane que l’heure n’était pas à la campagne, ni à l’annonce des candidatures. D’ailleurs, sur cette question rien n’est joué. Jacques Chirac a ménagé le suspense. Sera-t-il candidat ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Il le dira quand il l’aura «décidé», courant premier trimestre 2007. Jusque-là, Nicolas Sarkozy n’a qu’à trépigner et s’épuiser sans savoir quel rival il aura à droite. Le président ne s’est pas privé, en attendant, de jeter un pavé dans la mare du ministre de l’Intérieur-président de l’UMP-candidat à la présidentielle, en prenant le contre-pied de sa récente description, lors de son discours à Agen, d’une France victime de «25 ans d’échec» en pleine «désintégration sociale». Jacques Chirac a, lui, vanté les mérites des Français qui gagnent, qui créent des entreprises, qui ont «du talent». Et chiffres à l’appui, il a dressé le portrait d’un pays qui attire les investissements étrangers et qui investit au-delà de ses frontières, la cinquième puissance mondiale en terme de produit intérieur brut.

Décidément, si Jacques Chirac n’a rien annoncé, il n’en a pas moins envoyé de nombreux messages. Et pour cela, il a fait feu de tout bois. Même de l’équipe de France de football à laquelle il apporte «un soutien sans faille» et à laquelle il aimerait que tous les Français accorde autant de confiance que lui. Pour ceux qui n’auraient pas compris, cette petite leçon de solidarité nationale pourrait s’adresser à quelques-uns dans la majorité.

«Il a parlé pour ne rien dire»

Jacques Chirac n’en a pas réussi pour autant à convaincre l’opposition. Au contraire, sa tentative de positivisme a provoqué à gauche stupéfaction et exaspération. Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste, a estimé que «la méthode coué» n’était pas suffisante pour convaincre. Le député socialiste Laurent Fabius a condamné «le déni de réalité» du chef de l'Etat. Julien Dray, le porte-parole du PS, a été encore plus clair : «On n’attendait pas grand-chose de l’intervention du président de la République, on n’a pas été déçu. Il a parlé pour ne rien dire». Pour beaucoup, cette apparition de Jacques Chirac sur le petit écran a contribué à aggraver l’image d’un chef de l’Etat isolé dans son palais, qui n’entend pas et ne comprend plus le monde qui l’entoure. Le député UDF (parti centriste), Jean-Christophe Lagarde, s’est dit attristé «d’avoir entendu un président aussi affaibli et décalé par rapport à ce que subissent les Français». Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, a vu un Chirac tentant «d’anesthésier l’opinion» et se livrant à «un laborieux exercice d’autosatisfaction».

Les quelques commentaires réjouis et obligés dans son camp tombent un peu à plat dans un concert de commentaires acides. Christian Poncelet, le président du Sénat, s’est félicité du fait que le président ait fait entendre «la voix de la raison». Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a vanté «le garant de la cohésion nationale». La députée UMP Nadine Morano a apprécié d’entendre un Chirac «rassembleur». Et Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à saluer l’effort du président qui a fait «le portrait d’une France qui gagne».

par Valérie  Gas

Article publié le 27/06/2006Dernière mise à jour le 27/06/2006 à TU

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Brice Teinturier

Directeur d'études politiques et d'opinions à l'institut TNS Sofres

«L'objectif de Jacques Chirac, c'était d'arrêter un cercle de fragilisation qui ne faisait que s'amplifier sur son rôle, sur Dominique de Villepin, sur la crise à l'intérieur de la majorité.»

[27/06/2006]

Jacques Chirac

A propos de la fusion Gaz de France/Suez

«Naturellement cette fusion n'allait pas de soi. C'est une adaptation au monde moderne qui s'impose selon moi, et selon le gouvernement.»

[27/06/2006]

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