Politique française
Sarkozy : la sécurité, c'est moi
(Photo : AFP)
Moins de délinquance, plus d’agressions. Le bilan proposé par Nicolas Sarkozy établit que, depuis 2002, la délinquance générale a diminué de 8,8% mais que les violences aux personnes ont progressé de 12,45%. Aujourd’hui, les faits de violence aux personnes représentent un acte de délinquance sur huit. Dans cet ensemble non «homogène», les violences crapuleuses ont baissé de 8,7%, celles à caractère sexuel de 10,4% mais les violences gratuites ont augmenté de 27,5%. Malgré la difficulté de lutter contre de tels phénomènes, l’efficacité des services de police a été améliorée. Les taux d’élucidation des affaires de vols avec armes à feu ont ainsi augmenté de 9,7%. Ceux des affaires de violences sexuelles de 79%.
La situation globale n’est donc certainement pas rose. Mais à entendre le ministre de l’Intérieur, une chose est sûre : elle n’est plus aussi noire qu’à l’époque où la gauche était au pouvoir. C’est pour le démontrer que Nicolas Sarkozy a pris soin de présenter les chiffres en comparaison avec ceux des socialistes aux mannettes entre 1998 et 2002. Une période pendant laquelle la progression des violences aux personnes a été, selon lui, «plus de trois fois supérieure» (+42,22%) à celle qu’il affiche aujourd’hui. D’autre part, le ministre de l’Intérieur a fait valoir qu’il avait réussi à «inverser la tendance» en matière de crimes et délits constatés puisqu’on n’en dénombre plus que 3,775 millions, alors qu’en 2001, on avait franchi la barre des 4 millions.
Les Français font confiance à Sarkozy
Nicolas Sarkozy n’a décidément pas l’intention de se laisser dépouiller de son cheval de bataille favori. Lui, qui depuis longtemps a compris que l’insécurité et la délinquance pèseraient lourd dans la balance électorale en 2007. Que Ségolène Royal en ait fait le constat elle aussi représente alors une raison supplémentaire de continuer à occuper le terrain pour ne pas perdre son image de locomotive de la lutte contre la délinquance. Pour le moment, le ministre de l’Intérieur ne semble pas subir le contrecoup des prises de positions de la députée socialiste sur cette question. Si plusieurs sondages ont montré que les Français adhéraient aux propositions de Ségolène Royal, la dernière enquête de l’institut BVA pour Le Figaro et LCI, indique que cela ne remet pas en cause leur soutien au ministre de l’Intérieur. Une majorité d’entre eux (56%) estiment que Nicolas Sarkozy «fait les bons choix» en matière de lutte contre l’insécurité.
Quoi qu’il en soit, Nicolas Sarkozy a jugé qu’il était temps de reprendre l’initiative médiatique. Peut-être pour essayer de couper court la tentation de l’amalgame du «Sarko-Ségo : même topo». Ou tout au moins, ne pas apparaître en retrait ou à la traîne sur cette question centrale pour les Français. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs profité de l’occasion pour faire part de sa volonté de participer à un grand débat sur la sécurité lors de la campagne présidentielle -pourquoi pas avec Ségolène Royal-, estimant que la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection de 2002 en avait privé les électeurs. Un débat «idées contre idées».
Rester au gouvernement pour le moment
Car des idées, le ministre de l’Intérieur n’en manque pas. Il propose, par exemple, d’être plus sévère avec les multirécidivistes –qui représentent 20% des criminels mais réalisent la moitié des actes- en créant pour eux des «peines planchers» dissuasives car «la justice doit faire peur pour être respectée». Concernant les jeunes, il estime que face à l’augmentation de 80% de la délinquance des mineurs, il est urgent de modifier l’ordonnance de 1945 en vertu de laquelle ils comparaissent devant des tribunaux pour enfants. Ce qui selon lui ne se justifie plus, car «un mineur de 1945 n’a rien à voir avec un mineur de 2006». Dans le même ordre d’idée, Nicolas Sarkozy préconise d’exclure des établissements scolaires les jeunes de plus de 16 ans -âge de la scolarité obligatoire- responsables de perturbations ou de violences.
Contrairement aux apparences, Nicolas Sarkozy ne s’est pas livré à l’exercice du bilan comme à un préalable avant d’annoncer son départ du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’il n’en était pas question avant début 2007 -c’est-à-dire lorsque sera venu le moment de la désignation du candidat de l’UMP pour la présidentielle-, car «personne ne comprendrait». Cet état des lieux lui a donc surtout fourni l’occasion de riposter aux attaques sur l’échec de sa politique répressive face à la délinquance et de se replacer sur le devant de la scène. En continuant, pour le moment, à se positionner comme un homme dans l’action et à peaufiner son image de responsable à la manœuvre. Peut-être espère-t-il de cette manière réussir à engranger quelques succès qu’il saura faire valoir le moment venu ? Ou bien, attend-il l’occasion de quitter le navire gouvernemental sans avoir l’air de l’abandonner égoïstement ? Une occasion que pourrait peut-être lui fournir l’enquête dans l’affaire Clearstream menée, selon Nicolas Sarkozy, «par deux juges qui font un travail remarquable». Et dont on dit qu’elle pourrait rapidement donner des résultats.
par Valérie Gas
Article publié le 08/06/2006Dernière mise à jour le 08/06/2006 à TU